jeudi 30 septembre 2010

Paru dans la Libre Belgique, ce billet, que je commente.




Est-ce à l’Eglise à revoir sa copie en matière de sexualité ou à nous, à la (re)découvrir ? Acceptez une voix féminine et controversée sur la misère affective et sexuelle de tant de nos contemporains dans une société du “jouir” à tout prix. Une opinion de Véronique Hargot-Deltenre
 
"Ils en ont tout dit. Ils ? Les docteurs et professeurs, libre-penseurs laïcs et chrétiens, appellent en chœur l’Eglise à revoir sa copie en matière de sexualité. Des évêques même viennent semer le trouble. La cruelle actualité récente venant conforter leur malaise ou opinion. Permettez une autre approche, plus féminine.

"L’Eglise fait peser sur tous une morale sexuelle désuète, culpabilisante voire criminelle. De quoi se mêle-t-elle ? Qu’elle revoie sa copie et se mette au parfum du jour". Au parfum du jour? Si heureux que ça les couples aujourd’hui? Vraiment libérés? Point besoin de rappeler la misère affective et sexuelle de tant de nos contemporains, en panne de désir et plaisir, incapables de jouir sans prothèses pornographiques toujours plus hard. En cause, la morale sexuelle de l’Eglise ou la morale médicalement correcte qui l’a supplantée ? A vous de juger.

D’un côté, l’Eglise enseigne, avec Jean-Paul II, que la sexualité est "la manifestation la plus élevée de notre ressemblance à Dieu". Rien que cela ! Le corps humain avec sa sexualité est "appel à la communion des personnes", source des plus grandes joies, car à l’image d’un Dieu - "communion de personnes" - nous sommes faits. Le mariage ? Une "œuvre de sainteté jusque dans et par les œuvres de la chair". Pas en dépit ou en dehors de la sexualité, dans une quelconque évasion spirituelle : "puisque l’homme et la femme sont des êtres incarnés, cette communion des personnes inclut la dimension corporelle, donc sexuelle". Et Benoît XVI(1) d’ajouter: "L’éros est avant goût du sommet de l’existence, de la béatitude vers laquelle tend tout notre être. L’éros veut nous élever en extase vers le Divin, extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore, vers la découverte de Dieu." Toute la "doctrine" de l’Eglise en ce domaine est ici résumée."

Il faudrait retrouver la citation exacte de Jean-Paul II, mais de fait l'Eglise catholique, voit dans la sexualité humaine une expression spirituelle, en tout cas lorsqu'elle libre, consentante, et ordonnées aux fins qui sont le siennes, ou que l'Eglise estime être les siennes.


"Passons en revue les principales controverses.
1L’Eglise n’a pas à "en" parler. Mais si la sexualité n’est pas une affaire de "choses" qui cherchent à jouir mais de personnes (entières, pas en morceaux) appelées à se réjouir dans une communion féconde (au sens large)? Et si la sexualité est le lieu par excellence où se dit et se donne l’amour et la vie ? Rien à dire ?"

L'expérience humaine n'a rien d'une commode, un tiroir ici, un tiroir là, mais c'est un tout. C'est du moins l'approche chrétienne, et religion de l'Incarnation, elle ne saurait méprisé un corps et la sexualité qui lui est afférente, sans entrer dans la contradiction. L'Eglise dont, et avec bon droit, peut et doit parler, et du corps et de la sexualité, ainsi que de l'éthique conséquente au premier et à la seconde. D'aucun voudrait cantonné le discours chrétien dans le pieux, le bigot, et cela fait, le ridiculiser, comme inconsistant. Cela dit la morale sexuelle de l'Eglise est plus connue par le vulgaire - où du moins lui semble-t-il - que sa morale économique et sociale. La curiosité malsaine n'est pas forcément où l'on croit.

"2Son point de vue sur la contraception est dépassé. Mais inviter les couples (qui veulent vivre un "acte conjugal" !) à réguler les naissances en accordant leur vie sexuelle au rythme de la fertilité de la femme, est-ce vraiment rétro à l’heure écolo ? C’est vrai, cela s’apprend. Mettre sa vie sexuelle en veilleuse quelques jours par mois (comme tant y sont contraints pour motifs médicaux ou professionnels) est-ce vraiment inhumain ? L’attente et le manque vont-il mettre le couple en péril ou aiguiser sa complicité et son désir ? Tellement plus épanouissant pour la femme des unions "protégées", plastifiées, abrégées ? Des méthodes à risques multiples (cfr. notices pilules) qui la falsifient (fini son cycle), inhibent sa libido et la dépriment (cfr notices)? Messieurs, pourquoi ne l’avalez-vous pas vous-même "la" pilule pourtant mise au point pour la gent masculine ? La réponse est connue: les effets secondaires (dont baisse de la libido) sont trop visibles chez vous, pas chez nous. Mesdames, préférez-vous la soumission aux impératifs masculins, médicaux, pharmaceutiques donc financiers, ou à votre propre cycle féminin? Voulez-vous être aimées en partie et sous condition ou telles que vous êtes en vérité, corps et âme ? Où est la véritable libération sexuelle?"

L'argument "écolo" est d'une pauvreté radicale. La maîtrise des naissance et une paternité et maternité responsables, ne sont pas en contradiction avec le discours de l'Eglise, elle les encourage  plutôt. Ce que l'Eglise, en matière de contrôle de naissance n'aime pas, c'est primo l'idée de contra-ception, le fait d'être contre la conception. Ensuite, le fait que cela soit du ressort exclusif de la femme, et non pas une œuvre commune. L'Eglise, comme d'habitude, propose un idéal. Nous savons tous, et Elle la première, que l'idéal n'est pas toujours la réalité. Dans les cas réels, l'Eglise se remplace jamais la conscience de chacun.


"3Sa morale est oppressante. Mais une autre morale bien plus contraignante s’est substituée à celle de l’Eglise: il "faut" faire des expériences, il "faut" se protéger du bébé et du sida, il "faut" jouir, il "faut" dépendre du médecin (la fertilité étant devenue une maladie qu’il "faut" soigner par des pilules causes de pathologies qu’il "faut" ensuite guérir), il "faut" éviter une grossesse (rimant toujours avec détresse), il "faut" se faire avorter si elle n’est pas programmée, formatée, il "faut" accoucher dans telle position (confortable pour le gynéco, pas pour nous les femmes), il "faut" donc (dans ce cas) subir une épisiotomie quitte à perdre la tonicité du périnée et affaiblir nos réponses sexuelles, il "faut" accélérer l’accouchement en introduisant dans notre intimité de la prostaglandine (à base de sperme de porc mais il ne "faut" surtout pas dire cela), il "faut" accoucher sous péridurale - avec ses risques - (et même si elle nous prive d’hormones données par la nature pour adoucir les souffrances du bébé et créer un lien avec lui) sinon, c’est de notre faute si nous souffrons."

 Rien à ajouter.

4Les prêtres devraient pouvoir se marier pour que cessent les scandales. Quel affront pour les femmes que cet appel à relancer ce débat, à l’heure où tous s’émeuvent des scandales pédophiles ! Non, chers messieurs, prêtres et évêques, nous ne voulons pas nous marier avec des personnes pédophiles ou homosexuelles ! Le mariage n’est pas un refuge ou remède pour satisfaire vos pulsions désordonnées ! De plus, comment être à la fois tout à Dieu et tout à tous, tout à sa femme et tout à ses enfants (cela fait partie aussi du mariage), tout à ses tâches sacerdotales et tout à ses tâches professionnelles (pour nourrir sa famille)? Si vous vous sentez capables de conjuguer ces défis, sachez qu’une femme ne partage pas si volontiers son mari.

