vendredi 28 décembre 2012

Rhapsodie pour une fin du monde III. Fin.

La question fondamentale que pose l'apocalypse chrétienne ( il sera dit plus bas ce qu'il faut peut-être entendre par "apocalypse chrétienne"), est celle de la fin de l'Histoire.
La coutume graphique veut que désormais on distingue l'histoire de l'Histoire ; la première n'étant qu'un ensemble de faits, leur récit, et l'interprétation des uns et de l'autre, tandis que la seconde commencerait où la première abandonne l'interprétation et se poursuivrait pas une réflexion philosophique non plus sur des faits mais sur le mouvement général qui permet les faits, qui autorise les faits à apparaître, qui autorise leur récit et leurs interprétations, qui autorise, enfin, la réflexion elle-même. L’Histoire serait donc un mouvement auto-reflexif, le seul sans doute, qui advient phénoménologiquement et qui se distingue de la somme des individualités et d'un quelque chose que l'on pourrait appeler, faute de mieux, la nature. L'Histoire en ce sens est accomplissement, et même révélation, elle est donc apocalypse. Alors donc, parler d'apocalypse comme fin de l'Histoire revient à dire que l'apocalypse se résorbe sur elle-même ou, pour être plus positif, que l'apocalypse c'est hic et nunc : déjà il fait nuit et déjà l'aurore pointe, simultanément, conjointement voici l'épaisseur des ténèbres et la palpitation de l'aube.



Mais on aurait pu écrire aussi que la question fondamentale posée par l'apocalypse est celle de la fin de l'histoire, en tenant compte de la remarque qui a été faite au sujet de l'initiale, minuscule ou majuscule. L'histoire semblerait maîtrisable, ou du moins pouvant être appréhendée, tandis que l'Histoire resterait, principalement, hors de portée, de portée empirique. Envisager la fin de quelque chose de constatable, de perceptible donc, et de quelque chose qui est hors de portée, n'est évidemment pas la même chose. On peut même se poser la question de savoir comment quelque chose qui est hors de portée peut-il finir? Ou qu'est-ce que finir pour ce quelque chose-là? Habituellement, l'apocalypse est perçue comme la fin de l'histoire, le point final de l'enchaînement des faits, le dernier fait. Il est dernier au point - cela n'est que tacite dans cette compréhension de l'apocalypse - qu'il échappe du coup à l'histoire elle-même, mais comme il est tout de même encore quelque chose, il semble précisément dans son caractère ultime rejoindre l'Histoire. Et nous en revenons donc, à la même compréhension de l'Histoire comme apocalypse.

 La fin du monde n'a pas eu lieu. C'était à prévoir. Le monde en rêvait, histoire de se donner quelques frissons supplémentaires, le monde en a rit à se faire peur. Ce qui est a noter tout de même dans cette affaire calendaire et médiatique, c'est la fureur dictatoriale de l'information. Enfin, de ce qu'il faut bien appeler, faute de mieux, information : si vous n'étiez pas au courant d'une fin du monde, vous passiez pour le plus ringard des ermites asociaux, pour le moins cool des badauds. Ce monde pourtant dans sa stupidité, devenue une de ses valeurs phares, en était à découvrir, il semblait, cette annonce catastrophique comme si c'était la première du genre. Il est vrai que cette dernière était sensée émaner des Mayas et l'on sait que les Mayas se piquaient de sciences dures. Pourtant la prophétie n'était que la énième du genre, le dernier avatar d'une longue série de spasmes oraculaires, de convulsions hallucinées, la dernière éructation sibylline. C'est que le monde en a vu d'autres des oracles et des promesses de grand black out, mais le monde oublie tout. Et dans sa grande amnésie, il communia stupidement, enfantinement, festivement à cette fin du monde décevante.

 " En ces jours qui sont les derniers, Dieu  nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, et par lequel aussi il a fait les siècles." Voilà comme parle l’Épître aux Hébreux - un texte écrit au premier siècle de notre ère - dans ses tous premiers versets. "En ces jours qui sont les derniers", nous sommes en droit de nous étonner que la lettre au Hébreux déclare benoitement que les jours de sa rédaction sont les derniers. Nous savons pertinemment que c'est faux puisque nous sommes là pour la lire, cette lettre, et nous lisons quoi? "En ces jours qui sont les derniers." Alors voici l'alternative, soit l'auteur était une espèce de prophète maya, soit ses fameux jours derniers le sont vraiment mais alors comment les comprendre.
Il est certain que l'épître par cette formule vise une certaine appréhension du temps, une compréhension de celui-là qui n'est pas la compréhension ordinaire, vulgaire et trivialement chronologique. Cette compréhension du temps semble avoir été modifiée par ce "Fils" qui parle. Depuis que le Fils a parlé, la compréhension du temps s'en trouve modifiée. Ce qui est remarquable dans la phrase citée c'est, à nouveau, la relation faite entre eschatologie ( En ces jours qui sont les derniers) et la protologie ( par lequel il a fait les siècles). Le Fils qui parle en ces jours qui sont derniers est aussi celui par lequel les siècles ont été faits. L'apocalypse a donc déjà eu lieu : c'est la manifestation du Fils dans la chair, c'est l'Incarnation du Verbe entendue non seulement comme le moment "t" du temps où le Verbe s'unit une humanité totale, mais aussi et surtout, comme dynamisme de vie, déploiement continu d'une chair individuée jusqu'à la Passion et la Résurrection.

L'histoire se poursuit dés lors collectionnant ses petits et hauts faits. Elle progresse l'histoire, elle va de l'avant, elle donne au passé ce qui appartenait au futur mais désormais marquée par excès de la chair du Verbe. D'un certain point de vue, l'Incarnation est un événement faisant partie de l'histoire, mais selon un autre, bien plus fécond, elle lui échappe par excès.  La manifestation de la chair du Verbe n'est à proprement parler ni un fait, ni un événement, elle advient, elle surabonde, elle frappe l'histoire d'obsolescence et l'Histoire de folie furieuse. Elle oblige désormais à considérer que le temps est fini, que les jours où parle le Fils sont les derniers effectivement, parce que, strictement parlé, aucune nouveauté ne saurait désormais survenir ni advenir.

Désormais, par la chair du Verbe et sa parole, l'une et l'autre intimement liées, ma propre chair transcende l'Histoire. Certes, mon corps a bien son histoire, ses faits et gestes, mais ma chair déborde de l'histoire de mon corps de tous côtés. Les raisons du Verbe sont désormais les raisons de la chair de n'importe quel homme qu'il adhère ou non aux paroles dites par le Fils. Ce Fils par qui les siècles ont été faits rend raison de la chair de l'homme. Et c'est pour cette raison que ces jours, dans une bonne et saine apocalyptique chrétienne, sont toujours les derniers, fin du monde ou non.

mercredi 19 décembre 2012

Rhapsodie pour une fin du monde, II.

A quelques heures de la fin du monde ( on aurait aimé laisser de côté ce tas d'inepties, ne pas s'en soucier, ne pas y venir, ne rien dire, ne rien faire, et laisser les prophéties mayatesques, rejoindre ses sœurs aînées dans le placard noir de l'oubli, mais le monde tourne et tourne aussi à se faire peur), fin du monde largement promue par les médias de tous horizons, revenons à l'apocalypse.

René Girard, que l'on gagne toujours à lire et relire, un peu par défaut, tout d'abord, considère la fin du temps présent - et non pas de l'histoire - comme une apocalypse ou, plutôt, une apocalypse marque la fin des temps présents. Le déroulement des crises mimétiques, en jeu actuellement et, ce qu'il appelle, "la montée aux extrêmes" ne peuvent que conduire à une apocalypse. Qu'entendre dans cette "apocalypse" annoncée ? Pour être tout à fait clair, il ne s'agit aucunement de comprendre cette notion dans le sens vulgaire, commun, trivial, et si peu étymologique, de cataclysme général et ultime. L'apocalypse n'est pas, nous l'avions déjà vu, l’anéantissement commandité par je ne sais quelle supra-puissance intersidérale ; l'apocalypse est révélation, dévoilement des mécanismes dia-boliques du monde.

Pour René Girard, le dévoilement est chose essentielle. Ce dévoilement est l'inverse de la méconnaissance, celle-ci étant l'état habituel de l'individu qui non seulement ignore tout de la source de son désir, mais croit dur comme fer que son désir est spontané, autonome, individuel, bien à lui, personnel. Or, le dévoilement, selon René Girard, consiste à prendre conscience, de façon démythologisée, que notre désir vient d'un autre, que notre désir nous est indiqué par un autre, un autre donc qui est le "médiateur", pour nous, du désir. Celui-ci a donc une portée interdividuelle pour reprendre une notion girardienne. Ce qui est valable pour les individus l'est aussi, mais avec quelle différence !, pour les groupes, les sociétés où non seulement fonctionne, entre les individus, dans la méconnaissance la plus profonde, la mécanique mimétique, mais où une mécanique plus formidable encore, plongée elle-aussi dans une méconnaissance entretenue involontairement,  règle le comportements des groupes mimétisés. Ces deux dynamiques mimétiques - celle qui règlement les rapports du désir entre deux individus et celle qui gère ceux des rapports des groupes humains entre eux - dans notre monde "globalisé", hyper médiatisé, où le temps n'a, pour ainsi dire, plus de temps, où l'espace est concentré, où la technique et les technologies elles-mêmes concourent à l'accroissement du désir mimétique, où elles en font une valeur économique, commerciale, mercantile, écologique, juridique, culturelle, religieuse, ces deux dynamiques conjointes dis-je ne peuvent que nous conduire à une exacerbation du désir qui ne peut se résoudre que dans un dévoilement, une prise de conscience vive et violente de ce qui régit la "tournure" du monde.



Ce dévoilement, cette apocalypse, résultat inévitable de la "montée aux extrêmes", nous n'en connaissons pas la forme précise et concrète. Elle a lieu déjà individuellement lorsque je prends conscience de ce qui m'agite.  Lorsque,  je me déboulonne de mon socle romantique fait de spontanéité et d'autonomie supposées, lorsque le fameux "être soi", tout d'un coup, semble creux, infiniment creux, insignifiant, pire, où il apparaît, avec une évidente fulgurance,  qu' "être soi" c'est toujours vouloir être un autre, comme le suggère cette publicité vendant les mérites d'un parfum avec le slogan "be different"  : un produit de grande diffusion ordonne  l'unicité, c'est ce que l'on appelle l'injonction contradictoire. Cette schizophrénie ordinaire est l'un des fondement du désir mimétique qui nous possède aussi parfaitement que les Ursulines de Loudun ou celles d'Auxonne étaient possédées par le diable.
Après tout entre cette société-là où le dia-bolique se manifestait par le mimétisme posséssionnaire, et la nôtre où nous sommes posséder par le mimétisme, toujours dia-bolique, les codes ont changés, les médiums, les cadres, les formes ont changés, mais demeure le grand agitement, la puissance incroyable du désir de l'autre, qui toujours, littéralement, prend possession de nous. Cette possession alors vue comme néfaste, est aujourd'hui non-dite, camouflée, recouverte du voile du "Be different" ou du "Be your self" et c'est précisément cela qui la rend plus terrible. Aucun exorcisme ne peut plus contraindre les démons de s'en aller, aucun langage corporel n'est adéquat, tant la médiation technique règne, tant l'empire de l'image, tue irrémédiablement l'imaginaire et même, et surtout, l'imaginaire corporel. Nous sommes, dès lors, conduits, aujourd'hui, en ce temps, à une violence du déchirement du voile à laquelle les Mayas sont parfaitement étrangers.

