jeudi 31 mars 2011

Les "jeunes" des "quartiers sensibles" ou la vie entre guillemets.

A Asnières et à Gennevilliers, il y a eu, comme on le sait, des couvres-feu pour tenter de prévenir la violence inter-bandes, violences survenues après le meutre d'un individus âgé de 15 ans et appartenant à l'un ou à l'autre territoire. Il s'agit donc de violences territoriales; non pas aux marges du territoire national, due à la confrontation avec une puissance étrangère, mais d'une violence intra-nationale, et suburbaines, puisqu'elle à lieu dans la banlieue proche de Paris. On se souvient que le même type de violences avait déjà eu lieu à Paris même entre bandes du XIIIe et XIVe arrondissement. La presse, pudique et irénique, les politiciens, bref tout le monde médiatico-politique - qui  impose sa manière de parler à l'opinion - parle de violence d'ados ou de jeunes, dans des quartiers sensibles, comme s'il s'agissait là d'une violence ordinaire. A Bruxelles, une autre ville d'un autre pays, on constate aussi le même type de violence entre bandes de "jeunes" de Molenbeeck-Saint-Jean et Anderlecht-Cureghem, ici aussi il s'agit d'une "guerre" de territoire, d'appartenance territoriale. Cette guerre est sérieuse, n'est pas toujours due à la drogue, mais elle fait des morts.

Certes les "jeunes" en question sont bien des jeunes. Mais est-ce tout? Est-ce l'unique chose que l'on puisse dire sur les individus ? Oui, c'est la seule chose politiquement correcte que l'on puisse dire. Mais, l'on pourrait  dire aussi que ses individus sont d'origine arabo-musulmane, aussi bien à Paris, qu'à Bruxelles. Ce fait doit être tu pour ne pas passer pour un raciste, tu pour pacifier l'ambiance générale, tu pour ne pas charger la mule, ce qui se dit en terme politiquement correct, pour ne pas "stigmatiser" les populations visées. Bref, les "jeunes" doivent rester uniquement des jeunes, un point c'est tout. Nous devons porter un bandeau sur les yeux et nous mettre un bœuf sur la langue, ne pas voir, ne pas dire, pour conserver une paix, qui n'en est pas une. Un pax arabica en quelque sorte.

lundi 28 mars 2011

Nouvelles formes de religions.

La religion , cela est obvie, a été évacuée de nos sociétés contemporaines, du moins sous nos latitudes, parce que pour d'autres contemporanéités, elle demeure bien présente, voire elle prend du poil de la bête; ici la religion, et la religiosité - puisqu'aussi bien il existe une différence entre ces deux notions - persiste et s'amplifie.
Pour en revenir à nous, notre société est devenue séculière, entendons profane, et le revendique haut et fort comme un titre de gloire et de fierté. Il fallait que cela advienne sans doute. Il fallait la grande apostasie générale - qui n'en est pas une en réalité - qui n'est qu'une forme pratique de l'indifférence assumée, et parfois d'une certaine peur épidermique de tout ce qui est directement religieux. Il fallait certes la critique de ce que la religion drainait avec elle, de ce qu'elle charriait de religiosité justement. Il fallait l'évacuation d'une certaine forme d'aliénation, oui il fallait tout cela.
Au terme, pour les esprits forts que nous sommes presque tous devenus, la religion est au mieux  un bibelot pour âme inquiètes, au pire le symptôme d'une structure psychique débile : une espèce d'effervescence d'un cœur malade, le signe certain d'une faiblesse de constitution.
Ce que le XIXe siècle avait préparé, le XXe réalisé, ce siècle-ci le sublime et enterrine la disparition du religieux.
Enfin, c'est ce que l'on croit, car si les crédos et les dogmes ont été contesté et prié de disparaitre, la religiosité a été remplacée, en nos heures contemporaines, par des engagements multiples pour de multiples causes : sida, défense du monde animal, défense de la couche d'ozone, cancer; respect de la mer, respect de la femme, de l'enfant, etc. Comme jadis on entrait en religion, ou l'on s'enrôlait dans l'un ou l'autre confrérie, aujourd'hui on s'engage, passionnément, dans l'une ou l'autre organisation "citoyenne". Et c'est avec une ferveur, une dévotion, une conviction analogues à celles de naguère que l'on milite sous la bannière d'une des causes qui font florès aujourd'hui.
La religion donc et sa forme dégénérée, la religiosité, n'a donc pas disparue de nos sociétés. Les dogmes eux-mêmes et les injonctions à croire et à adhérer n'ont pas, comme on pouvait le penser, disparus. La religion subsiste modifiée sous la forme d'une religiosité diffuse, vague, floue, profane, laïque et citoyenne. C'est du moins l'une de ses formes, car elle en connait d'autres - la forme culturelle par exemple - mais c'est un autre dossier. Cette nouvelle religiosité est constituée d'impératifs et d'injonctions et n'oblige pas moins que celle que l'on avait cru tuer pour de bon.
La religion ne disparaît pas, elle change de visage et les traits qu'elle prend sont parfois ceux d'un masque, car l'homme, apparemment, est fondamentalement un animal religieux, il semble être  par destination orienté vers l'adoption de comportements, individuels ou collectifs, qui sont du registre du religieux. Dès lors la critique unilatérale de la religion dans son acception classique, c'est-à-dire comme corps organisé de rites et de dogmes, cette critique donc, peut être, une certaine forme de l'ineptie. Critiquer une religion sans critiquer toutes les manifestations du "religieux", toutes les formes de religiosités, et même celles qui avancent masquées, revient à faire un procès d'intention non pas à la religiosité en tant que telle, mais bien à la religion comme philosophie qui oblige en conscience, qui interpelle, qui propose, qui excite, qui provoque à l'examen intime et, parfois, au changement. Cette religion là, fait peur, angoisse, et au final suscite la haine. La vérité éventuelle que pourrait posséder cette forme de religion est évacuée au profit d'engagements qui, s'ils demandent une conviction pratique et parfois morale, n'obligent pas à une conversion, à un changement radical du cœur. Au final, nos "religions"  sociétales laissent l'âme froide, le cœur seul, ne parle ni de Beauté, ni de Bien, en deviennent inhumaines à force d'être trop humaines, seulement humaines et ne changent rien, ni à nous-mêmes et à l'interrogation que nous portons tous, ni au monde.