 L'argument du mariage des prêtres contre la pédophilie est absurde. Si ses prêtres sont vraiment pédophile, au sens clinique, ils le resteront mêmes dans le mariage, et les marier ne ferait qu'augmenter la souffrance. Si, comme je le crois, la pédophile, chez les prêtres est liée, non pas essentiellement, mais pratiquement à une forme d'homosexualité non-assumée, parce que non dite, alors le mariage est une forfaiture. 
Cela dit, je ne suis pas d'accord avec le fait qu'on ne saurait être totalement à sa famille et totalement prêtre. Le ministère sacerdotale n'étant pas la consécration religieuse.

5 Les femmes devraient pouvoir être ordonnées. Pas besoin pour nous d’être "sacramentellement ordonnées" au Christ-prêtre (homme de communion et d’offrande), puisque nous le sommes naturellement (petit clin d’œil un tantinet féministe, quoique). Enfin, est-ce l’ordination sacramentelle qui nous garantit la sainteté et le bonheur ou l’ordination "réelle" au Christ, don continu de vie et d’amour. Et là, nous avons un plus!"

 L'ordination des femmes est un problème théologique complexe. Portée par un courant féministe, par toujours de bon aloi, la revendication est suspecte. Cela dit, il faut se poser la question ouvertement.
Tout baptisé est ordonné au Christ-Prêtre, pour faire de chaque acte de sa vie, un acte sacerdotal. A ce sacerdoce commun, participe, en raison du baptême, tout les baptisés. L'Eglise choisi quelques uns pour les ordonnés, par un sacrement spécifique, au ministère eucharistique et pastoral. Comme tout ce qui est du ressort des sacrement, nous sommes dans des raisons symbolique, dans le signe. L'Eglise estime, pour le moment, que l'efficacité du signe sacramentel dans le cas du prêtre, est réalisé en ordonnant exclusivement des baptisé masculin. Que de cette raison théologique et sacramentelle, découle une sociologie, et que cette sociologie, ait été parfois exercée au détriment des baptisés non-ordonnés, et des femmes, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, mais ce n'est pas pour cette raison que l'argument théologie est faux. IL faudrait que plus de baptisés, homme ou femme, occupent des postes de responsabilité dans l'Eglise.


6Les divorcés remariés devraient pouvoir communier. Impossible de comprendre l’Eglise sans voir le lien étroit entre le "une seule chair" de la communion eucharistique et le "une seule chair" de la communion conjugale. La réserve demandée n’est pas à vivre comme une "sanction" mais comme une nouvelle "mission" !
La parole de l’Eglise est de fait insupportable dans une culture où il est interdit d’interdire de jouir. L’humanité est entrée en rébellion depuis l’Eden où Dieu mit une limite à son bon plaisir ("tous les arbres du jardin, sauf un"!) pour susciter le désir et permettre une communion avec autrui (non la captation ou fusion) pour un plaisir et bonheur plus grand. L’heure n’est-elle pas venue pour tous, de réconcilier sexualité et spiritualité, en distinguant ce qui est de l’ordre des (com)pulsions (involontaires) et du péché (volontaire), et en apprenant (parfois avec l’aide d’autrui) à intégrer nos pulsions toujours quelque part désordonnées, à une vie de don, quelle qu’en soit la forme?"

La question fondamentale est bien plutôt de revoir la préparation au mariage chrétien, et de jauger de la maturité psychologique des candidats. Dans le cas où la maturité psychologique ferait défaut, de ne marier, qu'en signalant à qui de droit le défaut remarqué. Dans le cas d'une demande de non reconnaissance du mariage, l'accordée généreusement, afin qu'il vie nouvelle puisse avoir lieu. Dieu, je crois, ne condamne personne à se traîner, la vie entière, un époux ou une épouse qui deviennent, pour une raison ou une autre, un vrai calvaire. Il y a divorce et divorce. Mais dans le cas d'un divorce effectif, le baptisé, oui doit s'abstenir de communier, comme dans d'autres cas. La communion n'étant ni une récompense, ni un privilège, mais le signe sacramentel d'une communion vraie et pleine. Quelqu'un en contradiction avec lui, avec l'autre, ne peut être en communion sacramentelle avec le Christ et l'Eglise. Cela dit, la communion sacramentelle n'est pas le tout de la communion, et un divorcé remarié peut être en union avec le Christ d'autre façon.



(1) Benoit XVI- Encyclique Deus est Caritas

mercredi 29 septembre 2010

De la sainte Face dans l'art qui nous est contemporain

A l'initiative de l'Université de Paris VIII et de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, se tenait à INHA, en décembre dernier, un colloque sur la Sainte Face dans l'art contemporain.Tous les médiums de l'image, de la peinture au cinéma, avaient été abordés. Il en résulte que le visage du Christ, où plus largement l'image de la figure christique, contrairement à ce que l'on croit, et par delà les convictions religieuses, demeure un paradigme dans la démarche artistique contemporaine. Cela revient à dire, que cette figure là interroge encore, soit qu'on la rejette soit qu'on l'accepte avec son dogme christologique.


Il est intéressant de noter que la figure christique s'est universalisée et qu'il existe des oeuvres appartenant au monde des religions asiatiques, au judaïsme ou à l'islam qui la reprennent. Le colloque à donc montré la contemporanéité de cette figure emblématique, devenu archétype de la souffrance humaine, portée à un degré d'absolu et rendue quasi sacrée. Quand on veut exprimer une telle charge symbolique, on ne trouve pas mieux que l'Homme des Douleurs, le Crucifié.


La philosophie contemporaine, avec en particulier Emmanuel Levinas, a attiré notre attention sur la spécificité du visage humain, sur sa nudité fondamentale et sa pauvreté ontologique. Il va de soi qu'une thématique comme celle de la Sainte Face, thématique ancienne, rejoint de telles préoccupations : un visage humain, dans sa singularité, sa pauvreté, est désormais capable de dire l'au-delà de l'humain. Et encore une fois, sans que cela dépende d'une croyance religieuse.

mardi 28 septembre 2010

Dévoilement

Elles s'en vont par les villes, bâchées de noir, voilées de deuil; elles s'en vont, femmes sans visage, sans traits, pleureuses de je ne sais quelle mort, plus aucune forme, si ce n'est la forme unique fantomatique que leur donnent les métrages de drap. Vestales obscures, elles vont vers un paradis où elles ne seront même pas comptées - je n'invente rien, c'est écrit !- un paradis fait pour leurs pères, leurs oncles, leurs frères, pour ceux qui, entre les jambes, peuvent exhiber les attributs d'une indéniable virilité, c'est-à-dire, les signes les plus efficaces d'une humanité à laquelle ils appartiennent à part entière; un paradis pour ceux qui entre leurs jambes à elles, ont planté ou planterons, ferme et dure, la hampe de leur masculinité victorieuse, faisant d'elles des mères grasses, allaitantes aux mamelles lourdes, des faiseuses, si possible, de petits rois mâles. Elles glissent - librement disent certaines, j'en doute, ou alors elles concourent à leur propre esclavage, ce qui est possible; et pas de pire esclave que celui qui l'est librement - ensevelies sous la nuit des voiles, vers un paradis illusoire où leur mâle de progéniture sirotera des nectars, amusées par des vierges à l'hymen miraculeux : perforable à l'envi, toujours intact - je n'invente rien c'est écrit. Un jardin de délices - enfin- où il n'est même pas question de Dieu, un Dieu cependant pour lequel elles se couvrent, et disparaissent dans ce veuvages perpétuel, une divinité de tribus patriarcales, une divinité qui, s'il elle existait, il faudrait haïr. Car quel Dieu pourrait être aimé qu'il condamne à cette vêture de ténèbres cette partie de l'humanité qui connaît les menstrues? Quel Dieu pourrait être aimé qu'il ordonne cette part de l'humanité sans barbe à une longue et anonyme nuit? Mais il est vrai qu'il ne s'agit pas ici d'amour, il est question de soumission. Tous soumis à Dieu qui ordonne, les femmes aux hommes, et les hommes entre eux.