L'apocalypse ce n'est pas demain, ni même après demain, c'est aujourd'hui, en des temps qui, depuis la survenue de la Nouveauté inouïe, je veux parler de la Révélation Chrétienne - qui on l'aura compris est autre chose qu'un courrier qui arrive pour nous donner des nouvelles de Dieu et nous enjoindre de respecter les aliénas prescriptifs stipulés en post-scriptum -  depuis donc, cette manifestation de la Chair du Verbe, depuis le dévoilement de l'innocence radicale de la victime, depuis l'avènement de la possibilité d'une chair nouvelle, le redressement de l'homme courbé sous le joug des religions violentes, depuis lors, l'apocalypse passe par mon cœur, qui est la scène première et dernière de toute fin du monde réelle.

"Quand il ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d'environ une demi-heure."  Apocalypse 8, 1.


mardi 11 décembre 2012

Rhapsodie pour une fin du monde. Méditations sur l'Apoclypse, I

A l'issue de la Bible, livre du fondement, quoi qu'on en dise, quoi qu'il advienne - le futur est déjà tout entier mort pour ainsi dire - en suffixe biblique, donc, demeure l'Apocalypse, puisque c'est avec ce nom que le livre est parvenu jusqu'à nous. L’Apocalypse ferme la partie chrétienne de la Bible et donc la Bible toute entière, puisqu'il n'y a d'autre révélation après cette fermeture et que tout est dit. Ce n'est pas les quelques élucubrations mahométanes, aussi belles, aussi violentes, aussi sophistiquées soient-elles qui nous font penser le contraire : depuis la clôture du Livre aucun autre livre ne fut donné aux hommes, et les bouches qui ont prophétisées l'on fait par un mimétisme parfois pathologique et vengeur. 

L’Apocalypse est l'écrit de l'après tous les écrits, vieux ou nouveaux, il est donc le méta-écrit, le métagraphe ou le métascript si l'on préfère. Ce qui nous donne comme fil, pour la partie Nouvelle de l'Alliance : les quatre versions de la "Bonne Nouvelle", les "Faits des Envoyés", les "Lettres de Paul" et les "Lettres Universelles" et enfin le livre ultime celui de la "Révélation". "Révélation" c'est ce que veut dire "apocalypse" et la révélation est essentiellement "dévoilement", enlèvement du voile, mise au jour de ce qui est recouvert, mise à la lumière de ce qui était enveloppé dans la ténèbre. Tout voile ôté est une apocalypse, tout masque qui tombe une autre, une autre encore tout secret hurlé. 

Ainsi la Bible s'achève par se voile enlevé, par ce métascript qui n'est autre chose qu'un masque que l'on arrache, enfin, ultimement, une bonne fois pour toutes. Le latin a ce mot très beau pour parler des choses qui viennent en dernier, il les appelle "novissima". Les "novissima" sont les choses ultimes, les fins dernières. Évidemment, l'on voit tout de suite l'assonance - et plus que l'assonance, à vrai dire -  avec "nova", nouvelle. De nouvelle nouvelle, il y avait celle qui était désignée comme "Bonne", l’Évangile, la Belle Annonce. Aussi le Testament Nouveau s'ouvre sur la Bonne Nouvelle et s'achève sur les "Novissima", sur des choses "très nouvelles", surnouvelles. Elles le sont de deux façons. Tout d'abord parce que l'Apocalypse - dévoilement - est une nouvelle et, ensuite, parce que ces choses de l'Apocalypse si elles sont ultimes, dernières, sont premières, cependant. 

Selon l'adage évangélique "les premiers seront les derniers et les derniers premiers" - peu importe donc l'heure à laquelle on arrive, l'important n'est pas là. En conséquence, les derniers écrits, le métascript, ce retrait du voile, est, dans une certaine mesure, premier. Cet ordre révèle précisément l'ordre des fins. Dans l'ordre des fins, en téléologie donc, l'Apocalypse est premier car il dévoile la substance du monde, celle du réel, il somme à comparution les choses cachées depuis la fondation du monde.
En bonne et parfaite théologie - elle qui est aussi une lecture du monde - l'eschatologie éclaire, dévoile, la protologie et à son tour la protologie dévoile, éclaire l'eschatologie. Sans outrance, la Genèse est une apocalypse et l'Apocalypse une genèse. Que dévoile la Genèse, si ce n'est le premier mot, "Fiat Lux" ? Que dévoile l'Apocalypse, si ce n'est le cri ultime "Viens"? Et si l'on veut jouer : que dévoile la Genèse si ce n'est le premier des maux, le mal spermatique, l'invincible mal, tellement séminal qu'il est indicible sinon par une mythologie? Que dévoile l'Apocalypse si ce n'est le mal ultime, ce mal tellement méconnaissable, tellement ovulaire qu'il ne peut se dire que par la débauche des images chiffrées. Mais retirant le voile du mal premier, la Genèse dévoile simultanément le remède : l'exil du Paradis et de même, l'Apocalypse en dévoilant le fonctionnement du mal ultime révèle le remède : la Jérusalem Céleste. Paradis perdu et Jérusalem céleste étant parties de la Fable, mais la Fable ayant acquis un statut qu'elle ne possédait pas par elle-même. 

Désormais, ce qui travaille la fable c'est la chair et ce qui travail la chair, c'est la chair du Verbe, littéralement, en Personne. Aussi Fable - chair - Verbe, font partie, désormais et jusqu'à la fin du monde, même résiduellement, intégrante de n'importe quelle explication du monde; de n'importe quel dévoilement. Et c'est ne pas ôter le voile, ou pire, voiler par dessus voile, que de feindre de l'ignorer ou de ne pas vouloir le voir.

Ainsi donc, l'Apocalypse, ce voile que l'on ôte, cette Fable frémissante, comme frémit une chair, aussi vraie que vraie est ma chair, est pleine du Verbe, pleine de la vérité de la chair du Verbe, puisqu'il n'est d'autre vérité, en christianisme, que toute entière entée sur la chair du Verbe. Cette vérité de la chair frémissante du Verbe repose dans le corps des mots et celui des images.




Si l'Apocalypse est une fin, un eschaton, elle l'est en rapport à la chair du Verbe. Cette chair manifestée dans l'abaissement et l'exaltation, dans la forme de l'esclave et dans celle du Seigneur, est l'eschaton final, le novissimus des novivissima.

Feu, soufre, vents, étoiles cadentes, mer et terre en spasmes, tout cela donc appartient à la Fable, au déchiffrement, et tout cela se ramène à l'apocalypse antérieur : la manifestation du Verbe dans la chair. Aussi tout homme qui voyant le signe du Fils de l'Homme - signe contradictoire, signe paradoxal de division - et s'écrie "vraiment cet homme est le Fils de Dieu" entre dans l'apocalypse une fois pour toutes. Ses yeux se décillent et s'ouvrent et c'est son cœur qui est le théâtre d'une violence pire que toutes le convulsions telluriques et océanes : avènement de la fable de sa propre mort, autrement dit sa mort et sa narration. Aussi que lui importe, à cet homme-là, les secousses, le bouillonnement des eaux, qui lui importe même l'idolâtrie des États de la terre, le fourvoiement des Nations, la grande Fête que fait la Prostituée se moquant des choses saintes et des innocents, que lui importe l'infernale tournure du monde et ses machineries grinçantes !
Cet homme-là est mort une fois déjà et est vivant tout de bon, libre sur la terre libre. Libre comme Lazare, revenu du pays des ombres, et à qui le Christ demanda qu'on lui ôte ses bandelettes pour le laisser aller où il voulait.

mercredi 5 décembre 2012

Noël à la Toussaint, Pâque à la chandeleur

 Le calendrier s'accélère. Noël s'annonce dès le début novembre. Et c'est plus de deux mois qu'il nous faut vivre dans les boules, les résineux, la neige synthétique, les petites lucioles. La fête et l'esprit de la fête s'étalent sur l'ensemble de l'année comme une nappe de pétrole : grassement, lentement, mais inexorable. L’Épiphanie, dans cette dérive, est désormais mangée en pleine Avent et l'Avent se confond avec le carême, celui-ci avec le ramadan. Pâques commence à pondre ses œufs en même temps qu'on les casse pour faire deux ou trois crêpes : il faut bien sacrifier à ce qui reste de traditions. Puis, après tout, elles sont sympas ces traditions toutes teintées qu'elles sont de paganisme, c'est un retour aux sources non?   Puisque demain c'est la Saint-Nicolas, et que Nicolas, le bon évêque, est la matrice du Père Noël, qui n'a fait que prendre quelques kilos en mangeant des hamburgers, a troqué la mitre pour un bonnet de nuit, et la robe cléricale pour un complet de lutin, je me penche, une nouvelle fois, sur la fête de Noël.



Noël ! Les lumières, la bûche qui crépite, l'odeur du sapin, le scintillement des bougies; féérie de cette fête unique, tellement fête, si je puis dire, qu'elle est devenue la fête des fêtes, qu'elle est, a elle seule, l'hyperfête.

A n'en pas douter, Noël est bien la superfête, l'unique d'ailleurs, qui tiennent encore du calendrier chrétien, à être aussi universellement plébiscitée. Fête de l'enfant, fête de la famille, fête de la générosité, fête du don, fête de la solidarité, fête de la Chaleur humaine, fête de la bonasserie planétaire, j'en passe et des meilleures. Et pourtant, un truc me fait dire que rien de tout ça ne constitue l'essence de cette fête-la.



Noël, pour le dire simplement, est la célébration calendaire et arbitraire du dies natalis de Jésus de Nazareth, qu'une bonne partie de l'humanité tient pour un homme remarquable, si ce n'est le Verbe Incarné lui-même. La date - 24 décembre dans la nuit ou 25 comme on voudra- est tout à fait accidentelle, et symbolique, aucun registre n'ayant retenu la véritable date de naissance de Yeshoua. Symbolique donc, parce que choisie, assez tardivement (première mention écrite au milieu du IVeme siècle) , en raison de la fête romaine du Sol Invictis, du soleil invaincu, que l'on célébrait au solstice d'hiver. Les chrétiens, voyant dans le Christ le véritable Soleil Invaincu, quand il s'est agi de commémorer sa naissance, et bien, tout logiquement, ont choisi cette date-là. ("Quand il s'est agi", car avant cela la fête chrétienne par excellence, était - et demeure- Pâques. Fête de la Résurrection, qui est autre chose qu'un simple retour à la vie ; nous sommes loin de Blanche Neige ou de la Belle au Bois Dormant.)
Une autre fête romaine, se célébrait à la même période de l'année, les Saturnales. Fête exubérante pendant laquelle la coutume voulait que l'on s'offre des cadeaux. Nous avons donc là les racines de notre fête de Noël : un événement historique religieusement important pour beaucoup, une symbolique solaire païenne et une fête de l'excès avec présents.
Eu égard aux deux derniers éléments, cette nouvelle fête chrétienne se fit une place en hiver et au cœur de la nuit, c'est-à-dire, au moment astrologique et astronomique, où le Soleil est au plus mal de sa course et de ses fonctions symboliques. Cela ne devait mettre en valeur qu'une seule chose, la prééminence du Christ sur les ténèbres et la mort d'une part et, d'autre part,  sur le soleil lui-même. En définitive, cette fête de Noël n'était qu'une doublure, en hiver, de la fête de Pâques, qui disait en des termes quelque peu différents des choses proches : la prévalence de la vie sur la mort, de la lumière sur les ténèbres et la prévalence résolument définitive non mythologique ( nous ne sommes plus dans le cycle et des renouvellements perpétuels). Cette prévalence trouvait sa force et son caractère impératif dans le fait historique de la naissance, la vie et la mort de Jésus de Nazareth, pour le chrétiens : Dieu, l'Eternel, fait homme. )


Un petit mot sur le fameux "sapin de noël". Comme on ne prête qu'aux riches et que les vieux Celtes sont apparemment fort riches, on leur prêtent l'invention de ce fameux arbre. Ah, les Celtes ! Quoiqu'il en soit, il ne faut pas douter de l'origine païenne de ce symbole natalice. Mais qu'il fût païen n'est pas une raison pour qu'il le soit resté. Le christianisme dans son génie de considérer à frais nouveaux les symboles païens - sur lesquels il ne jetait pas systématiquement son opprobre, loin de là, considéra que ce fameux sapin, arbre toujours viride, était propre à signifié une vérité polymorphe de sa révélation. La bible fait une place considérable à l'arbre, et ce depuis la genèse jusqu'à l'Apocalypse, en passant par la Croix. Cette croix que la première génération de chrétiens appelait tout simplement  le "bois" et qui devint ensuite l' "arbre de vie" si magnifiquement illustré sur l'abside de la Basilique romaine de Saint-Clément. Aussi cet arbre décoré de couleurs, vert, dans le froid de l'hiver, pouvait merveilleusement signifier l'histoire du salut, puisqu'il était à la fois l'arbre du début, celui de la fin et la croix en préfiguration. Noël donc par la présence de ce sapin annonce déjà la Passion-Résurrection, ce qui nous reconduit à Pâques une nouvelles fois.

