samedi 5 mars 2011

La Sublime Porte en Allemagne

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan, estampillé islamiste (sic) modéré - peut-être vaudrait-il mieux dire, musulman modéré ( notons au passage que nous sommes toujours obligé, désormais, d'ajouter "modéré" à "musulman" ou "islamiste", tant la chose n'est point évidente -, s'en est allé passer quelques jours à Dusseldorf, en Allemagne, pays qui compte, paraît-il, je n'ai pas compté, trois millions de personnes issues de l'immigration turque. Cela ne pose aucun problèmes en soi, je suis bien issu d'un pays qui compte le même nombre de personnes dispersées de par le monde, mais les dimensions du Portugal ne sont pas celle de la Turquie. Le premier ministre de la Sublime Porte donc, en Allemagne, a tenu des propos assez incroyables sans que cela soit vraiment relayé par la presse, jugeant sans doute qu'il ne fallait pas mettre de l'huile sur le feu, et compromettre les fiançailles entre l'Ottomanerie et l'Europe. En substance, Monsieur Recep Tayyip Erdoğan invite ses compatriotes à ne rien renier de leur culture d'origine, ni de sa langue véhiculaire - très bien, je n'y vois aucune objection - à apprendre cette langue avant même l'allemand - ça se corse - à occuper toutes les couches de la sociétés allemande - en soi pas de problème, non plus - mais en turc ou en allemand? A considérer que l'islamophobie est analogue à antisémitisme - ce qui n'est pas vrai, islamophobie est la haine de l'islam comme doctrine religieuse, et non pas des musulmans comme personne, l'antisémitisme vise directement la personne - que l'islamophobie est un crime contre l'humanité. Les turcs d'Allemagne, même ceux qui sont Allemands de par une naissance dans ce pays qui avait accueilli leurs parents ou grands-parents, sont appelés à rester toujours turcs, turcs musulmans, puisque selon le Premier Ministre turc, les deux choses vont de paire.
Pour ma part, je pense ceci. Une personne qui se risque à l'immigration, à une immigration économique, avec l'enracinement que cela demande, souvent avec un bagage culturel faible, une "plastique" psychologique manquant de souplesse, exige, tôt ou tard, l'abandon spontané, naturel, vital même de la culture d'origine. Il est normal que la première génération tienne encore fortement aux racines, que la seconde partage une double appartenance culturelle, mais au fil du temps, il me semble indispensable que la culture d'origine s'estompe pour faire place à une autre mémoire. Sans cela on s'expose à un conflit identitaire intra-subjectif et inter-subjectif. Quand les sujets sont organisés en groupe de forte cohérence, comme c'est le cas en islam, si conflit subjectif il y a, le groupe, par mimétisme, risque fort bien de l'accroitre et de le porte sur la scène social, débouchant ainsi sur des tensions avec les populations de souches. Les mariages endogamiques, fortement conseillés dans ce type de groupes, l'attachement indéfectible à la culture d'origine et à sa langue, et dans notre cas, à sa religion dominante - je rappelle au passage, que l'islam, n'a pas toujours été la religion majeure de ce qui est devenu aujourd'hui la Turquie, Istanbul ne l'oublions pas c'est Constantinople - ne fait que conserver le sujet dans une illusion, un faussement de la réalité, une construction conflictuelle et pour tout dire socio-pathologique.
Dans cette problématique de l'immigration, le sujet doit, au prix d'une souffrance, faire le deuil de ses origines, non pas parce qu'elles seraient mauvaises, non pas par déni, mais tout simplement pour pouvoir vivre, bien vivre, avec lui et avec les autres. Ce processus demande du temps, une certaine souplesse psychologique,  un vrai courage, toutes choses auxquelles les propos de Monsieur Erdoğan n'invitent pas.
J'ajoute que faire le deuil de ses origines, ne signifie pas tout envoyer promener, comme si origines il n'y avaient pas. Mais il s'agit d'assumer la réalité telle qu'elle est. Un fils de turc en Allemagne, ou un fils de Portugais ailleurs, n'est plus vraiment Turc, ni vraiment Portugais, et les fils de ceux-là, sont parfaitement Allemands ou Portugais, quitte pour eux de revisiter les origines de leurs familles et d'en faire mémoire sainement.

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