Et j'entends l'Apôtre des Gentils - c'est-à-dire de nous autres en des temps plus anciens- proclamer : "Il n'y a plus ni juifs, ni grecs, ni hommes ni femmes, ni esclaves ni hommes libres".
Certes nous avons frappé du signe de la croix des murs de haine que nous avons érigés malgré le cri de l'Apôtre, nous avons frappé du signe de la croix les machines de tortures de l'inquisition, nous avons marqué du signe de la croix de multiples ségrégations, mais cependant, contre nous, nous accusant, demeure la parole de l'Apôtre. Nous avons contre nous la croix qui nous accuse, nous avons contre notre propre barbarie le commandement unique " Aimez-vous les uns les autres". Puisqu'ici il s'agit bien de cela, d'amour et pas de soumission : "Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis".

Chaque homme, chaque femme, à droit à montrer son visage, à le droit à devenir quelqu'un au yeux d'un autre, par son visage, on ne peut faire autrement. Empêcher cela, constitue un crime contre l'humanité. Montrer son visage c'est acquérir une personnalité. Nous sommes et demeurons, qu'on le veuille ou pas, qu'on le sache ou pas, une civilisation du visage et du visage libre. Au delà du désir, au-delà du sexuel. Le voilement du visage ne saurait constituer une barrière au désir. Et au désir de qui, comme si c'était le seul existant : le désir mâle. On cache pour ne pas laisser place au désir, d'autres cachent pour susciter le désir. Et sous le sceau sacrosaint de la religion, se trame ainsi l'histoire archaïque du désir et de la soumission. L'homme du croissant aurait-il peur de lui-même qu'il tienne à garder ses femmes voilées? L'homme de la soumission aurait-il tant peur de lui qu'il se fasse de Dieu une image si peu libérée?
Et que dire des femmes? Elles participent à leur propre mise au ban. Elles imitent les hommes dans leur façonnage de la divinité qui ordonne, commande et condamne.
Dévoilement. Dévoilement général. Dévoilement - Apocalypse en grec.

Voilement

On peut, parfois, avoir la fâcheuse impression que le voile ne concerne que l'islam. Or, a y regarder de plus près, ce drap nous concerne tous.

La fonction du voile est multiple. Il cache ce qui ne peut être montré sous peine d'indécence. C'est le cas du périzonium du Christ en croix, car si l'on voulait représenter la scène de manière réaliste, il faudrait que le corps du supplicié fut nu, ce qui est rarissime dans l'histoire de l'art (quelques cas existent).


Au contraire, un linge, plus ou moins court recouvre, les parties, décrétées honteuses, parfois avec de savants plis, mettant en évidence un phallus toujours présent, mais toujours caché, nous invitant par là à considérer que désormais, en régime chrétien, le phallus c'est le Christ dans tout son corps "erectus" au matin de la résurrection. Pour rester dans cet instant de la mort de Jésus, il faut faire une allusion au voile du Temple qui à cet instant où l'Esprit est remis, se déchire de haut en bas. Ce voile séparait le saint, du saint des saints. Par la mort du Christ le voile est définitivement déchiré, l'accès au saint des saints est libre, ou mieux, il n'existe plus, il est désormais ailleurs.

Dans les scènes de la passion, le visage du Christ est parfois voilé. Comme dans cette peinture d'un anonyme portugais, où attaché, le Christ a son visage à demi recouvert d'un voile.

Cette représentation ne correspond à aucune donnée scripturaire. Voilé, le Christ est cependant nimbé, et richement. Nous est ainsi signifiée l'impossibilité de voir la gloire divine, dans le moment de sa kénose, de son abaissement. De plus ce voile, renvoie déjà par anticipation au suaire de l'ensevelissement. Il dit donc à la fois la transcendance et la finitude, la mort et la gloire.

Se cacher le visage, ou se couvrir la tête est dans la tradition juive le signe de se tenir dans la présence de Dieu, qu'on ne saurait voir, ou alors de dos comme Moïse au Sinaï. Dans la langue courant "se voiler la face" est devenu synonyme de ne pas vouloir voir, cependant dans la tradition religieuse se couvrir le visage est synonyme de ne pas pouvoir voir, car ce qui devrait ou voudrait être vu ne le peut pas par nature. Le voile symbolisme cette impossibilité fondamentale.

Bien qu'utilisé dans le judaïsme, le voile semble être apanage des femmes. Il est intéressant de noter ce glissement de signification. L'homme juif l'utilise dans son intimité avec Dieu, pour manifester la présence de la Gloire qui ne peut être vue sans mourir, l'homme se cache du Dieu caché. Voilée, la femme à son tour se cache, mais de qui? Dans le judaïsme la femme n'est pas tenue d'user d'un châle de prière pendant les rites, c'est-à-dire dans les moments solennels de la prière. Elle peut et même doit dans le judaïsme orthodoxe être couverte dehors et à la maison, c'est-à-dire dans le domaine publique et domestique. Il semblerait donc que sa fonction serait de transposé le religieux dans ses deux sphères profanes, par le truchement du voile. La situation est similaire dans l'islam.

La femme, réputée plus proche de la nature, doit, par le voilement, insufflé du religieux dans des univers normalement régit par les hommes. Elles symbolisent ainsi aux yeux des hommes, la présence du divin, mais aussi le refoulé du sexuel en dehors de toutes les sphères de la vie. Mais cachant le voile fait désirer plus encore. Le rôle de la femme est donc de manifester le divin, son impossibilité à l'atteindre, de clore le désir et de le susciter mais d'une manière quasi sacrée. Osons : la femme devient à la fois un tabou et un totem.

Dans le christianisme, qui a toujours séparé profane et sacré : à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César, les femmes elles-aussi se sont couvertes ou se couvrent, mais, différence essentielle, dans des situations qui n'ont rien à voir avec la vie profane. D'abord dans le contexte de la vie religieuse, où prise de voile est synonyme de consécration explicite et exclusive à Dieu, où le voile signifie précisément la sortie de la sphère profane.

Ensuite dans le cas du mariage, où le voile signifie une autre consécration, à dimension religieuse aussi, la consécration au mari. Ce signe probablement issu d'un usage profane et culturel, est devenu un signe religieux à usage limité dans le temps et l'espace.

Enfin, dans le cas, aujourd'hui éteint, du voile pendant les offices : les femmes se couvraient la tête tandis que les hommes restaient tête nue. On peut voir là les restes d'influences culturelles assez fortes. En présence d'un supérieur, l'homme se découvre, par pudeur la femme se couvre.

Ainsi, le sacré et le voile ont toujours eu partie liée. Mahomet est souvent - pour les cultures musulmanes qui autorisaient sa représentation - la face voilée, primo pour signifier une fois encore le sacré, et secundo pour respecter, tout de même, l'interdiction de la représentation de la figure humaine.

Le prêtre dans l'Eglise catholique utilise encore de nos jours - bien que rarement- pendant les bénédictions du Saint-Sacrement, un voile dit huméral, qui lui recouvre donc les épaules, et avec lequel il enveloppe le ciboire ou l'ostensoir contenant les hosties consacrées, sacrement de la Présence Réelle pour un catholique.

Le voile n'est donc pas propre à l'islam. Il ne tombe pas comme ça dans un univers dénué de signification vélaire, au contraire. Ce qui est gênant dans l'approche musulmane du signifiant "voilé" c'est la portée symbolique de celui-ci. Si pour nos cultures de fondations chrétiennes le voile est exclu de la sphère profane et publique, pour la culture musulmane, le voile fait partie à part entière de la sphère publique et celle-ci du monde sacré.Tout le malentendu est là.

Lorsque nous voyons une religieuse voilée - fait de plus en plus rare- nous savons instinctivement que cette femme-là, symboliquement, n'appartient plus à la sphère profane; lorsque nous apercevons des femmes musulmanes voilées - faudrait user du bon vocabulaire d'ailleurs, et arrêter de parler de burqua - (fait de plus en plus courant), ce qui nous gênent c'est qu'elles sont partie prenante de la sphère profane et publique, c'est cette intrusion sans nuance du religieux dans une sphère que nous voulons garder profane qui nous dérange.