samedi 5 mars 2011

La Sublime Porte en Allemagne

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan, estampillé islamiste (sic) modéré - peut-être vaudrait-il mieux dire, musulman modéré ( notons au passage que nous sommes toujours obligé, désormais, d'ajouter "modéré" à "musulman" ou "islamiste", tant la chose n'est point évidente -, s'en est allé passer quelques jours à Dusseldorf, en Allemagne, pays qui compte, paraît-il, je n'ai pas compté, trois millions de personnes issues de l'immigration turque. Cela ne pose aucun problèmes en soi, je suis bien issu d'un pays qui compte le même nombre de personnes dispersées de par le monde, mais les dimensions du Portugal ne sont pas celle de la Turquie. Le premier ministre de la Sublime Porte donc, en Allemagne, a tenu des propos assez incroyables sans que cela soit vraiment relayé par la presse, jugeant sans doute qu'il ne fallait pas mettre de l'huile sur le feu, et compromettre les fiançailles entre l'Ottomanerie et l'Europe. En substance, Monsieur Recep Tayyip Erdoğan invite ses compatriotes à ne rien renier de leur culture d'origine, ni de sa langue véhiculaire - très bien, je n'y vois aucune objection - à apprendre cette langue avant même l'allemand - ça se corse - à occuper toutes les couches de la sociétés allemande - en soi pas de problème, non plus - mais en turc ou en allemand? A considérer que l'islamophobie est analogue à antisémitisme - ce qui n'est pas vrai, islamophobie est la haine de l'islam comme doctrine religieuse, et non pas des musulmans comme personne, l'antisémitisme vise directement la personne - que l'islamophobie est un crime contre l'humanité. Les turcs d'Allemagne, même ceux qui sont Allemands de par une naissance dans ce pays qui avait accueilli leurs parents ou grands-parents, sont appelés à rester toujours turcs, turcs musulmans, puisque selon le Premier Ministre turc, les deux choses vont de paire.
Pour ma part, je pense ceci. Une personne qui se risque à l'immigration, à une immigration économique, avec l'enracinement que cela demande, souvent avec un bagage culturel faible, une "plastique" psychologique manquant de souplesse, exige, tôt ou tard, l'abandon spontané, naturel, vital même de la culture d'origine. Il est normal que la première génération tienne encore fortement aux racines, que la seconde partage une double appartenance culturelle, mais au fil du temps, il me semble indispensable que la culture d'origine s'estompe pour faire place à une autre mémoire. Sans cela on s'expose à un conflit identitaire intra-subjectif et inter-subjectif. Quand les sujets sont organisés en groupe de forte cohérence, comme c'est le cas en islam, si conflit subjectif il y a, le groupe, par mimétisme, risque fort bien de l'accroitre et de le porte sur la scène social, débouchant ainsi sur des tensions avec les populations de souches. Les mariages endogamiques, fortement conseillés dans ce type de groupes, l'attachement indéfectible à la culture d'origine et à sa langue, et dans notre cas, à sa religion dominante - je rappelle au passage, que l'islam, n'a pas toujours été la religion majeure de ce qui est devenu aujourd'hui la Turquie, Istanbul ne l'oublions pas c'est Constantinople - ne fait que conserver le sujet dans une illusion, un faussement de la réalité, une construction conflictuelle et pour tout dire socio-pathologique.
Dans cette problématique de l'immigration, le sujet doit, au prix d'une souffrance, faire le deuil de ses origines, non pas parce qu'elles seraient mauvaises, non pas par déni, mais tout simplement pour pouvoir vivre, bien vivre, avec lui et avec les autres. Ce processus demande du temps, une certaine souplesse psychologique,  un vrai courage, toutes choses auxquelles les propos de Monsieur Erdoğan n'invitent pas.
J'ajoute que faire le deuil de ses origines, ne signifie pas tout envoyer promener, comme si origines il n'y avaient pas. Mais il s'agit d'assumer la réalité telle qu'elle est. Un fils de turc en Allemagne, ou un fils de Portugais ailleurs, n'est plus vraiment Turc, ni vraiment Portugais, et les fils de ceux-là, sont parfaitement Allemands ou Portugais, quitte pour eux de revisiter les origines de leurs familles et d'en faire mémoire sainement.