On le voit bien, il n'est ici question, ni de famille, ni de solidarité, ni de don, ni même d'enfants. Toutes ses notions, parasites, sont venues bien plus tard, et sont, somme toute, assez récentes. Le développement de l'intérêt porté à l'enfant a fait de cette fête une réjouissance purement enfantine, et par ricochet l'attention s'est portée sur la famille, cadre normal et habituel de l'enfant, son écrin pour ainsi dire. Ceux qui, parmi les catholiques, nous proposent la Sainte Famille comme famille exemplaire, feraient bien, de relire les évangiles, car quoi, nous voici en présence d'une Vierge qui ne connaît point d'homme, d'un homme qui ne connaît pas sa femme, d'un fils qui n'est pas le fils de son père, et qui ne sera que l'unique fils de sa mère. Le moins que l'on puisse dire c'est que cette famille-là, n'a jamais été un exemple concret de la famille catholique traditionnelle, où le nombre d'enfant est plus élevé, et où les époux se doivent d'accomplir leur devoir conjugal. Bref, tenir noël pour une fête familiale en raison de la Sainte Famille de Bethléem dans son étable, tient du folklore pieux plus que de la théologie. Il en va de même pour l'enfant. Il n'est question ici que d'un enfant : le Christ. Mieux qu'un enfant : un fils. Ce n'est pas le fait qu'il y ait enfant qui est important, mais bien celui qu'il y ait fils dans la chair. Noël n'est en rien la fête de l'attendrissement devant l'enfant, mais la reconnaissance dans cet enfant-là : du Fils venu dans la chair. Après on peut broder, imaginer, supputer, tirer des analogies, mais tout ce qui viendra, viendra en sus et est accessoire.

Je passe sur le don, la solidarité, qui eux-aussi tiennent de l'analogie natalice. Je ne dirai absolument rien des mangeailles scandaleuses, ni des ripailles,ni de la magie, ni du luxe ostentatoire qui, à cette occasion, s'étale partout, et fruit, hélas, d'une hécatombe animale annuelle - je crois bien que la tradition place auprès de l'enfant-Dieu, un âne, un bœuf, et quelques moutons; on pourrait dès lors en faire une fête de l'humble condition animale. C'est là le destin d'une fête religieuse qui se vide progressivement de sa signification première pour devenir un moment annuel de célébration grégaire sociale. Noël, oui, est bien aujourd'hui, la fête profane de l'enfant, de la famille et des valeurs conséquentes, sous la tutelle bonasse du bonhomme en rouge.

Bonne saint-Nicolas. 

jeudi 29 novembre 2012

Le champ des signes : une mystique facebookienne


Qu'est-ce que facebook? Un réseau social. Nous voilà bien avancés, "réseau social" étant encore de ses fameuses notions dont on use et abuse sans savoir ce qu'elles recouvrent exactement. Mon lieu de travail, ma famille, les amis, mes connaissances, voire les livres que je fréquente, sont aussi des réseaux sociaux.
La figure qui se rapproche le plus de ce qu'est facebook, est celle du forum antique. Place publique bordée de bâtiments officiels, de temples, de lieux de délassement, le forum était l'espace d'échanges par excellence, on y apprenait tout de la vie de la cité, tout et n'importe quoi. Chacun devait y retrouver ses amis, ses connaissances, devait y avoir ses coins préférés, soit au soleil, soit à l'ombre. Facebook c'est cela, un forum; ce que n'est ni le milieu professionnel, ni la famille, ni le maillage amical.

Mais si facebook est un forum, un espace libre - le forum c'est cela -  il ne l'est pas à la manière antique, l'analogie mettant les différences en valeur. Le forum facebook n'est pas un espace réel, il est virtuel, en puissance, mais une puissance qui n'est que puissance puisqu'elle ne s'actualise jamais en un vrai espace. L'espace facebookien est imaginaire et domestique, en ce sens, il est tout l'inverse du forum. 
Aucune voix ne s'y fait entendre, sauf celles venant d'ailleurs, malgré tout, par dessus le marché, à proprement dit, puisque le forum était aussi la place du marché. Quand une voix, dans cet espace fantasmatique, se fait entendre par le truchement d'une vidéo, on comprend, un peu, ce que Jeanne d'Arc aura pu vivre : le ciel facebookien s'entrouvre et une voix se fait entendre qui à chaque fois me surprend dans son intrusion : qui parle? qui donc chante? Pas loin s'en faut que je ne boute l'anglais hors de France. Mais c'est fait me dit-on.
Ce qui règne sur facebook ce sont les apparitions et le silence. Un silence intersidéral où les mots seuls fusent, comme étoiles cadentes. Sans voix, sans émotions, sans rien sinon les smileys et les lol, ou mrd ou ptdr que l'on se doit d'ajouter à telle phrase que l'on jugerait peut-être susceptible de choquer, lol !

ce qu'il reste d'un forum


Si seules les apparitions et le silence règnent sur facebook, c'est donc que facebook est une figure de la mystique, ou plutôt du champ mystique, l'un n'étant pas l'autre. Apparition? Voici. Une photo, et puis une autre, une image donc qui survient sans mon avis, sans que je la choisisse, qui s'impose à moi, qui vient tandis que je me promenais tranquille dans le forum, le cœur ouvert à l'inconnu. Paf ! Cette fois, c'est une œuvre d'art que j'aime et je suis ravi, exactement, ravi comme le santon qui voit la Vierge et le petit Jésus. Pouf ! Oh non : vision d'horreur, cette fois c'est la souffrance animale ou humaine que je vois, comme ses visionnaires qui voient des scènes d'apocalypse et qui - fermer les yeux ne leur sert à rien - secouent la tête pour ne plus les voir. Si la torture dure trop longtemps, si elle se répète trop souvent, je peux toujours supprimer la cause de mes visions. 

C'est proprement le surgissement de l'image apparitionnaire ; facebook fait de nous des voyants, et des voyeurs parfois. Le silence donne plus d'impact à ce flot d'images, puisque si elles sont accompagnées de mots, ses mots sont sans voix,  facebook étant la grande muette publique, l'immense et arachnéen champ du signe, car le champ mystique c'est cela : l'extension du champ du signe, ou pour être plus précis de la trace du signe, de son empreinte. La mystique en ce sens, à l'instar de facebook, est une virtualité. Non point au sens qu'elle n'a pas lieu, où qu'elle n'aurait lieu que dans un ici et maintenant toujours et sans cesse repoussé, mais, plutôt, comme on l'a déjà dit, comme la puissance l'est par rapport à l'acte. La virtualité n'est pas quelque chose qui ne se réalise pas, en ce sens elle n'est pas le contraire de "réel", mais elle est ce quelque chose qui déjà existe comme non actuel : la virtualité est une rétention.
Le signe est d'abord écrit, ou désécrit, il est ensuite imaginal. Le signe écrit étant l'amoncellement des caractères constituants les messages. Des messages relativement brefs, et parfois aussi sibyllins que les oracles de la Pythie. Ils arrivent sans tenants ni aboutissants, sans considérants et sans conclusions. Le message facebookien est proprement de l'ordre de la prophétie, non pas qu'il délivrerait la figure de l'avenir, mais parce qu'il est agit par un esprit d'ailleurs. Le message est ici, mais sa clef est ailleurs, et non seulement sa clef mais aussi sa substance et d'une manière telle que l'on peut dire que les messages sur les "murs" du forum facebook - des graffitis donc - sont sans intelligence absolument. Ils n'ont qu'une intelligence relative, comme manifestation d'un possible, comme survenue d'un sujet que l'on voudrait, lui, absolu.

Les signes imaginaux n'ont pas plus de consistance. Leur surgissement est parfois celui du rêve. Nous sommes ainsi comme ce personnage de 'Orange Mécanique' a qui l'on maintient les yeux ouvert tandis que l'on fait défilé devant lui une flot d'image, de visions. Il en va de même chez les mystiques qui, même les yeux fermés, voient ce qui n'est pas à voir, ce que l'on ne peut pas voir. Et leur œil n'a plus rien d'un œil, tenu qu'il est a rester ouvert. Ce regard, qu'il n'en est plus un, n'est que la toile sur laquelle vient s'exprimer le signe d'un Autre.
Et c'est pour cela que facebook est un forum imaginaire bâti de murs qui n'en sont pas, ni réellement, ni virtuellement, fantasmé, fantastique, caractérisé par la fulgurance. C'est bref et donc sans nuance, cela s'impose, les seuls choix qui me restent étant de détruire le forum, d'en sortir, d'établir une espèce de parcours codifié du forum, ou de "supprimer" celui ou celle qui m'importune. Clic clac, c'est fini, voilà l"ami" jeté dans les ténèbres extérieures, mdr !
Mais qu'était donc cet "ami"? Pas un assurément. On devrait toujours sur facebook, avoir au maximum de la sympathie pour la personne que l'on accepte dans sa liste de contacts. Parce que, les images, les mots, le reste, proviennent bien de quelqu'un, quelqu'un qui dit quelque chose sur lui, sur le monde tel qu'il le voit. Les images qui surgissent ne sont pas le fait du Saint-Esprit, quelqu'un appuie sur des touches, manipule une souris, trouve ceci beau, cela moche, s'émeut de ceci ou de cela. La sympathie - je ne parle pas d'amitié, facebook n'est pas une histoire d'amitié - devrait être un préalable, une promesse, un possible, elle serait ce qui détruirait le théâtre mystique de facebook. La sympathie serait le chant du cygne de la fantasmagorie informatique.  Mais facebook ne permet même pas cela, tant nous tenons à n'importe quelle fantasmagorie.  Son temps n'est pas celui de l'amitié, on le savait, mais pas plus celui de la sympathie, dans le sens profond, unique, du terme. Facebook n'est que "sympa", je "like" donc, clic clic clic, ou pas ! Et là, je suis frustré parce que je ne peux pas "déliker", alors quand j'en ai vraiment marre, je "supprime", c'est sans conséquence et cela m'apporte une paix, la pax facebookia, ouf je ne vois plus ce réac, ce beauf, ce facho, cet anar, ce ci, ce la !

Facebook, forum imaginaire et fantasmé, nous conduit à avoir un comportement fantasque ou nos "likages" sont aussi prompts que nos "suppressions" d'amis, où les uns et les autres réduisent notre champ émotif et affectif à la pure réactivité. Au final, il se pourrait qu'un jour facebook ne soit plus sympa du tout, ptdr ! Et à défaut d'être un réseau social, devienne un vrai zéro humain.

Foi de facebookien.

PS . En tapant facebook, le correcteur me propose Boniface, c'est amusant sémantiquement parlant.

jeudi 22 novembre 2012

Et la famille? Elle va mal, merci.