Deux visions des rapports entre sacré et profane entrent en débat. La nôtre qui tient le voile pour une exception et un signifiant strictement réservé au religieux, qui est strictement distinct du profane, et une autre, qui tient le voile pour un signifiant religieux permanent dès que l'on est dans le publique, qui ne saurait être autre chose que sacré. Pour le dire autrement, notre civilisation sépare le profane et le sacré, la civilisation issue de l'islam, les unis fortement, il n'y a pas de distinction réelle.

samedi 25 septembre 2010

sur l'athéisme, en forme de pensée

L'athéisme pratique consiste en ceci :
- éviter de se poser des questions trop métaphysiques, ou si on se les pose éviter d'aller trop loin dans leur résolution.
- vivre pratiquement comme si la vie était de fait uniquement biologique, ou cérébrale - tout vient tout va au cerveau-, ce qui est une variante.
- à la caducité de l'existence humaine, répondre par un humanisme qui ne trouve son fondement qu'en lui seul. Ce qui ressemble à une pétition de principe.
- à la religion, répondre par une religiosité floue, a-thée, mais religieuse tout de même.
- éviter de se poser sérieusement la question de Dieu, de l'âme et du monde.
- faire comme si on avait apporté une réponse définitive, convaincue, et satisfaisante à ce qui précède.

Cet athéisme là est le fait de la paresse, d'une espèce d'indifférence, et du divertissement.

Il est un autre athéisme qui mérite le respect, celui qui est la réponse en conscience, convaincue, pesée aux questions. Être athée par évitement, est comme être croyant héritage uniquement. L'un comme l'autre sont indignes du destin humain.

La triste beauté des jours anciens

Comme ils sont beaux les jours où j'inventais Chopin, Beethoven, et Brahms, où, me semblait-il, la musique n'avait été créée que pour moi seul. Dans l'arrière cuisine d'une maison aux allures de cottage anglais, sous les verrières translucides, dans l'assiette une compote de courgette, et quelque chose d'aussi trivial que des saucisses en leur jus, la voix du piano emplissait la clarté trouble, et moi, aussi apeuré presque par tant de solennité, découvrais un visage de la beauté. Ses traits étaient austères, pleins, et cependant quelque chose de la joie immarcescible, j'en avais la certitude, était contenu dans le développement fugace de la musique.
Comme ils étaient beaux les jours, où enfant, j'associais le chocolat à la tristesse de la musique, où dans la pénombre boisée d'un vestibule, sentant la cire -celle que ma mère passait et lustrait-, éclairé parcimonieusement par les tâches colorées des tableaux - des ciels belges, ah la vaste et pleine mélancolique des ciels du Nord !- j'attendais muet et timide la musique, et fasciné je posais, parfois, mes mains sur le blanc et le noir de ce piano qui était capable de me faire pleurer.

La nostalgie de ses jours-là ! Qu'ils étaient pauvres, qu'ils étaient riches, et que je les ai aimés. L'on m'offrit ensuite des disques racontant la vie des musiciens célèbres : Bach, Vivaldi, Beethoven, Chopin, Haydn, Haendel,  Mozart. Avant d'avoir connu les saints ce sont ceux-là qui m'ont édifié. Qu'en ai-je fait? Où sont-ils donc passés? Qu'on me les rende.

vendredi 24 septembre 2010

Le vrai Homme au bain

Genet, hélas, est mort, et morte avec lui sa poésie. Morte aussi une certaine idée de la marge, une certaine idée des normes, un certaine idée de la critique aussi. En notre époque, qui se veut et transgressive et subversive, où pléthore d'artistes, surtout, de journalistes, d'écrivains, de cinéastes, se posent en modèles de la transgression du prétendu discours majoritaire, de la prétendue pensée dominante, il est triste de constater que la subversion ressemble, à s'y méprendre, à une couille molle, un spaghetti trop cuit. Car quoi ? Que transgresse-t-on? La pensée dominante? Mais qu'est-elle, sinon ce discours de la transgression lui-même? Tout le gratin artistico-médiatico-culturel ne parle que de transgression, tant et si fort, que l'on peut émettre de sérieux doutes sur la possibilité même de transgresser, et sur sa véritable portée.
Commençons par dire qu'être transgressif, n'est absolument pas nécessaire. Il n'y a aucune urgence, ni aucun impératif à la transgression, et d'ailleurs dès qu'impératif il y a, il faut parier que la transgression perd et de sa force et de sa pertinence.

Etre transgressif aujourd'hui c'est exiger la conformité à la majorité : ainsi de certains homosexuels qui exigent le droit au mariage, et, pour parodier Louise de Vilmorin, ils sont bien les seuls, à une époque où le mariage bat de l'aile, avec quelques prêtres catholiques, à l'exiger.

Etre transgressif aujourd'hui, peut être, par exemple d'aller quérir une "star" - triste étoile que voilà - du porno, et d'en faire un comédien. Comédien qui gardera de ses performances pornographiques quelque chose, comme une aura, aura qui rejaillira, par mimétisme, sur la pornographie elle-même, en faisant un objet culturel comme un autre, avec la même portée. Le film jouissant de la pornostar - c'est une notion à part entière - se verra doté d'une aura sulfureuse, et par ricochet, le porno se verra auréolé d'une branchitude décalée, très-tendance-tu vois-quoi-enfin-je-veux-dire; alors que le porno ne sert à rien sinon à vous émoustiller dans une solitude relative, il n'a besoin pour cela ni d'être ou ne pas être chic. Bref, être transgressif, c'est bobotifier le porno puisque ses étoiles sont devenues filantes, passant d'une scène de sodomie bien sentie à la sensibilité tout artistique de scènes que le "porno n'autorise pas" (dixit Inrockuptibles). A moins qu'il ne s'agisse de l'inverse, de pornographier tout le réel. Mais le réel n'a pas besoin de cela, il est - en tant que réel- déjà pornographique, et vouloir le pornographier pour le pornographier, comme une pornographie au carré, c'est tomber dans la préciosité, dans la pose artificielle, la branchitude encore. Vous parlez d'une transgression ! La transgression oui, c'est de bourgeoisifier tout, de faire de tout un objet d'art, de tout faire entrer dans les salons, de faire les bénis oui-oui culturels, de s'extasier devant un crotte de lapin montée sur broche. Il semblerait que la production artistique et culturelle contemporaine agirait comme un grand mixeur duquel sortirait toujours le même jus, un bouillon plus précisément, fade, faussement subversif, juste assez bon pour faire frissonner le néo-bourgeois.

Ah, nous sommes loin de Genet. Nous sommes mêmes aux antipodes. Et nous eûmes préféré lui voir écrire, à lui, un Homme au bain, plutôt que de nous farcir l'anatomie taurine - belle bête cela étant - de la supernova du X. 

En réalité, la transgression, le geste qui se veut transgressif, se double donc d'une volonté de conformité. Dans le même mouvement, je me conforme et je transgresse; je transgresse en me conformant. La transgression agit comme le truchement de la conformité. Cette conformité, cette unanimité dans la pose transgressive, est en partie fondée sur une critique des valeurs tenues pour bourgeoises et conservatrices. Mais, critiquant on fonde un nouveau corpus de valeurs qui deviennent elles aussi, par contamination, néo-bourgeoises.

La critique néo-bourgeoise est en quelque sorte fascinée par la culture bourgeoise. Elle est dans un rapport de fascination et de rivalité avec le modèle culturel qui l'a précédée. Aussi bien, la pose transgressive est nécessaire pour se démarquer, et se démarquant toujours impérativement, la culture néo-bourgeoise, fonde un discours globalisant dominant, qui imite par son impérialisme, son uniformité, sa dictature du bon goût, sa manie de ce qui est "in", sa contemporanéité haussée en catégorie transcendantale, son inlassable branchéitude - ce qui est une version néo-bourgeoise du bon goût - tout un monde prétendument bourgeois et conservateur, mais qui a disparu depuis longtemps.



