mardi 18 octobre 2011

Une autre histoire de crise.

"C'est la crise!" Bonnes gens, vous êtes prévenus, les temps qui courent sont mauvais, la croissance s'est ralentie, l'économie bat de l'aile, la productivité bégaie, bref c'est la crise. On peut voir la chose d'un très mauvais œil. Ceux qui portent cravate à l'année longue, en signe de leur fonction au sein de notre beau système sociétal, bien sûr affichent des sourires mélancoliques et une mine défaite, c'est la crise ! En parfaits héritiers des grands industriels du XIXe siècle, qui, à l'époque, prophétisaient des lendemains qui chantent, rythmés par les douces mélopées du capital, ont de quoi trembler. Le ralentissement de la croissance, ressemble pour eux à l'ouverture des sceaux du livre de l'Apocalypse, annonçant l'apparition prochaine des quatre cavaliers de malheur. La grande crise est là, nous disent-ils. On en tremble avec eux ! Puisque, hélas, nous ne connaissons que le modèle économique, mis en place in illo tempore par les aïeux idéologiques de nos hommes et femmes en cravate.

Ce modèle économique à été construit sur une espèce de violence. Une minorité bourgeoise, puissante financièrement et socialement - cela va souvent ensemble- a établi un système économique qui devait la servir en premier, utilisant pour se faire la majorité laborieuse, en l'endormant par des chansons douces, la réveillant par d'exploitation de la peur et la tenant bien serrée dans ses griffes par le miroitement des biens qu'elle pourrait acquérir. Le mimétisme a encore fait des siennes. Les masses laborieuses se sont laissées duper par le discours de la minorité puissante, croyant qu'un jour, elles-aussi, seraient là où les grands étaient. Ainsi va le monde : montre-moi ce que ce je dois désirer et je t'aimerai pour ce que je désire, je te haïrai par ce que c'est toi qui me le montre.

Il est un domaine, banal à vrai dire, qui subit depuis fort longtemps, une pression constante de la part des puissances dominantes : celui de la langue. Il fut un temps où le français possédait une position si pas plus forte du moins égale à celles d'autres idiomes, de l'anglais en particulier.
Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Le français est dans une position de nette infériorité par rapport à l'anglais. Si encore, il s'agissait de l'anglais littéraire, mais non, il s'agit d'un sabir économico-financier ( dont le "star-system" est une émanation), signe des classes dirigeantes et du pouvoir du capital. Cet anglais là, se répand partout, envahit le français et devient la norme du discours.
De tous temps les mots ont migré d'une langue à l'autre, mais cette migration-ci n'est pas comme les autres. Le vocabulaire qui ainsi passe de l'anglais au français, est celui de la finance et nous parlons finance sans même nous en rendre compte. Un désastre selon moi. Si nous contestons le système capitaliste tel que nous en avons hérité nous devrions aussi résister à l'emploi de mots anglais dans nos phrases de tous les jours.



Voici des exemples :

"Optimiser" de "to optimise" en français on disait plutôt "optimaliser" avec un recours direct au latin, ou "rendre plus..." "rendre meilleur".
ex : "J'ai optimisé le gratin de choux fleur en lui ajoutant de l'emmental", " Il faut que tu optimises ton nouveau manteau : porte-le tous les jours"


il est à noter que le génie du français n'est pas de faire bref et concis, au contraire de l'anglais, langue de l'urgence, et de l'efficacité immédiate.

"Finaliser" horrible néologisme fabriqué avec "to finalise", en français, perfectionner, achever, terminer, parachever, parfaire, aboutir ...
ex : "Pierre a finalisé sa relation avec Julie, ils viennent d'avoir un enfant" ou "Pierre et Julie ont finalisé leur relation, ils viennent de divorcer"

"Sécuriser" de "to securise", rassurer, assurer, garantir, protéger.
ex : "Je l'ai sécurisé tant que j'ai pu, lui disant que ce n'était pas grave". "J'ai sécurisé ma maison : j'en ai sécurisé toutes les portes"

"Générer" de "to generate", en français on préfère engendrer.
ex : "Mon père m'a généré, il avait vingt-cinq ans". " Un chat ne génère pas de chien". "J'ai une méchante grippe - oui il y en a des gentilles- générée par une promiscuité trop grande."

"Fidéliser" ex : "Il faut que je me fidélise ma femme, sinon je cours à la rupture"

"addict et addiction", en français, on dit dépendant, et dépendance.
ex "Jean est total addict à la play station"

"trader, broker", en français il y avait courtier. "Un trader est mort hier, addict des gros chiffres, il a été tué par un seul 1"

"versus" c'est très à la mode, bon ça viens du latin c'est sûr, mais c'est livré, par l'anglais, avec le lot, cadeau ! "Demain 20h, grand combat, Ted le boucher vs Tom l'empaleur"

"pitch" pour parler "d'argument"
ex: "Dites moi quel est le pitch du film?"

"juste" employé à n'en plus pouvoir.
ex : "Ce pitch est juste génial"

"Impacter", au lieu de toucher.
ex: "J'ai été très impacté par les conséquences de ce drame."

"nominer" au lieu de nommer
ex : "J'ai été nominé aux Césars, c'est juste de la folie"

"casting" au lieu de distribution ou d'audition c'est selon

"backstage" au lieu de coulisses

"Capital"
ex : "- Ne dépense pas à tort et à travers ton capital jeunesse, il ne reviendra pas.
- Tu as raison, je suis juste inconscient. Mais que veux-tu je suis addict du sucre, et quand j'ai passé le casting, on m'a tellement sécurisé, en me disant, que j'allais peut-être être nominé aux Oscars, que cela à généré un truc énorme dans tête. Je devrais optimiser mes chances de finaliser ce rôle tu crois pas?
- Si tout à fait, c'est ce que je te disais déjà hier en backstage : "Fais pas ça, putain, tu vas t'impacter la life si tu continues à bouffer autant de sucre" Pleure pas on va aller boire un baby wisky.
- Merci Roger, toi au moins tu me fidélises, t'es juste un type bien"

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