La famille, n'en déplaise aux catholiques new-age, et aux autres espèces, n'est pas l'un de mes thèmes favoris. J'ai toujours eu un peu de mal avec ce concept fumeux de  "famille de Dieu",  comme il m'est arrivé d'entendre parler de la Trinité, mais aussi avec la sainte Famille, que l'on voudrait nous faire passer pour la famille modèle, et avec la famille naturelle. J'ai du mal avec la première parce qu'il s'agit d'une élucubration théologique, avec la seconde, si elle est proposer en exemple de la famille chrétienne et avec la troisième quand elle est idolâtrée. J'ai sans doute plus lu les évangiles que les documents pontificaux émanés des derniers papes,  car le thème, en tout cas sa forte occurrence, de la famille est, tout compte fait,  assez récent dans le magistère, sans doute à proportion inverse de la faillite moderne de ce "premier noyau" de la société, de cette "église domestique".

Il n'empêche que l'évangile, documents pontificaux ou non, comporte une sérieuse critique de la famille.  On pourrait ici aligner les péricopes les unes derrières les autres. On pourrait ici aussi évoquer le cas de nombreux saints qui ont méprisé - n'ayons pas peur des mots - pères, mères, enfants - suivant ainsi le modèle évangélique - et cela pour poursuivre un idéal qui, selon eux, et selon nous, n'est plus de ce monde, et ne l'a jamais été. Mais là n'est pas le propos de cette publication.  Un chrétien authentique, un chrétien qui veut vivre selon l'esprit de l'évangile, selon cette sagesse qu'est l'évangile, ne peut purement et simplement chanter les louanges de la famille, au risque d'en chanter d'autres, je cite en pagaille : celle du code napoléonien, celle de la bourgeoisie, et d'une évolution très XIXe de la bourgeoisie, celle de l'ordre naturel, qui tout de même porte un coup dans l'aile depuis qu'Eve s'approcha d'un peu trop prés d'un certain arbres, celle d'une certaine société qui n'est plus, celle d'un âge d'or qui n'a jamais été, celle, encore, de fantasmes de tous ordres.

Que dire maintenant du mariage, antique porte d'entrée de la famille ? Si pour la famille mon chant défaille, pour le mariage je deviens muet. Oh, je ne nie pas la beauté de la chose et son romantisme qui ses derniers temps a repris  du poil de la bête, mais d'une bête morte : qui ne rêverait d'une candeur matrimoniale, des serments rose-poudré, des mains que l'on demande en tremblant, des promesses d'éternité ? Je porte cela bien trop haut pour nier sa valeur, valeur quelque peu vaine, mais valeur tout de même. J'ai gardé un pied dans un temps qui échappe au temps, où l'amour est éternel et où l'éternité est ici et maintenant dans la parole donnée. Hélas, trois fois hélas, force est de constater que le mariage est l'antichambre du fiasco conjugal. Il devient presque normal, presque convenu, presque nécessaire que tout ce déballage de blancs serments froufrouteux se soldent par un divorce. Et qu'est-ce qu'un divorce si ce n'est un anti-mariage,  le constat juridique de la faillite du lien matrimonial, de l'obsolescence de la parole, de la vanité des serments, du fameux bas-les-masques dont Mireille, tout un temps, nous rebattait les oreilles ?
Le mariage aujourd'hui est devenu la fête antérieure de l'impossibilité de conjuguer vraiment. Certains, grands idéalistes, recommenceront, encore et encore, et parfois, il faut le reconnaître parviennent au mariage ultime, soit faute de temps d'en trouver un meilleur, soit que le pied, un peu difficile à chausser, a trouvé sa chaussure, après en avoir essayé dix paires.  Est-ce l'âge qui rend sage? Est-ce la lassitude qui rend moins exigent? Est-ce la peur d'avoir froid en hiver qui fait que l'on ferme les yeux sur un idéal? Ou alors, je ne le nie pas, est-ce tout simplement que la maturité vient tard, de plus en plus tard. Je ne chanterai donc pas le mariage, qui, pour le catholique que je suis est un sacrement, autrement dit un signe, un signe qui réalise ici et maintenant la promesse d'aimer, celui-là ou celle-là, contre vents et marées. Je crois à cela et j'y crois trop, je pense,  c'est pour cela que je suis un défaitiste conjugal, sachant, d'expérience ce que valent les serments et les agitations d'un cœur humain qu'aucune grâce ne vient soutenir, qu'aucune transcendance ne vient fortifier. Un cœur livré à lui-même et rien qu'à lui-même c'est de la barba papa, à la première pluie, elle fond !

Le "mariage-pour-tous" - que j'écris avec des tirets de liaison, car plus qu'un nouveau slogan il s'agit d'une notion, et comme toute notion, elle tient de la philosophie - reconnait la suprématie du mariage hétérosexuel et bourgeois, et même celle de la famille, puisque loin d'en être une critique, il veut, au contraire, en étendre l'empire à des territoires non encore conquis.. Il reçoit le modèle normé - le mariage et la famille tels qu'ils sont - le reconnaît pour aussitôt lui dénier son rôle de modèle et nous faire croire que tout cela est spontané : c'est la loi du mimétisme. Sous couvert d'un droit à l'égalité - droit qui en soi n'est pas à discuter, il va de soi que nous sommes tous égaux en droits, et en droit - mais fallacieux, il ne s'agit pas tant de transformer les normes sociales - ils ne savent pas ce qu'ils font - que de signifier qu'ils n'y a pas de normes sociales que celles que l'on veut bien s'imposer, au nom d'une manie, d'une fantasme, d'une tocade, d'un soupir, d'un orgasme, d'un battement de cil, d'un courant d'air.. Ce droit est fallacieux, parce que si l'égalité est universelle, elle n'est pas un absolu. L'égalité, comme n'importe qu'elle relation, est, précisément un relatif. Ainsi par exemple, je peux m'égosiller à revendiquer le droit de mesurer 1m80, d'avoir des yeux bleus, et d'être une femme - droit que personne ne saurait, en toute justice, me refuser - il se trouve que  - sauf intervention violente - qu'il me manquera toujours 10 centimètres environ, que mes yeux seront toujours noisettes et que je serais, probablement, toujours un homme. Il y a dans la revendication à l'égalité, parfois, un refus des limites qui flirte avec la dictature et la tyrannie. Je disais que je serai toujours inscrit dans mes limites, sauf violence. Or, il se trouve, que ce qui se passe en ce moment au sujet du mariage-pour-tous, qui n'est que le mariage pour les gays - parce que de fait le mariage est déjà pour tous - est une violence. Une violence anthropologique, philosophique, religieuse aussi, qui se cristallise dans le juridique, comme pas mal de violences dans nos sociétés modernes : le juridique, le droit positif, est devenu le nouveau terrain du mimétisme victimaire, le lieu où se livre les batailles du désir, le lieu de la célébration de l'humanité nouvelle.

Toute violence n'est pas mauvaise, loin de là. Celle qui arrive, qui va arriver n'en doutons pas, est-elle souhaitable, utile, requise ? Autrement dit, qu'est-ce qui la provoque ? Quelle en est sa cause? Il y a plusieurs réponses à ces questions. Mais aucune ne saurait évacuer, dans un domaine qui touche à la sexualité - et pas uniquement au droit - l'importance du désir inconscient, l'importance de la méconnaissance mimétique. Que demandent les lobbys gays en demandant le mariage ? Que veulent les autres en défendant la famille? Les premiers demandent-ils uniquement une égalité exorbitante? Les seconds défendent-ils  uniquement les cadres normés de la société? Ce qui est sûr, c'est que les premiers sont tenant d'un naturel égalitariste, les seconds d'un culturel normatif. Ce qui est certain aussi, c'est que la nature n'existe, pour nous hommes et hommesses (sic), que par le truchement d'une culture donnée, et que la culture n'est jamais bien loin de la nature qui nous agite. Aussi, un égalitarisme naturaliste ne vaut guère mieux qu'un culturalisme a-critique.

La revendication égalitariste n'aura pas tous les effets escomptés, et il est fort à parier, qu'elle se poursuivra autrement tant elle puise profondément son ressort dans un malaise global que le droit ne peut résoudre. Après le mariage gay viendra autre chose, et puis encore autre chose, jusqu'à ce que le fantasme ou, qui sait, la réalité, des limites ne s'impose plus. La revendication des cadres "traditionnels" du social peut elle aussi virer au bourgeoisisme frigide, s'il n'est pas pensé. Or dans le "débat" en cours, on pense peu. Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, quelques arguments de raison ont été avancés ici et là, mais la raison est la chose la moins bien partagée au monde, et ils ont été balayés d'un revers de mains : on préfère la passion, les seins nus, les banderoles, les croix et le reste; chacun son folklore. Il n'empêche que demeurent les questions : qu'est-ce qu'une limite? Est-ce forcément un mal? Le mariage, après tout, c'est quoi? La différence sexuelle est-elle ou non normante? Veut-elle encore dire quelque chose?




Il faudrait que la "communauté-gay" - ce néant de la pensée, cet artifice sociologique -  sorte un peu de ses fêtes - pauvres fêtes -, ses rangeots, ses baskets, ses cuirs, ses befores et ses afters, ses tralalas sexuels, ses backrooms et ses vapeurs et  propose autre chose -se reporter à Têtu - que des pectoraux, des fesses et des paquets bien remplis. Non pas que cela soit mauvais en soi, loin de là, mais il faudrait tout de même penser autrement qu'avec deux boules : nous avons aussi des hémisphères cérébraux, et mieux, puisqu'on ne pense pas qu'avec son cerveau, on pense aussi avec un cœur - je ne parle pas du cœur romantique, cette viande infecte - et un esprit, un esprit surtout !
Pour ceux qui tiennent pour des normes, il faudrait tout de même mettre un peu d'eau dans son vin. La famille et le mariage ne sont pas des panacées. Combien de mariages ratés - et pas seulement parce que le traiteur était mauvais ou la robe, au final, vulgaire - de familles décomposées -parce que une famille recomposée, est d'abord une famille décomposée, on a jamais autant aimé la conjugaison !- combien d'enfants aux liens familiaux de plus en plus vastes : je connais des tontons et des tatas - des tontons tatas, aussi - qui ne sont ni le frère, ni la sœur, d'un des parents. On peut pleurer sur cet état de fait, mais c'est un état de fait, et rien ne laisse présager que nous sommes en train de rétablir l'ordre moral, normal, si tant est qu'il ait existé un jour.

 Très franchement, je ne vois pas ce qui empêche, un Etat, une collectivité démocratique, athée, agnostique, non-confessionnelle, anti-confessionnelle, laïque, a-religieuse, irréligieuse, d'élaborer une morale, qui ne soit que le résultat d'un consensus entre les forces en jeux, autrement dit, qui ne soit qu'une pax mimetica. Dans cette paix morale-là,  non-contraignante - si ce n'est dans un ici et maintenant, toujours à rediscuter - non-définitive - puisqu'elle est consensuelle, autrement dit fondée sur une dynamique forcément mouvante, et donc relative - je ne vois pas, ce qui empêche, d'unir deux personnes de même sexe. Au contraire, je pense que l'on ne va pas assez loi et que rien - si ce n'est des attachements viscéraux, névrotiques ou non à des conventions bourgeoises et religieuses ( un autre consensus, mais plus celui-ci) - n'empêche en définitive d'unir les membres d'une même fratrie, d'une même famille, et non seulement dans une union exclusive, mais aussi dans une union plurielle. Plus encore, on peut très bien unir deux entités d'espèces différentes : un homme et un chien par exemple. Il suffit que la dynamique consensuelle ailleurs dans ce sens, avec force arguments anthropologiques, sociologiques, philosophiques, etc. Car, je vous le demande, qui aurait pu prévoir un instant, je ne parle pas du XVIIIe, ni même du XIX, mais disons dans les années 1930, qu'un jour deux hommes, deux femmes, puissent se marier. Qui? Si ce n'est un obscur individu délirant en chambre. Il suffisait d'une étincelle pour que la machine de la morale consensuelle se mit en route et nous y voilà. Il n'y a rien d'étonnant et en soi, c'est un progrès. Le progrès se déroule sans conscience, sans atermoiements, sans émotions, il va se déployant toujours, et le progrès tue, parce que le progrès mime.

