mardi 18 octobre 2011

Des opinions en matière religieuse

Les idées et opinions en matières religieuses, par les temps qui courent - et ils font bien de courir, les temps, même s'ils ne savent pas toujours vers quoi ils se pressent - sont des plus confuses. L'opinion, on le sait depuis Platon au moins, est un jugement relatif sur quelque chose. Le fait qu'il soit relatif n'est pas une problème, ni même un défaut; le problème avec l'opinion, c'est que bien souvent elle ne passe pas pour ce qu'elle est précisément et devient, alors même qu'elle prétend s'en défendre, un paradigme absolu auquel tout le monde doit souscrire. Il y a l'opinion exprimée et l'opinion inexprimée, celle qui flotte pour ainsi dire dans l'air et qui se répand comme le ferait un gaz aux bénéfices des vents et des déplacements de l'information. Celle-ci étant, en nos jours, faite la plus part du temps, d'opinions. Nous nous trouvons donc, en notre société hyper-médiatisée, mais qui rejette toute forme de médiation, pour sombrer dans une immédiateté mimétique et violente, dans un cercle vicieux de l'opinion. Celle-ci étant nourrie par elle-même sans aucune recherche de la vérité. Vérité qui par ailleurs est honnie comme un synonyme de fanatisme, d'obscurantisme ou d'autres formes hypertrophiée de la pensée. Mais l'opinion qui ainsi critique à tout va, ne voit pas qu'elle même, et sans en avoir les moyens, tombe dans le travers qu'elle dénonce, et de manière bien plus dogmatique.

La religion dans un tel contexte est considérée comme une résurgence ou plutôt une permanence d'un système "intellectuel" - quand on veut bien encore lui donner ce qualificatif - hérité de temps révolus, qu'il faudrait, pour certains, faire disparaître entièrement par une propagande éclairée et annonciatrice de la liberté pleine et entière, et, pour d'autres, que l'on pourrait tolérer comme l'expression d'une névrose nécessaire mais à condition qu'elle soit cantonnée dans la sphère privée.
Et de fait la religion est soit combattue comme aliénante soit tolérée démocratiquement dans les limites d'une subjectivité qui n'empiéterait pas dans le cadre public.

Pour les zélateurs du déni religieux, toutes les religions se valent du judaïsme à l'animisme, en passant par le christianisme, toute croyance est abjecte, toute foi une tumeur de la raison. Mais les mêmes zélateurs font montre d'une connaissance superficielle du phénomène qu'ils abhorrent et dans leur empressement à bannir le religieux de la vie humaine ou publique, démontre leur manque de nuance, leur incapacité à appliquer une critique sérieuse et saine, et la tyrannie de l'opinion.

Ainsi le christianisme est souvent considérer aujourd'hui, comme quelque chose d'extérieur à notre civilisation; un corps étranger qu'ils s'agirait d'expulser, comme d'un rein on retire un calcul. Or notre civilisation entière - je parle ici de ce qui fait notre bien commun, notre fond de commerce pour parler vulgairement, dans cette partie-ci du globe- est pétrie par le christianisme, dont il semble après un peu moins de deux milles ans, qu'il soit en réalité étranger à nous-mêmes. Car quoi, ce que nous appelons improprement sans doute, notre "culture", notre "civilisation", aurait-elle commencée avec les lumières et la révolution française? Et quand bien même cela aurait été, et l'une et l'autre montrent leur allégeance au christianisme par leur théisme et par leur anti-christianisme appliqués et consciencieux : leur antipathie montre encore de qui elles dépendent.

Une catéchèse à fait du christianisme une affaire de crèche, de sacrifice, et d'un homme qui revit après avoir passé un sale moment. Et voilà l'histoire est close, certains croient à cette histoire de superhéros, et d'autres croient que les arbres sont habités par des esprits, d'autres encore, que l'on se réincarne des quantités de fois, d'autres encore que le porc est impur, et d'autres qu'ils sont le peuple élu. Certains même croient qu'ils ne faut croire en rien. Au marché de l'opinion on ferait ses courses selon ce qui nous arrange, selon ce que nous sommes, selon ce que nous aimerions être, selon d'où nous venons, selon l'identité que nous voudrions afficher.
Le principe est de ne faire aucune différence entre toutes les propositions. Dans une telle démarche, la conscience personnelle, conscience active et éclairée, conscience éveillée et aimante de la vérité, est la grande victime, elle est morte pour ainsi dire, elle est nulle et non avenue. Et je m'étonne moi-même de parler encore de conscience dans une époque où tout serait inconscient et crypté, où tout serait de l'ordre de l'obscure, du non avouable, du refoulé, où tout renverrait aux sibyllines raisons d'une raison que notre conscience ignorerait par nature. Mais "ma" conscience, n'est pas la conscience consciente des choses, et des raisons de ce que je suis ou ne suis pas, "ma" conscience, celle dont je parle, est l'instance intime, infiniment personnelle, qui opère en moi, une critique, au sens étymologique du terme, une critique dynamique, active, constante, et qui fait que j'agisse ainsi plutôt que comme cela, dans les moments décisifs de mon existence, que je croie - c'est-à-dire, que je donne ma foi, ma confiance, que je me fie ou me défie - à ceci plutôt qu'à cela. Ainsi, en conscience et dans le plus intime de mon être, je ne peux croire que par nature, ou par décret divin, le porc soit impur, pas plus que mon âme mouvera un autre corps que celui que je suis en ce moment, ni même que Adam e Eve furent tirés du néant quelque part à l'est vers l'an 5000 avant notre ère. Toutes ses propositions religieuses, je ne leur donne pas ma foi, non pas parce que je ne les trouve pas "sympas", mais parce que en conscience je n'y trouve aucune raisons nourrissant mon humanité. En y adhérant, je ne serai pas plus homme. Et la conscience à horreur des babioles même des babioles religieuses.

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