Quand Caillebotte, peintre du réel, peignait son Homme au bain, comme il peignait les toits gris-bleu de Paris, il était plus subversif que Honoré, sans pour autant recourir à la pornographie, même pas par citation. Le naturalisme de la scène, sa pudeur - homme de dos, rideaux tirés, scrotum à peine apparent- donne à la peinture une force, à laquelle elle n'atteindrait pas si les rideaux avaient été ouverts et si l'homme exhibait ses organes génitaux. Certes nous sommes mis en quelques sorte dans la position de voyeur, mais la similitude avec la pornographie n'est qu'apparente. Nous ne sommes pas ici dans un artefact de l'acte sexuel, il n'est absolument pas évoqué. Nous surprenons un homme étant sorti du bain. Le réel est représenté dans sa trivialité - son caractère naturellement "pornographique" - sans qu'il soit nécessaire de le doubler d'une provocation supplémentaire, il est assez provocant comme cela. Notre position est plus celle d'un voyant que d'un voyeur, nous constatons, et le constat c'est la force d'évocation du réel, la force qui s'en dégage. Trois couleurs essentiellement : blanc, bruns et orangé, avec quelques touches de noir, suffisent à la performance. Ce qui est admirable, c'est la symphonie des blancs : des rideaux clos, à la chemise froissée par terre, en passant par la serviette enveloppant le corps du personnage. Comment ne pas voir, une évocation de la mort, et de sa propre symphonie de blancs : draps mortuaires, suaires, chairs, cierges. La force de cet Homme au bain est dans sa pudeur virile, dans la simplicité du réel et dans sa portée méta-imaginale. Le bain du quel il est sorti, qu'est-il?

mercredi 22 septembre 2010

Le Portugal comme figure de l'Europe

Nous y étions forcés. Comment aurait-il  pu en être autrement? Voilà que, par un effet du sort ou de la Providence, un territoire nous était donné. Un bout de terre que, malgré nous, nous avons vu apparaitre comment étant nôtre. Pour tout dire, nous sommes apparus avec elle, chemin faisant, les frontières se dessinant nous nous dessinions de même. Aussi nous avons toujours le visage de la nation. Nous et elle, nous sommes nés au même moment, d'une conquête, elle arrachée à d'autres et nous arrachés au néant. Nous avons surgi comme surgissent les blés d'une terre retournée par l'épée. Mais pas seulement par elle, pas seulement.
Aussi nous étions forcés de nous tenir, pour ainsi dire, collés à elle, de nous identifier à elle, de nous confondre avec elle. Hors d'elle, nous n'étions pas. Hors d'elle, il n'y avait rien, sinon l'autre. Un autre qui, comme toujours, fait peur.
Et pourtant, c'est bien vers cet autre-là que nous sommes allés. Pas seulement l'autre qui nous ressemblait, le prochain, celui qui se trouvait derrière la frontière, qui, en quelque sorte, avait eu un destin au nôtre pareil, non pas, mais vers l'autre absolument, tellement autre que nous ignorions jusqu'à son altérité, jusqu'à son existence.
Embraquant pour l'autre, nous embarquions aussi pour l'ailleurs. Un ailleurs voulu pour lui-même, cherché en lui-même, comme quelque chose de bon, comme une bonne et désirable chose. Nous sommes partis vers l'ailleurs, en des jours où la mer était encore l'obscure résidence de tous le démons, où la mer était encore l'insupportable territoire du vide, tant il est vrai que l'ailleurs passe par le vide à soi.

Confusément nous comprenions tout cela, nous qui avions été tirés du vide, et qui du vide éprouvions une nostalgie fondamentale. L'autre que nous trouvâmes nous rendit à nous-mêmes, à notre vocation. Et qu'est-ce qu'une vocation, si ce n'est de devenir ce que nous sommes ? Nous sommes devenus Portugais enfin ! Tissant sur l'instabilité des eaux profondes une trame où vide et plein, hommes et Dieu, ailleurs et ici, se mêlait, en une synthèse pour la première fois apparue. La Providence, ou le sort, nous plaça à la pointe de l'Europe, comme une figure de proue au devant d'un navire, nous avons gardé les yeux ouverts, et avons accompli le geste qui nous était destiné. Nous avons offert des mondes à l'Europe, pour reprendre Camoêns. Nous avons été Européens et mondialiste avant l'heure, prophétiques, comme nous l'étions souvent, dans notre folie mystique.

En nous, dans notre histoire, petite, l'Europe a trouvé une figure, une métaphore. Et le poète à raison de dire que les autres ne sont pas Européens puisqu'ils ne sont pas Portugais. Ce n'est pas là chauvinisme ni une espèce de nationalisme suspect, mais l'énonciation d'une énigme. Pour être Européen il faudrait être Portugais?
Oui, mais être Portugais dans ce qu'être Portugais a de plus fondamental. De même, il faut être Français, ou Italien, ou Espagnol, dans ce qu'être cela a de plus fondamental. On ne saurait être Européen uniquement dans les limites des contingences imposées par notre carte d'identité. Nous devons tenir à cette position crucifiante, à savoir être et ne pas être ce que nous sommes. Notre identité, dés lors, ne saurait se récapituler toute entière dans la nationalité, mais en même temps elle ne saurait subsister sans elle. Etre Portugais, fait partie de mon identité, la constitue même, pour une part, non pas tant, comme la réponse administrative à la question nationalité?, mais comme la participation à une manière spécifique d'être Européen et habitant du monde. Cette manière spécifique d'être, n'est pas plus que moi, close sur elle-même, elle est ouvert, puisque comme dit un autre de nos poètes, l'universel c'est le particulier sans les murs. Qui voudrait être universel sans être particulier se tromperait, qui voudrait être particulier avec des murs, errerait. Aussi, la grande leçon portugaise, est d'avoir montré que l'on pouvait être universel, personne ne l'a été comme nous, et particulier, rares sont ceux qui le demeurent comme nous. En ce sens, et en ce sens là seulement, oui, l'Europe est appelée est devenir portugaise, une espèce de cinquième empire, comme le projetait certains de nos poèmes, prophète et prêtres.

Œdipe girardien ,Œdipe freudien : complexe critique

Œdipe est une des figures majeures de la culture moderne. Elle l'est devenue surtout grâce à Freud qui en a fait la pierre d'angle de la psychanalyse. En effet, Freud à cru déceler dans le mythe la récit paradigmatique d'une structure inconsciente universelle qui se pose en termes de parricide et d'inceste. Or c'est précisément ce dont on accuse le roi de Thèbes. Généralement, le mythe est tenu pour vrai, dans le sens où, personne ne songerait, désormais, à laver Œdipe des accusations qui pèsent sur lui, à l'innocenter du double crime dont on le charge : nous tenons tous pour le fait que le héros mythologique est vraiment coupable.

A notre connaissance, René Girard seul, va à l'encontre de cette unanimité. Œdipe, de fait, revient à plusieurs reprises dans ses ouvrages, soit dans l'analyse du mythe lui-même, soit dans celle des pièces de Sophocle. Pour Girard, Œdipe est un bouc émissaire : on ne saurait croire - seul le mythe peut y croire - qu'un parricide ou un inceste soit la cause réelle de la peste qui tombe sur Thèbes. Prétendre que les actions d'Œdipe sont à l'origine de la peste, cela est purement mythologique. Dans le cas où, la peste serait une métaphore d'un mal englobant et communicatif, Œdipe est, par les crimes qu'on lui impute, une figure de "pharmacos" qui accepte de prendre sur lui le mal pour en délivrer Thèbes, voire il serait coupable de l'origine d'une "peste", figure de la violence mimétique, violence dont il sera lui-même la victime consentante. On le voit, le parricide et l'inceste pour Girard, ne tiennent presque aucune place dans sa lecture du mythe si ce n'est celle d'une accusation factice, dont ne saurait être coupable Œdipe. René Girard, en arrive, par cette position, à une critique du complexe d'Œdipe en particulier, et de la psychanalyse en général, lui reprochant de maintenir la méconnaissance liée au désir mimétique, de perpétuer une méprise en tenant les accusations pour vraies. La psychanalyse serait donc, pour le chartiste, une structure sacrificielle supplémentaire, un signe culturel moderne du mimétisme.