L'amour existe. L'amour entre hommes existe. L'amour entre femmes existe. Que certains homosexuels  puissent élever des enfant mieux que certains hétérosexuels, pas de doute. Que cela fonde un droit? Aucunement. Que cela impose une modification substantielle des structures normatives de la société? Pas davantage. Homosexuels ou hétérosexuels, nous sommes tous nés entre les cuisses d'une femme et tous issus de gamètes mâles, d'un manière ou d'une autre. Faut-il évacuer cela aussi? Je suis persuadé qu'on y viendra. L'hétérosexualité est donc au fondement même de notre imaginaire culturelle et psychique, parce qu'elle est, en définitive, la chose la plus spontanément naturelle, et je ne suis pas loin de penser que c'est l'homosexualité qui est du côté de la culture. Il n'y aurait pas d'homosexuels sans différence sexuelle, sans mâles et sans femelles. Davantage, il  n'y aurait pas d'homosexualité sans, dans le même mouvement, option pour le même sexe et refus du sexe différent. L'homosexualité n'est pas seulement une pulsion inversée, elle est un "choix" d'objet qui évacue l'autre objet possible. Elle n'est pas purement et simplement l'inverse de l'hétérosexualité. L'homosexualité pose des question que l'hétérosexualité ne pose pas, et il est bien qu'il en soit ainsi. Il est bon que cela soit ainsi parce que c'est l'humain qui interroge l'humain. C'est l'humain qui demande des comptes à l'humain, c'est l'humain qui critique l'humain, dans un dialogue des différences sans qu'elles passent au rouleau compresseurs des égalités lissantes.

La forme d'homosexualité advenue dans les années 80 - 90 en France, et ailleurs, est, globalement, une homosexualité du politiquement correct, du moins en façade - on ne se défait pas de la clandestinité comme ça. Ce façadisme de bon ton n'est, dans ses phénomènes en tout cas,  qu'une imitation kitsch de l'hétérosexualité et de ses rites alors que celle-ci les tournait en dérision.  L'hétérosexualité qui ne sait plus à quel saint se vouer, rend bien la monnaie de sa pièce à cette forme d'homosexualité policée en en adoptant certains de ses codes. Le modèle imite l'imitateur qui à son tour repart de plus belle dans une imitation en abyme.  Il y a dans la façon de vivre  l'homosexualité, aujourd'hui et ici, quelque chose de la revendication petite-bourgeoise au nom d'une “égalité” hystérique élevée au rang d'idole. Cette transe toute en ivresse à signé la mort de l'homosexuel qui interrogeait la société dans laquelle il vivait. Il lui demandait des comptes sans même à avoir à lui en demander, sa seule présence suffisait à poser question. Aujourd'hui dans le bal de l'égalité et de l'in-différenciation est advenu le gay, et le gay-festif, qui n'a d'autre préoccupation que de se fondre dans le paysage morose des sociétés post-post-modernes, ou tout se confond, ou tout se dé-vaut. Ce gay-là aimerait aimer concilier son errance charnelle et un modèle de stabilité que lui ouvrirait le mariage. Il veut déconnecte une bonne fois pour toutes l'acte sexuel de la filiation, et il est, c'est une évidence, bien placé pour cela.








mercredi 21 novembre 2012

Le loup, la religieuse et le diable.

"On ne frappe pas une femme". Cette proposition pourrait être vraie. Mais, et sans aucune mauvaise foi, elle ne l'est plus. Primo, parce que l'on sait ce qu'est une femme depuis que la théorie du genre nous l'enseigne : un résultat culturel. Secundo, parce que la proposition, au regard du féminisme, est sexiste. Elle voudrait dire, en effet, en creux, "on peut frapper un homme". Pourquoi donc pourrait-on frapper un homme et pas une femme? Il est évident que la proposition fait preuve de sexisme et de discrimination en raison d'une construction culturelle tout relative. Si on maintient la proposition initiale, ce serait en souvenir de je ne sais quelle galanterie bourgeoise, de quel esprit chevaleresque où il était coutume de défendre la veuve et l'orphelin. 

"On ne frappe pas une femme" est donc, pour nous qui sommes éclairés, et qui savons ce qui nous trame, une proposition irrecevable. L'égalité elle-même nous oblige à ne pas la recevoir. L'égalité comme traitement uniformisant pour tous, sans distinction de sexe, de préférences sexuelles, d'origine, etc. Selon cette conception égalitariste l'équation est très simple : femme = homme. 

Donc si "on ne frappe pas une femme", cela veut dire que l' "on ne frappe pas un homme" non plus. Et dans ce cas, il faut s'insurger de ce que les fameuse Femen aient été battues non pas parce qu'elles étaient des femmes, mais parce qu'elles ont été battues tout simplement. Un "elles" qui auraient pu être un "ils". Si on continue à s'insurger du fait que ce sont bien des "elles" qui ont été malmenées, dans ce cas, on se doit d'être logique et de renier, l'égalité uniformisante, l'anti-sexisme et la théorie du genre, entre autres choses. Soit encore, et c'est le plus terrible, on sous-entend que s'il ce fut agit d'hommes, cela aurait été moins grave, alors on dit du même coup - si on peut dire -, si on ne renie pas toute l'idéologie mentionnée, que l'on pouvait battre aussi ces femmes, puisque une femme = un homme.

Ces femmes-là sont donc les dupes de leur idéologie et elles nous dupent aussi. Voulant chatouiller le loup tandis qu'il mange ou dort, elles s'étonnent d'avoir été mordues.  Je suis enclin à penser que d'être mordues leur sert, et qu'au final leur étonnement n'était que surfait. Pourtant elles savaient lire, c'était écrit "chien méchant". Les atermoiements de M. Fourest (le M étant ce qu'il y a de mieux désormais pour dire Monsieur ou Madame -Mademoiselle a été relégué au placard - chacun met donc ce qu'il veut dans ce M) sont des postures, de celles dont elle a le secret. L'Infinie Insurgée, la Grande Outragée, la Divine Affligée, sait parfaitement d'un détail faire un roman-photo. Elle vous prend une citation tirée de son contexte et ça lui fait son carburant pour un an. Elle qui a tout lu, tout vu, tout su, tout compris, elle qui devine tout, ne pouvait-elle pas prévoir ce qui allait se passer? Si bien sûr, cette fille intelligente le savait parfaitement, et c'est même pour cela qu'elle avait une caméra, qu'elle hurlait avec les autres, et qu'elle levait, elle-aussi le poing. Journaliste ? Soit, mais militante avant tout, journaliste parce que militante. Elle court, elle court la Fourest, mais pour sa boutique.

Exactement comme ceux qui marchaient ce jour-là - avec autorisation des autorités légitimes - qui marchaient pacifiquement jusqu'au happening des hystériques. Ils marchaient pour leur boutique. Drapeaux nationaux estampillés du Sacré-Coeur - faudrait se pencher une bonne fois sur les "révélations" qui ont donné naissance à ce drapeau-là, et l'on verrait que l'on ne peut donner sa foi, ni sa raison, à ce théâtre d'ombre, mais passons - banderole ( une en vérité) aussi bête que les body paintings des amazones. Ils avaient poussettes et marmots, cela valaient bien les seins, qui comme dit Lacan, ne sont pas des organes sexuels - il dit ça quelque part, je ne sais plus où, dans le séminaire "Encore", je crois. Le sein est à l'enfant ce que le nuage est à la graine. Un enfant voit un sein, il voit un nuage. Pas de quoi en faire de la ricotta. Ce que je me demande, c'est ce que font des marmots à une manif, qu'elle soit de CIVITAS, ou d'ailleurs, de gauche ou de droite. Un enfant n'a rien à faire dans ce genre de performance. Mais ça c'était avant, aujourd'hui on sait que l'avenir de l'homme, c'est l'enfant.  

Venons-en à la violence. En toute justice, il faut bien admettre que la première violence est celle de ces femmes. Ce sont elles qui et par le geste et par le slogan ont donné le premier coup. Elles débarquent sans crier gare, avec un accoutrement merdique et des extincteurs dont on ignorait le contenu... par les temps qui courent, on est vite paniqué. Des catholiques voient le diable, et l'on voudrait quoi ? qu'ils  dansent avec lui?  Donc début de la rencontre 1 pour Femen, O pour Civitas. Et puis quelques membres de la manifestation répliquent  (des excités de groupes de jeunesse brune, semble -t-il ) : 1 Femen 1 Civitas. A la fin, les activistes de Femen sont mises dans un fourgon de police. Fin de la rencontre : 2 Civitas, 1 Femen. Mais on joue les prolongations : la presse, Fourest, etc : 2 Civitas, 2 Femen.   




Eloïse Bouton, l’une des "chefes" de Femen en France, déclarait à Libération : « En tant que féministes, nous considérons que nous devons avoir un avis sur tout, pas seulement sur les sujets qui ne concernent que les femmes. Sur la mondialisation, sur le réchauffement climatique, sur tout. » Et plus loin : « Bien sûr, nous voulons attaquer les catholiques intégristes. Le mariage gay est une affaire laïque et on ne comprend pas pourquoi ils s’en mêlent ». Je pense que l'on peut enlever le "intégriste" qui n'est qu'une précaution oratoire puisque en tout état de cause, ce sont elles qui jugent ce qui est intégriste ou ne l'est pas.  On pourrait se dire, que n'importe quel adjectif peut remplacer le "féministes" et le "femmes", je ne sais pas, par exemple, cul-de-jatte, ou jardinier, ou catholique. Mais le raisonnement se construit ainsi : la religion est de l'ordre privé, strictement privé, le mariage-gay c'est laïque, strictement laïque et donc out ! Le raisonnement bien que sans nuance, pourrait se tenir, à ceci près que le "féminisme" de Femen tient du religieux aussi, c'est-à-dire, de la construction mythologique, de l'invention littéraire, d'une lecture philosophique. Et que ces femmes ne sont pas loin, d'être une espèce nouvelle d'inquisiteur. Toujours l'histoire de la paille et de la poutre.


On voit comment le mimétisme agit et comment, de nos jours, la violence mimétique devient vite judiciaire, juridique et médiatique. Si la violence première a été objectivement portée par Femen, qu'en est-il de la violence originelle, celle-ci n'étant pas celle-là? La violence originelle est à chercher dans la politique, dans le débat politique où plutôt dans la comédie politique, au sens très noble du terme "comédie". Le mariage-pour-tous qui déchaîne - littéralement- les passions : est d'abord une proposition politique et donc symbolique. La violence originelle est de cet ordre, de l'ordre symbolique appliqué à la vie publique, autrement dit du politique. Un symbole qui divise, ce n'est plus un symbole, c'est un diabole. Le diabolique donc est la figure du politique. On ne saurait, pratiquement, en politique faire autre chose que du diabolique, que de l'usage de diaboles. Le mariage-pour-tous, malgré sa philanthropie évidente, est de cet ordre. Il l'est non pas tant en soi, mais dans ses présupposés philosophiques et dans, précisément, sa volonté, tacite, méconnue, inconsciente, de muter le symbole, de déclarer que le symbole après tout ce n'est qu'un jeu de signes, qui ne porte pas à conséquence, avec lesquels on peut, tout à son aise jouer, et peut-être en est-il ainsi. Mais les altercations récentes laisseraient croire qu'il n'en est rien,  que jouer avec les symboles est explosif. 

