jeudi 3 février 2011

Fragile aisance

Certes y'a pas à dire, l'informatique et le web nous ont facilité la vie, ça c'est sûr. C'est même plus que sûr, c'est devenu une seconde nature, et parfois je me demande si ce n'est pas devenu la nature tout court. Après le Sapien Sapien, voici arrivé le Sapien Informaticus. On s'est tellement identifié avec cet outil, que l'on ne songe même plus à ce qu'il est en vérité : une fragilisation extrême de ce que nous sommes, de notre mémoire, des informations, de la culture, bref une relativisation de notre humanité.
Nous avons remplacé en moins de vingt ans notre identité par celle de la technique, nous ne sommes plus des animaux rationnels nous sommes devenus des animaux techniques et de technique informatique, dont l'intention ultime est le virtuel : culture virtuelle, commerce virtuel, amours virtuels, relations virtuelles, l'homme en définitive n'est plus le concret dans l'acte, mais uniquement dans la puissance, au sens aristotélicien du terme, dans le possible. Si la puissance d'Aristote avait comme fin, se réalisait, s'accomplissait dans l'acte, notre puissance à nous, n'a aucune nécessité de s'épanouir dans l'acte, il lui suffit d'être puissance, de rester puissance et de ne jamais s'actialiser, c'est ce qu'est la virtualité : une puissance de puissance.

On expérimente la fragilité d'un tel système. Confiez votre vie à votre ordinateur, du jour au lendemain, tout peut disparaître : vos archives, vos moments de bonheur, vos affaires, votre intimité, une bibliothèque, une photothèque, une discothèque, tout s'envole en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Ainsi à chaque moment partout sur le globe, ce ne sont pas une bibliothèque d'Alexandrie qui flambe mais des milliers de traces de vie humaines qui disparaissent dans le virtuelle binaire comme elles y étaient venues. On me dit mais il faut protéger. Oui oui protégeons ! Faisons des copies sur CD, mais le cd a une vie compté, et qui plus est, il n'est pas rare de que CD ne marche plus, pourquoi? comment? Je ne sais pas. Oui mais il fallait protéger sur disque dur. Ah bon, sur disque dur? Allons. Bon mais le disque dur peut lui aussi défaillir. Il fallait donc enregistrer sur CD et sur disque dur. Multiplier les copies. D'accord, mais cela doit être fait en combien d'exemplaires pour être sur que quelque chose, tout de même perdure? Alors voilà, nous sommes condamnés à copier et recopier sur tous les supports possibles : cd, disques durs, clef usb, disques mous, disques ronds, carrés, copier sur les murs, sur des cahiers, sur ipod, ipad, sur smartphone, faire un listing de toutes les copies disponibles, et copier ce listing sur tous les supports possibles et imaginables, mettre cette copie dans la mémoire d'un ordinateur central et recommencer puisque l'ordinnateur central est défaillant lui-aussi. Faire une copie des informations contenues dedans sur tous les supports possible, disques ultra durs, clef usb à la mémoire démentielle, sur cd rom ultra performant, recopier encore, et encore, copier, recopier, sur disques durs, sur ordinnateur de poche, de bureaux, centraux, décentrés, sur pc, sur mac, sur le nouveau machin, la nouvelle machine, avec le dernier logiciel, avec la dernière application : copier, copier, copier...

Les dieux de la technique sont impitoyables. Maudites divinités !

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