Les idées et opinions en matières religieuses, par les temps qui courent  - et ils font bien de courir, les temps, même s'ils ne savent pas  toujours vers quoi ils se pressent - sont des plus confuses. L'opinion,  on le sait depuis Platon au moins, est un jugement relatif sur quelque  chose. Le fait qu'il soit relatif n'est pas une problème, ni même un  défaut; le problème avec l'opinion, c'est que bien souvent elle ne passe  pas pour ce qu'elle est précisément et devient, alors même qu'elle  prétend s'en défendre, un paradigme absolu auquel tout le monde doit  souscrire. Il y a l'opinion exprimée et l'opinion inexprimée, celle qui  flotte pour ainsi dire dans l'air et qui se répand comme le ferait un  gaz aux bénéfices des vents et des déplacements de l'information.  Celle-ci étant, en nos jours, faite la plus part du temps, d'opinions.  Nous nous trouvons donc, en notre société hyper-médiatisée, mais qui  rejette toute forme de médiation, pour sombrer dans une immédiateté  mimétique et violente, dans un cercle vicieux de l'opinion. Celle-ci  étant nourrie par elle-même sans aucune recherche de la vérité. Vérité  qui par ailleurs est honnie comme un synonyme de fanatisme,  d'obscurantisme ou d'autres formes hypertrophiée de la pensée. Mais  l'opinion qui ainsi critique à tout va, ne voit pas qu'elle même, et  sans en avoir les moyens, tombe dans le travers qu'elle dénonce, et de  manière bien plus dogmatique. 
La religion dans un tel contexte  est considérée comme une résurgence ou plutôt une permanence d'un  système "intellectuel" - quand on veut bien encore lui donner ce  qualificatif - hérité de temps révolus, qu'il faudrait, pour certains,  faire disparaître entièrement par une propagande éclairée et  annonciatrice de la liberté pleine et entière, et, pour d'autres, que  l'on pourrait tolérer comme l'expression d'une névrose nécessaire mais à  condition qu'elle soit cantonnée dans la sphère privée.
Et de fait  la religion est soit combattue comme aliénante soit tolérée  démocratiquement dans les limites d'une subjectivité qui n'empiéterait  pas dans le cadre public. 
Pour les zélateurs du déni religieux,  toutes les religions se valent du judaïsme à l'animisme, en passant par  le christianisme, toute croyance est abjecte, toute foi une tumeur de la  raison. Mais les mêmes zélateurs font montre d'une connaissance  superficielle du phénomène qu'ils abhorrent et dans leur empressement à  bannir le religieux de la vie humaine ou publique, démontre leur manque  de nuance, leur incapacité à appliquer une critique sérieuse et saine,  et la tyrannie de l'opinion.
Ainsi le christianisme est souvent  considérer aujourd'hui, comme quelque chose d'extérieur à notre  civilisation; un corps étranger qu'ils s'agirait d'expulser, comme d'un  rein on retire un calcul. Or notre civilisation entière - je parle ici  de ce qui fait notre bien commun, notre fond de commerce pour parler  vulgairement, dans cette partie-ci du globe- est pétrie par le  christianisme, dont il semble après un peu moins de deux  milles ans,  qu'il soit en réalité étranger à nous-mêmes. Car quoi, ce que nous  appelons improprement sans doute, notre "culture", notre "civilisation",  aurait-elle commencée avec les lumières et la révolution française? Et  quand bien même cela aurait été, et l'une et l'autre montrent leur  allégeance au christianisme par leur théisme et par leur  anti-christianisme appliqués et consciencieux : leur antipathie montre  encore de qui elles dépendent.
Une catéchèse à fait du  christianisme une affaire de crèche, de sacrifice, et d'un homme qui  revit après avoir passé un sale moment. Et voilà l'histoire est close,  certains croient à cette histoire de superhéros, et d'autres croient que  les arbres sont habités par des esprits, d'autres encore, que l'on se  réincarne des quantités de fois, d'autres encore que le porc est impur,  et d'autres qu'ils sont le peuple élu. Certains même croient qu'ils ne  faut croire en rien. Au marché de l'opinion on ferait ses courses selon  ce qui nous arrange, selon ce que nous sommes, selon ce que nous  aimerions être, selon d'où nous venons, selon l'identité que nous  voudrions afficher.
Le principe est de ne faire aucune différence  entre toutes les propositions. Dans une telle démarche, la conscience  personnelle, conscience active et éclairée, conscience éveillée et  aimante de la vérité, est la grande victime, elle est morte pour ainsi  dire, elle est nulle et non avenue. Et je m'étonne moi-même de parler  encore de conscience dans une époque où tout serait inconscient et  crypté, où tout serait de l'ordre de l'obscure, du non avouable, du  refoulé, où tout renverrait aux sibyllines raisons d'une raison que  notre conscience ignorerait par nature. Mais "ma" conscience, n'est pas  la conscience consciente des choses, et des raisons de ce que je suis ou  ne suis pas, "ma" conscience, celle dont je parle, est l'instance  intime, infiniment personnelle, qui opère en moi, une critique, au sens  étymologique du terme, une critique dynamique, active, constante, et qui  fait que j'agisse ainsi plutôt que comme cela, dans les moments  décisifs de mon existence, que je croie - c'est-à-dire, que je donne ma  foi, ma confiance, que je me fie ou me défie - à ceci plutôt qu'à cela.  Ainsi, en conscience et dans le plus intime de mon être, je ne peux  croire que par nature, ou par décret divin, le porc soit impur, pas plus  que mon âme mouvera un autre corps que celui que je suis en ce moment,  ni même que Adam e Eve furent tirés du néant quelque part à l'est vers  l'an 5000 avant notre ère. Toutes ses propositions religieuses, je ne  leur donne pas ma foi, non pas parce que je ne les trouve pas "sympas",  mais parce que en conscience je n'y trouve aucune raisons nourrissant  mon humanité. En y adhérant, je ne serai pas plus homme. Et la  conscience à horreur des babioles même des babioles religieuses.
 
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