Il fut dans la première moitié du XVIIe une affaire qui, mutatis mutandis, a quelques similitudes, du moins dia-sym-boliques, avec celle-ci. Je veux parler de celle qui secoua la petite ville poitevine de Loudun. Tout un couvent de religieuses ursulines se trouva possédé du démon. Cela commença par la supérieure et très vite l'épidémie gagna toute la communauté. L'affaire fit grand bruit. On chercha, bien sûr, un coupable, et le sort - pas par hasard, il n'y a pas de hasard dans le choix d'un bouc émissaire - tomba sur le curé. C'était lui la cause de ce déchaînement de diableries. On le jugea, on le brûla. Mais les possessions, les convulsions, les cris, bref l'hystérie reparti de plus belle. On fit venir exorcistes et médecins, et le public put venir assister, comme au théâtre, aux séances d'exorcisme. Car c'était cela : un théâtre, un happening nous dirons, une performance qui n'avait pas encore été inventée. L'affaire ne fut pas que religieuse, elle était politique aussi. Loudun fut le précipité d'une crise mimétique sans équivalent dans sa théâtralité. 

Aujourd'hui, que la possession est reléguée au Moyen-Age, il faut bien que l'hystérie se dise autrement. Mais elle conserve presque les mêmes signes : religiosité, théâtralité, démesure, convulsionnisme, extrémisme, mensongerie et violence. Loudun ou Femen, après tout nous ne sommes pas loin, l'exorcisme étant remplacé par la procédure juridico-judiciaire. Dans l'un et l'autre cas, ça possédait, ça se faisait posséder : des religieuses qui ne pouvait être possédées par aucun homme -Urbain Grandier, le curé en était un - et des féministes qui n'aiment pas beaucoup les hommes.  Et sur la scène du théâtre, c'est toujours le même combat qui est mimé celui de la liberté fondamentale qui récuse l'aspect contraignant du symbole et de la  Morale qui impose l'existence de l'instance symbolique. Ce théâtre-là avant de se trouver à Loudun ou dans la rue, plante ses tréteaux au cœur de chaque individu. Et le grand drame de toute crise mimétique, c'est d'ignorer cela. Extérioriser ce conflit permet de donner visage au "diable" qui nous agite et, illusoirement, de le tuer.

mercredi 14 novembre 2012

L'entrée du Christ à Bruxelles où la religion qui vient.

La religion est polymorphe ou plutôt le religieux est polymorphe puisque la religion est une chose et le religieux une autre. On peut rapidement définir la religion comme un ensemble plus ou moins structuré de principes, de croyances et de rites, tandis que le religieux serait plutôt un sentiment, plus ou moins vague, plus ou moins conscient, ayant trait à des conceptions du monde ne relevant pas directement de l'empirisme positif.
Le religieux donc, en raison de sa nature extrêmement plastique, peut se manifester en dehors même des cadres stricts de la religion, des religions. Il y a un certain rapport au sport, à la mode, aux fêtes, à la musique, à la culture, à la politique, à la science même qui relève du religieux et ce même si les comportements signalés ne donnent pas forcément naissance à une religion. Un seul exemple lié à la nourriture : le sport et la mode font appel à un comportement ascétique proprement religieux, comportement largement manifesté dans un ensemble de religions. L'anorexie sportive ou celle des plateaux de modes ne peut pas ne pas faire penser à celle de la mystique. Si les deux premières sont acceptées culturellement par nos sociétés comme allant de soi, la troisième, quant à elle, semble pathologique et ce uniquement en raison de son objet de référence directement religieux.

Cet exemple, et il y en a d'autres, illustre clairement que ce qui "fait problème" pour les mentalités contemporaines, ce n'est pas tant un comportement spécifique que l'objet de référence qui motive le comportement. Or l'objet explicitement religieux fait problème. Davantage encore, c'est l'objet religieux transcendant, autrement dit celui qui est au dehors, qui est évacué; car, malgré le soin qu'elle met à évacuer tout ce qui est expressément religieux, notre société est incapable d'y parvenir vraiment et le religieux n'est en définitive que déplacé.



Ce déplacement est accompagné, à moins qu'il n'y participe, d'un changement de paradigme. Ce nouveau paradigme comporte l'amnésie générale d'un moment, pas si ancien, d'une religion structurante de la culture. Je veux parler du christianisme qui, il y a encore quelques années, était un donné que beaucoup partageaient sans même y adhérer par conviction.
Aujourd'hui, il semble que les choses aient changées et que toute référence au christianisme, qu'elles soient motivées par des convictions philosophiques ou simplement sociologiques, est le fait d'une arrière-garde désespérément attachée à un ancien ordre des choses. La rapidité du changement paradigmatique dont ce qui vient d'être dit n'est qu'un symptôme, ne peut avoir lieu sans un travail positif d'oubli, d'amnésie.
Cette amnésie draine avec elle la confusion des notions, et pour tout dire, l'indifférence aux notions elles-mêmes. Que nous importe donc les notions, l'histoire et le reste, puisque nous en inventons d'autres ! semblent dire nos contemporains. Le problème est que les fameuses notions dont on ne veut plus avaient été forgées dans une espèce de lenteur propre à l'humain, et que celles - les pauvres - qui les remplacent sont artificiellement fabriquées dans l'officine des jeux des influences politiques, économiques, sociologiques, et plaquées à grand renfort de communication sur des cadres tout aussi vite construits et qui sont censés rendre compte de l'évolution extrêmement rapide des mentalités. Les axiomes du nouveau paradigme sont ainsi induits, presque de force, avec une violence qui même si elle prend la télévision pour truchement n'en demeure pas moins une violence, inculqués dans la tête, l'esprit, le cœur des individus constitués en troupeau savant. La généralisation des études, de l'école, nous a rendu "savants", capables de réfléchir par nous-mêmes, mais, malheureux que nous sommes, nous voilà toujours constitués en troupeau où si l'un bêle, le voisin bêlera, et ainsi de suite. "Penser par nous-mêmes"? La belle illusion, ça pense et ça se passe bien de nous. Il faut une volonté d'airain pour échapper au poids du troupeau savant, s'extraire de la masse soi-disant pensante et suspendre son jugement autant qu'il le faut, jeter un anathème définitif sur la télévision, cette boîte de pandore, et faire son chemin sans l'aide de ce cerveau de remplacement.

Parmi ce qu'il est convenu d'appeler, de façon somme toute assez conventionnelle, nos contemporains - car, après tout, qui m'est contemporain? - il en est, un bon nombre, qui refusant, parfois de manière arrogante - une arrogance qui tant elle tient du tic mimétique, confine à la bêtise, égrainant toujours les mêmes poncifs, les mêmes arguments ressassés -  et le religieux et la religion - toutes sont englobée dans ce "la" qui prend essentiellement la figure du christianisme, comme étant la quintessence de "la" religion, autrement dit de la perversion - exécutent, dans un même mouvement, le remplacement de l'une et de l'autre, par une "philosophie" et des références idéologiques qui tiennent du religieux et de la religion. Ils se font gloire d'être purifiés de la perversité religieuse mais, et c'est sans s'en rendre compte, tant ce qui est religieux est censément évacué, qu'ils réinstaurent des habitus et des manies proprement religieux. Les lendemains qui chantent, ceux du changement perpétuel - et ça change depuis toujours, l'Eglise elle-même ne se disait-elle pas "semper reformanda", sont pour ses bonnes âmes l'horizon de leur eschatologie immédiate. Ces bonne âmes toutes replètes d'une dévotion festive, toutes confiantes en une humanités idéale et bonne, pleine de romantisme social, tout sourire et le cœur sur la main tant que vous êtes d'accord avec elles, mais bien que  dévotes à la fête humaine, se transforment en assassines, sans pitié, sans compassion, sans même prendre la peine de vous comprendre dans ce que vous dites, en coupeuses de têtes, si vous avez le malheur de ne pas vous réjouir avec elles. Cette "Eglise" qui ne dit pas son nom, aux ramifications telles que je ne demande parfois si, à mon corps défendant, je n'en fait pas partie, propage - elle a ses missionnaires - ses idées, ses sentiment, ses impressions qu'elle prend pour des opinions, ses opinions qu'elle croit  mordicus être données d’en-haut, un en-haut qui est aussi un en-bas, car pour elle il n'est d’en-haut que très bas;ce nouveau paradigme, qui a besoin de la figure de l'autre soit pour l'aduler soit pour l'écraser.

L'évacuation spectaculaire d'un certain religieux, d'un religieux dont la référence est explicitement transcendante, d'un religieux entretenant des relations trop explicites avec la religion, fait place ainsi à une palette de réactions qui sont encore de type religieux et donc, à terme, à une religion au sens où on la définissait plus haut.
Cette religion qui vient - qui est déjà là - est à la fois politique et festive, l'un n'allant - désormais- jamais sans l'autre (Il n'est que de voir les émissions de télévision où hommes politiques - et femme, précisons- se mêlent aux comiques en tout genre, dont certains font profession, justement, de moquer le politique. Aussi le moqueur se trouve à la même place que le moqué, l'arroseur que l'arrosé, et l'un vaut l'autre, et l'un dit aussi vrai que l'autre, et l'on ne sait plus, au final, qui est l'un qui est l'autre, car de l'un à l'autre, il n'y a plus de différence. Et l'effacement de la différence est un premier pas vers la violence.)
La fête, et la fête politique, est la figure majeure de la religion nouvelle. Une religion qui impose à ses fidèles de se réjouir en tout temps et de trouver cause à sa réjouissance en tout. La ville - lieu du politique étymologiquement - devient le fastueux théâtre des amusements et l'on voit telle ou telle place occupée par des manifestations où les citoyens communient : c'est sympa ! Effectivement, c'est sympa ! Un slogan en forme de credo : sympa et on a tout dit. Un sympa qui réduit à rien les qualificatifs avec lesquels on pourrait nuancer la réalité. Nous sommes convier au banquet urbain du sympa, parce que Monsieur, Madame, il n'y a pas de souci. Il n'y a plus de soucis, c'est la promesse de ce nouveau culte. A y regarder de près, nous sommes encore et toujours dans le christianisme - dont nous sommes indécrottables- mais un christianisme de pacotille, une amusette bonasse pour cerveaux marketisés.

Indécrottables chrétiens nous le sommes à moins que les autres que nous chantons à longueur d'années, les autres, autres vraiment, ceux qu'après tout nous n'aimons pas, ceux avec lesquels nous ne vivons pas, ceux avec lesquels nous n'habitons pas, ceux pour lesquels nous avons une condescendance souriante, ceux dont nous faisons mine d'aimer la culture, ceux qui nous font pleurer de tendresse avec des larmes de crocodile, ceux-là même que nous avons mis au pinacle, comme étant les plus propres à nous représenter, parce qu'ils sont autres justement, sans que nous nous rendions compte que nous sommes là dans une schizophrénie acrobatique  : l'altérité comme figure de l'identité, je ne serais moi qu'en étant un autre; que ces autres, donc, pour lesquels je dois avoir cet amour sympa et mou - nous sommes loin du "aimez vous les uns les autres", cet amour-là avait la croix pour sceau, autrement dit le don suprême - nous lavent une bonne fois de ce qu'il nous reste de christianisme. Et alors, on remballe tout, les flons flons et les chants, fini la fête ! Parce que ces autres ne sont pas schizophrène eux, et n'ont rien d'adorateurs aveugles de l’altérité molle.



"L'entrée du Christ à Bruxelles" est un tableau du peintre belge James Ensor




jeudi 25 octobre 2012

La figure sacrificielle et la fête.