Pourtant, à y regarder de plus près, il semblerait que les deux théories ne sont pas, forcément, opposées. Girard, fidèle à son réalisme, cherche à savoir si le mythe dit vrai ou non, en l'espèce, si Œdipe est coupable ou non de ce dont on l'accuse : avoir tué Laios, son père, et épousé Jocaste, sa mère. Après une analyse pointue et efficace du mythe et des pièces de Sophocle, Girard en arrive à la conclusion de l'innocence d'Œdipe, innocence de ses crimes-là en tout cas. René Girard, cherche et trouve, dans le mythe des preuves littéraires et structurales de sa théorie. La démarche de Freud, n'est pas celle-là. Freud ne part pas d'une théorie, il part d'une expérience de la cure, et décèle ou croit déceler, dans chaque personne un désir inconscient de tuer son père et de coucher avec sa mère, désir, surtout propre à l'enfant, qui doit trouver une résolution. Il trouve dans le mythe d'Œdipe non pas tant une preuve de sa théorie du complexe homonyme, mais la trace de celui-ci. Peut importe après tout qu'Œdipe ait tué son père et couché avec sa mère, ce qui importe c'est que le mythe conserve une trace du  fantasme du double désir, et même s'il ne la conserve que sous forme d'accusation. Le désir est là pour Freud sans même qu'il faille se demander s'il est réalisé ou pas. On peut supposer que Freud faisait une lecture naïve du mythe en attribuant de facto le parricide et l'inceste à Œdipe, ce qui donnait à son complexe une force supplémentaire, Œdipe devenant ainsi une incarnation du complexe. En fait, Freud, par sa lecture, ad litteram, du mythe, faisait de celui-ci un paradigme culturel épuré, pour ainsi dire, de ses aspects proprement mythologiques. Ce faisant, de cette lecture psychanalytique du mythe, des mythes, naît une culture de la prégnance du mythologique qui se répand dans tous les secteurs de la création culturelle, mais aussi bien dans la vie quotidienne. Le complexe psychanalytique d'Œdipe, étant devenu, le poncif de la transgression, et à lui seul une nouvelle mythologie, qui, et Girard à raison de ce point de vue, recouvre d'un voile, doublement mythologique, le mimétisme violent du désir. Mais faut-il l'imputer à la psychanalyse?
 
René Girard, en prenant le mythe au sérieux mais uniquement pour ce qu'il est, innocente Œdipe, et se faisant critique, avec raison, la réception naïve de celui-ci. Girard refuse de faire du mythe un paradigme culturel, qui nécessiterait une certaine démythologisation. Prenant le mythe pour ce qu'il est, c'est-à-dire, essentiellement un mensonge, une mise en forme de la violence mimétique faite par ceux-là même qui en sont les coupables, Girard, démythologise la culture et pas le mythe lui-même.

 La critique girardienne de la psychanalyse peut être reçue, dès lors, en tant que celle-ci peut créée une nouvelle mythologie, et parfois donner prise à une certaine forme de désir métaphysique - autre nom du désir mimétique, elle peut être reçue non sans que la psychanalyse fasse elle-même une critique de sa propre lecture de la mythologie. La psychanalyse, quant à elle, peut prétendre à critiquer la critique que lui fait Girard, en ce sens que son niveau de discours ne se situe pas au même point. Reste à savoir dans quelle mesure le fantasme lui-même peut être mimétique, dans quel mesure il peut être source de violence comme fantasmé justement?  Dans le cas du complexe d'Œdipe, comment s'articule le double désir de parricide et d'inceste d'une part, et le désir mimétique d'autre part ?

lundi 20 septembre 2010

Du bonheur ici bas

Si l'on veut, l'agencement du monde, l'agencement pratique du monde, c'est-à-dire, simultanément, son organisation et l'interprétation de celle-ci par les sciences politiques et humaines, par les philosophies et les religions, par les arts et les techniques, a sans doute comme finalité une certaine appréhension du bonheur; l'agencement du monde est probablement ordonné au bonheur. Dans une perspective athée, c'est-à-dire, dans la perspective où l'hypothèse de Dieu, n'en est même plus une, où elle est exclue, non par haine ou colère - celles-ci pouvant encore être une manifestation de la présence et de sa prégnance - mais uniquement par la ferme et douce conviction que Dieu n'est pas et que, pas plus que les licornes, il ne saurait être retenu comme participant à l'existence, ni d'une façon ni d'autre, ni de manière réelle, ni de manière métaphorique, qu'il ne saurait être, en toute rigueur, tenu pour un paradigme pouvant, à la limite, expliquer les à-côtés obscurs du monde, bref qu'il ne saurait, d'aucune manière, y avoir d'énigmes telles, de quel qu'ordre, quelles soient, qu'il faille recourir à l'hypothèse de Dieu, dans  une telle perspective donc, l'agencement du monde, tout l'effort dont il est le résultat serait ordonné à l'exclusif bonheur d'ici bas. Un ici bas qui n'est ni l'opposé, ni l'inverse, ni le côté visible, ni le contre poids, d'un en haut métaphorique censé désigner un au-delà de l'en bas, du visible, un ailleurs, une marge de cet ici bas, qui en rigueur de termes donc, est l'unique réalité qui soit, il l'est dans sa matérialité elle-même, dans sa finitude, et sa "bassitude" même.  Cet ici bas serait pour chaque individu contenu dans le temps qui lui est imparti et borné d'un part, par sa naissance, et d'autre part, par sa mort, un temps contenu tout entier entre ces deux termes, et entre lesquels chaque individu doit avoir le droit d'être heureux, le droit et le devoir. Pour une collectivité, l'ici-bas serait déployé tout le long d'une histoire dont l'animation de la mémoire constituerait le culte suprême, une anamnèse où seraient célébrés les moments d'allégresse commune, et transmués les instants de commune épreuve. En amont, cette mémoire se perdrait dans le gouffre noir des âges révolus, en aval elle se fonderait dans l'éblouissement des siècles à venir. Les bornes ainsi décrites, les termes de l'existence collective, ordonnée donc, au bonheur, au bonheur commun, sont pour la communauté de l'ici et maintenant, parfaitement insaisissables, et en grande partie mythologiques. Si l'on sait que collectivement nous venons bien de quelque part, nous ne savons pas d'où exactement nous venons, et si l'on croit savoir que nous allons quelque part, nous avons de sérieux doutes sur la félicité de la destination. Voilà que mis à mal, le bonheur collectif, nous ramène inexorablement au bonheur individuel et à son double bornage : la naissance et la mort personnelles. L'ici-bas, en réalité, se résume à cela, la métaphore spatiale se récapitule dans le temps que je vis entre ma naissance et ma mort. La naissance est mon apparition obvie dans la matérialité de l'ici bas, comme un exister relativement indépendant, et la mort est ma disparition, ou mieux mon voilement, de l'ici-bas. Si la mort est le terme absolu, la naissance n'est qu'un terme relatif, elle est une manifestation, puisqu'elle est précédée par neuf mois de gestation, où ce qui est en formation n'est pas quelqu'un d'autre par rapport à ce qui naît. En réalité, le terme premier du parcours vers la félicité individuelle n'est pas la naissance mais la conception, ce moment où deux individus dans les râles, ou le silence, de l'orgasme, dans sa violence ou sa délectation, c'est selon, s'abandonnent, se perdent, se donnent, se prennent, disparaissent peut-être, meurent sans doute un peu,  meurent en promesse pour ainsi dire. De la mort à la mort, pourrait être une meilleur définition de l'ici bas.