Le texte du chapitre 22 de la Genèse ne va pas sans poser quelques questions. Et il est bien qu'il en soit ainsi. Par exemple, Isaac est présenté comme le fils unique d'Abraham : " prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac", or l'on sait par le récit lui-même, qu'il n'en est rien  et qu'Abraham est précédemment  père d'Ismaël, enfant qu'il eut de sa servante. Le récit donc fait l'impasse sur le caractère non unique d'Isaac, sur son caractère carrément second. Il ne l'ignore pas puisqu'il le relate, mais il ne le considère pas, Ismaël ne fait pas nombre, il n'est pas compter comme fils, et surtout pas comme fils premier-né et ce même s'il reçoit son nom d'en-haut et qu'il est même béni par Dieu. Mais c'est Isaac, à ce régime, qui est l'unique, et avec raison, on pourrait dire, car il est lui seul le fils de la promesse, tandis qu'Ismaël est celui du doute. Isaac est le fils du rire, Ismaël le fils de l'anxiété, Isaac le fils du visage, Ismaël celui du ventre. Isaac celui de la grâce, Ismaël celui de la force.  On pourrait ainsi longtemps palabrer sur le statut de la gémellité, ou de sa figure, dans la Bible, mais on s'arrêtera ici.

En un temps où le sacrifice humain, et particulièrement celui des enfants, étaient encore monnaie courante, Dieu, selon le texte biblique, demande à Abraham de commettre un acte similaire, de lui sacrifice son fils, de l'immoler même : " Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t’en au pays
de Moriyya et là tu l’offriras en holocauste sur une montagne que je t’indiquerai." Ce fils du rire, celui de la promesse, celui que Dieu lui avait donné, Dieu maintenant demande de le lui immoler par le feu comme si Isaac était une vulgaire victime et Dieu une idole parmi tant d'autres : "Isaac s’adressa à son père Abraham et lui dit : « Mon père ! » Il répondit : « Oui, mon fils ! » – « Eh bien, reprit-il, voilà le feu et le bois, mais où est
l’agneau pour l’holocauste ? » Abraham répondit : « C’est Dieu qui pourvoira à l’agneau pour l’holocauste, mon fils », et ils s’en allèrent tous deux ensemble."
Abraham obéit, et l'on sait ce que Kierkegaard à  fait de cette figure de l'obéissante sans yeux. Il obéit et va pour immoler son fils. A celui-ci qui lui demande où donc l'on trouvera la matière du sacrifice, Abraham, père toujours avenant, répond : "Dieu y pourvoira mon fils". Il parle mais il ne sait pas ce qu'il dit, parce qu'en effet Dieu y pourvoit déjà, et Abraham confond le temps présent, celui de sa marche vers la montagne du sacrifice, et le temps futur, celui de la providence divine. Dieu a déjà pourvu, et Abraham croit savoir mieux que Dieu, mais Abraham obéit. Le rire est fini, l'unique va être immolé.

On sait la suite. L'ange arrive retient la main du père, le fils est épargné, un bélier est trouvé, inventé, et voici que c'est l'animal qui est sacrifié en lieu et place du fils, de l'enfant.
Jamais plus on ne parlera parmi les enfants d'Israël de sacrifice humain et l'enfant sera toujours l'enfant du rire, le don, désormais sera par-don, et Dieu, ce Dieu qui éprouve, que l'on éprouve, ne reprendra jamais plus ce qu'il a donné une fois, au contraire, il donne à nouveau.

Le sacrifice humain est donc interdit et c'est tout le sacrifice qui dés lors entame une évolution. Si le judaïsme connait encore le sacrifice animal, en lieu et place du sacrifice humain, la tradition prophétique d'Israël n'aura de cesse de critiquer l'aspect sacrificiel de la religion de Moïse. Il faudra attendre la venue de l'autre Fils, de l'Unique Véritable, de celui dont Isaac sacrifié était la figure pour rompre une bonne fois pour toute avec le sacrifice sous toutes ses formes. En effet, le sacrifice librement consenti du Christ, Agneau Absolu, depuis la fondation du monde, met fin, une fois pour toute, et sans retour possible, aux longues suites des sacrifices de sang. Les fleuves de sang se sont tari par le sang d'un seul en vertu de la liberté de celui qui l'a versé. Et désormais le sacrifice ne saurait plus avoir que la figure dérisoire d'un repas.

Le christianisme donc se présente comme une religion pas seulement non-sacrificielle, mais comme une critique radicale du sacrifice. On ne saurait être chrétien et resté attaché au sacrifice. Le sacrifice est une violence religieuse, une institution violente de la religion sensée opposer un barrage transcendant à toute violence possible. On choisi une victime pour qu'il n'y ait pas d'autres victimes sur qui la violence folle des hommes pourrait s'abattre. La victime rituelle est la bonne, l'unique bonne victime puisque elle catalyse tout la violence et apporte par son meurtre la paix. Le christianisme est donc, en ce sens, le démantèlement de ce système victimaire, et donc, la sortie majeure de la religion archaïque.



Mais alors l'islam? Pour être franc, il n'y dans l'islam que peu de trace du sacrifice. Mais dans sa prétention à se poser comme l'unique voie abrahamique, voire l'unique religion vraie pratiquée par le patriarche. L'islam, nécessairement, nous ramène, par dessus les siècles, par dessus les prophètes critiques, par dessus, évidemment, la construction chrétienne, à l'instant du sacrifice d'Abraham. Nous voici donc remonté dans le temps, nous voici au pied de la montagne, Abraham conduisant l'âne, et se retournant pour répondre aux questions inquiètes du fils. Le visage du fils n'est plus le même cependant. Isaac est resté avec sa mère, et c'est Ismaël que l'on découvre tenant le bois, derrière son père. C'est Ismaël, fils du ventre et de la force, le premier unique, qui va être sacrifié. Ce n'est pas le fils du rire, c'est celui de l'anxiété qui chemine vers l'holocauste. Cela change-t-il quelque chose? Oui, cela change presque tout. Mais ce n'est pas là le sujet.

L'islam nous conduit rapidement au sacrifice d'Abraham. Il y a changement de fils, mais reste le sacrifice, sans la même portée, mais toujours violent. L'islam donc par sa prétention à rejoindre sans étapes la figure d'Abraham remet d'une bien étrange façon le sacrifice en son cœur. Le christianisme l'avait expulsé dans ce qu'il avait d'archaïque, mais l'islam, le ramène, discrètement mais surement. La fête de L'Aîd al-Adha, autrement dit "Fête du sacrifice", est la fête des fêtes, Aîd El-KeBiR, puisqu'elle commémore le sacrifice d'Abraham - acte fondateur -et sa parfaite soumission aux dictats divins : Abraham est le parfait musulman. Ce n'est donc pas rien. Et voilà que, de façon rituelle, sont sacrifiés de vrais moutons, en mémoire du bélier pris dans les broussailles. Un mouton que l'on mangera en famille et avec les voisins.

 L'islam ce sont des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes, des vieux, ici et là-bas qui pensent sincèrement qu'ils rejoignent la foi d'Abraham par une répétition de gestes, par des figures de figures. Exactement comme des chrétiens qui refont chaque jour et, principalement chaque dimanche, le partage du pain et du vin en mémoire de celui qui leur a demandé de faire : figures de figure. Dans le premier cas, la figure reste sanglante et archaïque, dans le second cas, la figure n'est plus sanglante, le repas lui-même n'est plus franchement un repas. Dans le premier cas, la fête est le mine le plus proche possible du fait violent, dans le second cas, on s'en est éloigné le plus possible; et si la croix, même dans ce repas réduit à des signes, est omniprésente elle ne l'est plus que d'une présence performée par les signes, et des signes qui ne singent pas, justement. 

Si le christianisme - faisons cette hypothèse - est une construction littéraire ou conceptuelle et si l'islam en est une aussi - il n'y aurait pas de raison qu'il ne puisse pas l'être - je pense que vaut mieux, anthropologiquement,  la première que la seconde. La première nous arrachant à la violence, si du moins on accepte de l'entendre dans sa radicalité pacifique, la seconde nous gardant encore trop proche d'elle. Ceci explique sans doute cela.

mardi 2 octobre 2012

La culture du redressement.


 La rédaction de ce billet remonte à plusieurs mois. Je ne le publie qu'aujourd'hui.

Bien sûr, on peut et l'on doit se réjouir de ce que l'on évoque la culture comme fondement d'un éventuel redressement de la France et donc de l'Europe, car quand bien même la France se redresserait, si elle le fait seule, à quoi bon? Rien de ce qui est en Europe ne se redresse ou ne s'abaisse sans que le même mouvement ne se répercute, tôt ou tard, sur d'autres. C'est une des facettes du mimétisme global.

Cela dit, une question se pose tout d'abord. Redressement? Mais redressement de quoi, au juste? Si redressement il doit y avoir c'est donc qu'abaissement il y a eu, et que probablement il y a encore. Mais alors quel est cet abaissement non évoqué, si ce n'est par antonymie ? Le mystère est épais. S'il venait, en effet, quelqu'un pour vous dire - et en vérité, on en trouve - qu'il y a eu, qu'il y a, abaissement, affaissement, et je ne sais quoi d'autre dans le même goût, ceux qui réclament le "redressement", s'écrieraient la main sur le cœur, qu'abaissement, il n'y a point, et que l'on se trouve là, à la limite du catastrophisme, de l'insulte, voire du trop fameux "dérapage". Cependant, ceux-là même peuvent parler, eux, de redressement et donc, logiquement, évoquer, sans le nommer - mais ils procèdent toujours ainsi- l'abaissement.
A moins, et cela est possible, que le redressement soit exclusivement un redressement économique et donc social, puisque l'un ne va pas sans l'autre. Mais alors, le mystère s'épaissit plus encore, car que peut la culture dans un tel redressement : s'agit-il de vendre plus de livre? plus de cd? plus de place de concerts? de faire exploser les entrées au cinéma? d'allonger les files d'attentes lors des grandes expositions cycliques, cultes tragiques que l'on rend aux derniers dieux? d'augmenter les manifestations nocturnes en tout genre? de saturer les musées? d'en exporter la marque et les produits dériver? de vendre plus de t-shirt marqués "I love Le Louvre" ou "I Love Versailles"? Allez savoir.

Ces considérations culturelles et économiques nous conduisent à nous poser la question suivante "qu'est ce que la culture?" Un livre serait nécessaire pour répondre à cette question, et d'ailleurs il en existe pas mal déjà qui tentent de cerner le sujet. Restreignons le champ de la question : quelle culture est susceptible de redresser la France - je n'aime pas cette rhétorique, je l'empreinte seulement- , si l'on met de côté les conséquences économiques?
Avant d'en venir à une ébauche de réponse, qui sera d'ailleurs une non-réponse. Donnons deux exemples d'inculture ordinaire. Un de ses derniers jours j'allai, cherchant une théière, dans un magasin bien connu où l'on vend du thé. Je vis sur les présentoirs, un "Guide du théophile". Surpris, je me dit "mais que fait donc une indroduction à la Vie dévote chez un marchand de thé?" Les infusions auraient-elle quelque chose à voir avec Dieu? Il est vrai que l'on parlait jadis de "grâce infuse"... mais tout de même. En vérité,  le livre n'était qu'un guide pour amateur de thé. Comme chacun sait, aimer en grec ce dit, entre autres, "philein" qui donne le préfixe ou siffixe philo- comme dans philosophie ou francophile. Mais, visiblement, ce que chacun ne sait plus, c'est que "théo" en grec veut dire "dieu" comme dans "théologie" et donc en toute logique "théophile" signifie "aimant Dieu", comme "théodore" "don de Dieu". Le Palais des Thés, propose donc, à l'amateur de Thé, de considérer son sachet comme une image de Dieu, qui répand ses vertus, par infusion, dans son âme, comme dans une eau chaude. Voilà bien l'exemple même de la bêtise élevée en culture par le truchement d'un terme qui se veut savant : "théo-phile" ne veut pas dire "qui aime le thé". On me dira que je suis radical, un puriste, un des dernier en ces temps où les puristes ne sont plus, que même l'Académie, blablabla. Mais cela commence par un jeu et fini toujours le plus sérieusement du monde ; je parie que tripotée de gens, bien sous tous rapports, croient le plus ingénument du monde que "théophile" veut dire "amateur de thé" : "Ah, tu sais je suis un grand théophile, j'en bois des litres !" Permettez que je comprenne que Dieu est un liquide.

L'autre exemple est sans doute plus parlant encore. A Rouen, sous le Grand-Horloge, près de la Cathédrale, se trouve une représentation très belle de saint Jean-Baptiste parmi les moutons. J'étais en train d'admirer la sculpture monumentale, quand arrive une bande de gamins conduit pas une institutrice ou une "maman-accompagnatrice". Les gosses étaient en train de faire un rallye-découverte de la ville, j'imagine, puisque, papiers à la main, arrivant sous la tour de l'horloge, ils lisent la question et tentent d'y répondre. "Quels sont les animaux représentés et à quoi servent-ils?" On notera au passable l'aspect pratique de la question, un animal soit ça sert à quelque chose, soit ça sert à rien, et si ça sert à rien, et bien, cela ne sert à rien et donc ouste ! Donc on répond : "des moutons" et "à faire de la laine". Mais soudain un des enfants demande : "Madame, c'est qui le monsieur avec les moutons", puis un autre "oui c'est qui?" Et la dame, la maman ou l'institutrice "Allons, les enfants, on passe à l'autre question" autre question dont la réponse se trouvait cent mètres plus loin. "C'est qui alors?" fut la dernière chose que j'entendis du groupe qui s'éloignait prestement. Non, seulement, on ne répondit pas à la seule question intelligente fasse à l’œuvre d'art, celle de son sens, mais ceux qui avaient préparé le rallye, n'avaient, face à cette oeuvre-là, pas trouvé mieux que de parler d'utilité animale, rendant l'oeuvre inintelligible, presque inexistante. Hélas, l'ignorance dans cette manière est de plus en plus crasse et, même, nous avons atteint un point de non retour, en matière d'art qualifié d'ancien et de religion comme terreau culturel, le pire c'est que bien souvent les deux allaient de paire.

Alors quand nous parlons de "culture" de quoi parlons-nous? De savoir qui était Jean-Baptiste? Même si cela devrait en faire partie, nous n'entendons pas réduire la culture à ce genre de "savoirs", comme nous n'entendons pas la réduire aux multiples manifestations, fêtes, festivals, nuits, performances, installations, etc. qui jalonnent l'année civile. Nous n'entendons pas la faire commencer non plus en 1950 ou à la fameuse fontaine inaugurale. La culture ne commence pas après la guerre, elle ne commence pas à une date précise. Elle n'est pas un pot que l'on ouvre pour en tartiner les temps morts et les jours d'ennuis. La culture n'est pas cette petite curiosité du badaud qui, durant des heures, fait la queue - c'est son devoir- pour "faire" la dernière expo donc parle Télérama, autrement dit dont tout le monde parle. La culture est une inquiétude prioritaire qui a l'oisiveté - l'ostium des Latins - efficace. Une efficacité qui n'est pas de ce monde, qui ne l'est plus. Elle n'est poétique qu'au sens des Grecs, et non au sens des romantiques, qui mentent toujours. La culture ce n'est pas des amusettes pour bourgeois en goguette - et nous sommes tous des prolo-bourgeois, à l'heure qu'il est : il y en  a qui le savent et d'autres qui s'illusionnent. Est-ce cette culture qui redressera la France? Soyons sérieux ! Bien sûr que non. Alors autant dire, que les carottes sont cuites, c'est-à-dire qu'elles sont molles - redressement, tu parles !- et quand c'est comme cela nous ne sommes plus très loin de la purée : la purée de culture, bien sûr.

dimanche 23 septembre 2012

Deux papas pour Jésus.

En mai dernier, le Soir, journal belge, publiait un reportage sur l'homosexualité. Un des articles s'intitulait : "Jésus aussi avait deux papas". Le "aussi" renvoyait à la promotion du mariage-gay - concept en soit - déjà acquis en Belgique mais qui reste encore à instituer en France.  Ce titre, à la provocation molle, sous-entendait, bien sûr, que l'unique opposition à ce progrès "sociétal" indéniable, que constitue le dit mariage, vient de l’Église et de la catholique, cela s'entend; puisque, on le sait, c'est La Grande Empêcheuse de tourner en rond - pour rester poli. Il reste à prouver que l'Eglise catholique constitue l'unique force - faible force à vrai dire - qui s'oppose aux jours heureux du matrimoine homosexuel. De même, qu'il n'est pas encore prouver que toute la fameuse "communauté" gay soit pour ce mariage. Cette demande émane, cela est sûr, surtout d'associations et de groupes de pression  estampillés LGBT qui en mal de revendication ont trouvé là leur nouveau cheval de bataille en attendant d'en enfourcher un autre plus blanc, plus pur, plus rapide. Les médias dans leur crasseuse complaisance avec les idées dans le vent, enfoncent le clou : il s'agit d'une question vitale, d'égalité fondamentale, d'équité et de simple justice. "Faire famille", c'est un droit opposable et souverain pour tous ! Bon, la cause est entendue, soit. Gay, gay marions-nous. Et puis adoptons, chien, chat, enfant, peu importe, faisons famille avec ce qui nous tombe sous la main, ce qui compte, après tout, comme nous le serine le christianisme, c'est l'amour, non?


Passons aux considérations hautement théologiques que soulève le titre de l'article. Commençons par le plus évident. Si, de fait, Jésus avait eu deux "papas" , étant donné la teneur de l'article, il faudrait en conclure que Joseph fut l'époux de Dieu le Père. Si fait, de deux choses l'une soit il est un "époux" allégorique, soit un "époux" réel. S'il l'est de manière allégorique autant dire qu'il ne l'est pas vraiment, qu'il s'agit juste d'une manière de parler, et que donc, logiquement la double paternité est, elle-aussi, allégorique. L'affaire s'arrête ici : Jésus n'a eu deux "papas" que de façon rhétorique. Si, au contraire, Joseph est l'époux réel de Dieu le Père, cela nous ouvre des horizons théologiques très larges. Apparemment, du moins, car très vite nous achoppons sur la question de la sexualité. Puisque, si nous parlons d'épousailles réelles, il faut que d'une manière ou d'une autre la sexualité soit ici assumée. Il ne fait aucun doute que Joseph fut un être sexué, avec des attributs mâles. Cela ne suffi pas pour nous qui connaissons les finesses de la théorie du genre. Nous savons nous, ce que valent les attributs mâles ou femelles : de la roupie de sansonnet ! Il ne suffit pas d'avoir un pénis entre les jambes, encore faut-il se le mettre dans la tête. Mais, si  l'on fait confiance au témoignage néo-testamentaire, l'on doit tenir pour certain que Joseph se vivait comme un homme, qu'il n'avait pas de problèmes majeurs d'identité sexuelle. Ainsi donc, Joseph était non seulement du genre masculin mais se vivait comme tel, il savait donc, il se vivait donc, comme n'étant-pas-une-femme.
En bonne théologie, nous savons que Dieu n'a pas de sexe, qu'il est une esprit asexué, que la question même de la sexualité ne se pose pas dans son cas. Dieu ne connaissant pas la génération, ni la succession n'a nul besoin d'un déterminisme sexuel. Il n'est même pas question de besoin dans son cas. Alors qu'en est-il de ses épousailles réelles entre Joseph et Dieu, considérant qu'il n'y a aucune sexualité du côté de Dieu, et que Joseph est un mâle? Il y a un autre cas similaire, en apparence, celui de Jésus et de l’Église. En effet, Saint Paul, parle du Christ et de l’Église comme d'époux réels. Le Christ est sexué et du genre masculin - enfin, on le croit - l’Église est dite du genre féminin, mais asexuée et pour cause, elle n'est pas une personne physique. La sexualité dans ce cas n'est pas ignorée. Elle est signifiée par le concept du "corps" qui intervient comme un vecteur érotique dans cette espèce. L'érotisme est ici à prendre de deux manières, à la lettre d'abord, transmuté par l'agapé chrétienne ensuite. Pouvons-nous appliquer ce schéma au cas de Joseph et de Dieu? Et bien non, tout simplement parce que si l’Église n'est pas une personne physique elle est cependant une chose créée, Dieu ne l'est pas, et comme tel, comme Dieu, il échappe à toute détermination et, parler, dans son cas, d'époux, ne peut être qu'un effet de rhétorique, puisque à strictement parler Dieu ne saurait être l'époux de rien du tout ni de personne, puisque pour être époux il faut être sexué et pour l'être il faut être créé. Donc il ne saurait être question entre Joseph et Dieu de mariage, même mystique, et Marie, n'est pas le ventre prêté, auquel, le titre de l'article, la réduisait, en toute logique, à être.

Pourtant, Jésus parle bien de "son" Père, et dans la prière dominicale il dit même "Abba" autrement dit "papa". Alors? Nous allons y revenir. Lors du recouvrement au Temple, après que Jésus enfant se soit soustrait à la vigilance de ses parents, Marie dit à son fils retrouvé, en parlant de Joseph : "Ton père et moi, te cherchions depuis trois jours..." et l'enfant de lui répondre "Pourquoi me cherchez-vous? Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père?"
"Ton père et moi." Donc jusqu'à lors, Jésus n'avait qu'un père, et ce père c'était Joseph. Marie le sait, et c'est pourquoi, saine d'esprit, elle dit "Ton père et moi". Mais Jésus dit ensuite "Pourquoi me cherchez-vous? Je dois être aux affaires de mon Père". Pour la première fois, il introduit une différence, ou différance, comme on veut, il crée une paternité différante, syncopée et parle de "mon Père". D'évidence, il signifie là qu'il existe une autre paternité, le concernant. et que cette paternité réclame de lui qu'il soit à "ses affaires". La suite des évangiles nous fait découvrir qui est l'autre terme de cette paternité différante, puisque, après tout, la paternité est une relation entre deux termes. Elle n'existe que s'il y a deux termes en présence. Joseph est le père de Jésus, c'est Marie qui le dit. Mais Jésus, révèle qu'il est fils "ailleurs", qu'il est fils au-delà. Et, la lecture des évangiles le confirme : on ne saurait prendre cette filiation-là, et donc la paternité afférente, comme des relation selon la chair, ou selon la sociologie. Si Jésus est fils par-delà, au-delà, il s'agit d'une méta-filiation et donc aussi d'une méta-paternité pour Dieu. Pour le dire autrement, c'est surtout le langage qui ici est un métalangage  qui tente de livrer quelque chose qui appartient à l’identité incréée de Dieu, puisque pour dire vrai, Dieu n'est ni père, ni fils, si nous nous en tenons à la trivialité du discours. L'on monte vers Dieu par des mots, mais au seuil du mystère de la déité les mots défaillent et nos langues se taisent.

Alors parler de deux "papas" pour Jésus est non seulement une aberration théologique mais aussi une profonde preuve d'incompréhension de ce que peut être Dieu. De plus, en faire un argument théologique de la légitimité du mariage-gay est un contresens étonnant et, pour tout dire, stupide. Il faut bien dire qu'un certain discours clérical est, en grande partie, coupable d'une telle confusion : toutes les homélies sur la "famille" de Dieu, une famille sans femme d'ailleurs, une famille de mecs - je sais bien que Esprit en hébreux est féminin, mais tout de même - préparent la voie à la  mélasse théologico-familiale. Allons plus loin, tout un discours ecclésial et magistériel, discours récent, et un peu vite ficelé, en tout cas dans sa vulgate, sur la famille, alors que l'évangile est plus que critique à ce sujet, prépare la voie aux bons sentiments et aux bonnes intentions. Après il ne faut pas s'étonner que tout le monde veuille faire famille, et même sainte famille.