Voilà donc la grande affaire : le bonheur. Et c'est une belle et bonne affaire que celle-là. L'athée donc cherche le bonheur d'ici-bas, il n'y en a pas d'autre. C'est là toute sa morale, toute son éthique, toute sa vertu, toute sa foi, tout son programme, toute sa vie. Et c'est chose bonne, belle, et vraie, quand cette quête est faite avec vertu, avec éthique, avec morale. Mais, cantonnés qu'ils sont, entre naissance ( ce qui appert le plus pour la plus part; la vie ne saurait commencer ailleurs que dans l'apparence et dans l'évidence) et mort, tous les individus ne s'en tiennent pas à une idée aussi sublime du bonheur. Tous, la majeure partie même, rabaissent le bonheur aux bonheurs du jour, aux plaisirs du moment, aux éclats de joie de l'instant. Qui, des vertueux qui cherchent le bonheur éthique ou des jouisseurs qui cherchent les bonheurs immédiats, aura raison? Supposer une raison, c'est mettre dans l'ici-bas un au-delà, hors cela est chose impossible dans la perspective décrite. La réponse alors est celle-ci, ni le vertueux ni le jouisseur n'ont raison ou ils ont raison tous ensemble. Ils n'ont pas raison, car leurs bonheurs est sans raison, vu qu'il est sans ailleurs; ils ont raison tous ensemble, car l'unique raison de leur bonheur c'est le bonheur lui-même. Si le vertueux trouve sa jouissance dans la vertu, le jouisseur trouvera sans toute sa vertu dans les plaisirs. A vivre sans raison, on fini par se faire une raison de vivre.
  
Vivre sans ailleurs, un ailleurs qui le soit vraiment, est le propre de l'athée, et cela peut être vertu, mais une vertu à vide, qui s'ordonne à l'éphémère destin humain. Une vertu de l'immédiateté qui semble toujours en attente de quelque chose, d'un quelque chose qui ne vient pas. Une vertu qui semble espérer un territoire. On risque fort bien, dans ce cas, de frôler l'absurde. Il faut alors, en cas de frôlement dangereux, revoir nos prétentions au bonheur. Dans ce cas-là, le bonheur semble devenir une illusion, une chose nocive qui apporte avec elle les pires idoles : totalitarismes, fanatismes, religions, croyances irrationnelles, toute chose détestable pour un esprit libre et athée. La quête du bonheur, et sa compréhension, par intuition de l'absurde, de son illusion, entraîne un agencement du monde mensonger, puisque soudain elle introduit un en haut, un au-delà, et ne reste plus cantonnée à l'ici bas.

Comment sortir de l'aporie? Je ne sais. Sans doute pas une illusion supplémentaire qui consiste à ne pas voir l'absurde et à chercher, malgré les apparences, ou à cause d'elles, à être heureux sans ailleurs, à coïncider parfaitement avec soi-même dans une béatitude de tous les instants. Si cela est possible, du moins.

vendredi 17 septembre 2010

Il est certaines personnes qui au seul mot de "religion" tremblent, personnes qui, au demeurant, se proclament athées. Une espèce de peur qui vire souvent à l'aveuglement ou à la colère. Une d'elle m'a téléphoné cet après-midi. Cas typique d'athéisme inconsidéré, aussi  peu critique que le fidéisme stupide de certains croyants. Ce type de comportement, subconscient, est encore un signe que l'on ne peut se passer de "dire" Dieu même en ne le disant pas. Certains passent une vie entière à ce jeu-là.

Sous forme de pensée : Mort où est ta victoire?

Question de la mort. Après la mort? Rien, absolument rien, en ce sens où la mort, ma mort, cette mort qui sera mienne, sera bien l'ultime absolument; je ne serai plus là pour "expérimenter" la mort des autres. Cela dit, la mort n'est pas un terme, elle ne peut constituer un terme.
Le christianisme maintient l'ambivalence entre le caractère définitif et l'ouverture. Une ouverture qui n'est pas du fait de la mort elle-même. L'ouverture advient malgré la mort, par delà ce qu'elle est de définitif.
Nous haïssons tous instinctivement l'absurde. Qui d'humain ne se force de créer du sens? De "décorer" le réel de significations? L'activité humaine par excellence semble bien être de mettre du sens, de le chercher. Comment croire que ce formidable effort, celui même de penser le non-sens, comme ayant un sens, serait ordonné au néant? Comment ne pas envisager que la création de sens inhérente à la vie humaine ne soit pas ordonnée au sens lui-même? Et ce même par delà l'aspect définitif dont est revêtu le terme de notre existence?
Notre vie actuelle prouve déjà en elle-même qu'il y a un au-delà à notre simple vie biologique. Un au-delà aux multiples visages. Les pathologies psychologiques en sont un, paradoxal, etc...

L'art un autre, l'amour, la vie morale ou spirituelle d'autres encore. Et tout cela, serait le signe de quoi? Soit un au-delà existe - quelle qu'en soit la forme - et le sens perdure. Soit d'au-delà il ne saurait y avoir, alors nous vivons dans l'illusion la plus cruelle qui soit, puisque notre vie centrée sur le sens, est insensée. Dès lors, à quoi bon, l'art, à quoi bon, les sciences humaines, à quoi bon la vie morale, puisque tout cela ne serait que le signe pathétique de l'absurde. Et l'au-delà discerné plus haut dans la matérialité de notre existence biologique, qu'une manière plaisante d'occuper le temps qui nous sépare du néant.

La critique comme spécificité occidentale


L'utilisation des mots "culture" et "civilisation" doit être soumise, ci-après, à une critique stricte et devrait, pour être efficace, être redéfinie. Faute d'en avoir le temps, ils seront utilisés dans une acception qui va de soi et qui ne suppose aucunement des idées préconçues de supériorité ou d'excellence.

La culture occidentale donc, est la seule à être à la fois "conquérante", ou expansive, et critique d'elle-même. Conquérante, elle l'est avec, par exemple, la civilisation chinoise ou avec la civilisation issue de l'islam. Mais auto-critique, il semble bien qu'elle soit la seule à l'être. De fait aucune civilisation, aucune culture sur le globe, n'exerce avec une permanence et une acuité aussi manifeste la critique de ce qu'elle est. A vrai dire, cette habitude est devenue une position intellectuelle sensée donner à celui qui la prend, la probité, la légitimité et la crédibilité : il est intellectuellement correct de dénigrer et de diaboliser notre culture, boîte de Pandore du globe, source nocive de toutes les perversions  religieuses, économiques, politiques et sociales.

Si une critique, saine, est toujours souhaitable, et si, de fait, la critique est une des caractéristiques de notre culture occidentale, s'est-on déjà posé la question de savoir pourquoi plus qu'aucune autre notre civilisation est capable de critique? Pourquoi sommes-nous aussi sensibles au statut de la victime ( ce qui est une conséquence de notre penchant pour la critique, et l'auto-critique)? Pourquoi oscillons-nous toujours entre orgueil et mépris de nous-mêmes? Pourquoi lorsque l'on parle de "globalisation", celle-ci ne peut être en fait analysée qu'en termes d'occidentalisation, pour le pire et le meilleur, avec tout ce qui l'accompagne, et, notamment, une sensibilisation au statut de victime? Pourquoi seule notre civilisation à été capable des "Lumières", c'est-à-dire d'assumer sans scrupules la position critique qui déjà nous hantait depuis des siècles? "Lumières" au mon desquelles nous nous critiquons dans notre rapport aux autres, qui nous conduisent sur les chemins modernes des droits de l'homme, de l'égalité de tout être humain, de la tolérance totale, alors qu'ailleurs, aujourd'hui même, ses mêmes valeurs ne sont mêmes pas discutées, et tenues pour indiscutables. Nous réclamons pour tous la tolérance même pour ceux qui ne nous tolérent pas. Pourquoi? Pourquoi donc nous trouvons-nous dans cette position paradoxale ; dans ce dénigrement constant de ce que nous sommes et dans la défense constante de ce que sont les autres, quand bien même, et d'autant plus, lorsqu'ils ne sont pas comme nous? Pourquoi?

René Girard et d'autres, à sa suite, ont répondu à toutes ses questions, et étrangemment leurs voix n'est pas audibles. La position béate et flagellante reste majoritaire : nous sommes les méchants occidentaux et les autres, s'ils ne sont pas gentils, sont du moins innocents. Nous demeurons dans cet "autoracisme", cette xénophobie inversée pour ne pas être, précisément, xénophobes. Une haine de soi, une haine des sources et des origines, bref une position proche d'une psychose de l'esprit.

Un dialogue entre les cultures ne saurait avoir lieu dans un tel contexte : s'ouvrir à l'autre demande que l'on s'ouvre d'abord à soi.

jeudi 16 septembre 2010

Des Roms encore.

Sur le lien suivant

http://www.karinelalieux.be/Le-Gouvernement-francais-confond-morale-et-droit_a777.html?com#last_comment



on confond un peu tout.

Y aurait-il un droit qui ne soit pas moral? A-t-on déjà vu un droit non fondé en morale? Madame Lalieux pense mal. Le droit ou la loi doivent viser à une éthique, et donc à une morale. Elle devrait relire ses fondamentaux. Mais il est vrai qu'au parti socialiste, on a de la morale une définition très petite bourgeoise, et qui sent son XIXe en plein.

De plus les Roms seraient-ils la seule minorité "victime" de ces agissements contre les droits de la personne, le droit de l'Union, et contre la morale élémentaire? Je ne crois pas. Alors pourquoi soudain cette fixette? D'autant plus que les expulsions ne sont pas nouvelles. C'est un fait qui par le passé à déjà eu lieu, et cela n'avait soulevé aucune vague de contestation. Médias quand vous nous tenez !

Ensuite la France n'est pas la seule à poser ce genre d'actes : l'Allemagne, l'Italie, le Danemark, la Roumanie. Alors pourquoi cette fixette sur la France ? Médias quand vous nous tenez bis !

Poursuivons. Quand un évêque français - avec raison ou pas - dénonce les expulsions dans des termes comparables à ceux du commissaire, il y a dérapage, dit-on,  et l'évêque est sommé de s'excuser pour avoir ainsi mis la souffrance des Juifs sur le même pied que celle des Roms, mais dans le cas du commissaire il n'est pas question de dérapage. Etrange ! Pourquoi cette différence ?

Qu'en est-il du "dérapage"? Passons sur le cliché sémantique, nous sommes à une époque où il semble que l'on dérape beaucoup. Qu'est-ce qu'un dérapage? Un acte involontaire qui souvent cause des blessures. Ni l'évêque, ni le commissaire n'ont déparé. Les discours et communications, sont préparés et lus, rien d'involontaire donc. Le "dérapage" semble tout simplement être une forme du repentir, mais le repentir à mauvaise presse, alors on préfère la notion mécanique de "dérapage". Voilà pour la forme.
Venons-en au fond. Est-il pertinent de comparer ou simplement d'associer les faits dont ont été victime les Juifs, les Noirs, les Tsiganes, et les homosexuels pendant la terreur Nazie, avec ce qui se passe en France et ailleurs, donc, en ce moment? Je crois que la réponse est évidente. Proposait-on aux minorités cités, un retour en avion, avec une prime, dans leurs pays d'origine, et conformément aux lois démocratiques légitimes? Y a-t-il aujourd'hui une volonté d'exterminer? De plus le statut des victimes d'alors est-il exactement le même que celui des victimes d'aujourd'hui? Le juif d'alors était-il oui ou non inséré dans la société? Travaillait-il? Votait-il? Où et comment vivait-il? Répondre à ses question c'est mesurer toute la différence entre les uns et les autres. Dire cela, ne revient pas, bien sûr, à justifier ce qui se fait aujourd'hui, mais bien à clarifier. De plus la souffrance des victimes de l'holocauste n'est pas, que l'on me pardonne, l'étalon de la souffrance humaine. Pourquoi donc toujours en revenir à cela?

Enfin, les beaux et bons esprits qui se fendent de leur refrain humanitaire en invoquant soit le droit, soit la morale, soit l'un ou l'autre, que font-ils concrètement lorsqu'une de ces personnes Roms vient la main tendue, la fausse pétition à faire signer ? Quel discours précis, à ce moment précis, leur tiennent-ils? Que font-elles nos laïques sœurs de la charité quand quatre, cinq, six fois, elles ont entendu dans le métro, la valse de saint Jean, le Temps des Fleurs,et autres ritournelles jouées à l'accordéon? Dansent-elles? Réclament-elles un bis, béates d'admiration et reconnaissantes pour ce moment de pur bonheur dans la grisaille quotidienne?



Les Roms, au titre du respect de la personne humaine - ce qui est du ressort de la morale et de l'éthique, et pas d'abord du droit, le droit est là pour mettre en forme, par des lois positives, les impératifs  moraux- doivent être considérés comme tel : des personnes humaines, en conséquence ils ont droit et peuvent aspirer à des conditions de vie dignes de ce que nous sommes tous : des personnes humaines. Séjournant dans un pays, ils sont soumis, comme chacun de nous, aux lois de ce pays. Le pays qui les reçoit doit s'assurer qu'ils peuvent effectivement les recevoir dans toute la dignité qui leur est due. Cela suppose une coopération et des personnes accueillies et des pays accueillants. En outre, il faut se poser une bonne fois la question, en cette espèce, du statuts des Roms en Roumanie et en Bulgarie. Le problème moral est surtout à la source de cette émigration. Si les Roumains et les Bulgares étaient eux-mêmes plus accueillants pour cette ethnie vivant sur leurs territoires depuis des siècles, nous ne serrions pas confrontés à une émigration aussi caractérisée.

Concrètement - parce que avec des si ...- il faut ici offrir des conditions de vie dignes à ces personnes, et les engagées à se socialiser selon les lois du pays et faire évoluer la mentalité des pays d'origines. Dans le cas, où les populations ne veulent pas se socialiser - la mendicité caractérisée est un défaut de socialisation - que faut-il faire? Sourire et laisser passer? Soupirer? Attendre les socialistes qui auront une solution bonasse au problème? Je ne sais pas. Mais les lois d'une démocratie sont votées par des députés élus par des citoyens. Peut-être faudrait-il remettre en cause ce fonctionnement de la démocratie? Peut-être la démocratie doit-elle s'exercer dans la rue, à la télévision,  à coups de communiqués et de dérapages contrôlés cela va sans dire? Peut-être après tout...

lundi 13 septembre 2010

De l'universelle tolérance

Certes la tolérance est chose belle et bonne. Il est louable d'être ouvert et bienveillant aux idées d'autrui, même, et d'autant plus, quand ces idées ne sont pas les nôtres. Cela suppose un degré de relativité de ce que nous pensons, qui permet à l'autre d'exister en tant qu'autre justement.
Certes, il serait louable de bâtir une société voire un monde sur cette vertu sacro-sainte, et ainsi de vivre dans cet univers de bienveillance réciproque, d'ouverture exigeante à la différence.
Mais c'est sans considérer avec un minimum de réalisme ce qu'est l'humaine nature. Présupposer que n'importe quel habitant de ce globe tournant soit disposé à adopter la même attitude que vous, est une grave illusion. Présupposer que n'importe quel être humain, du fait même de sa participation à l'humanité, soit prêt à relativiser ses positions politiques, philosophiques ou religieuses, pour vous permettre d'exprimer les vôtres, tient d'une coupable naïveté.
Car il est plus naturel à l'homme d'être intolérant que son contraire. La tolérance exige des présupposés philosophiques que tous ne partagent pas. Dès lors vanter, à cor et à cri, une tolérance  universelle, en partie illusoire, en partie naïve, risque fort bien d'entraîner une intolérance dont seraient victimes les tenants les plus tolérants précisément.
La tolérance suppose la conviction, une conviction raisonnée, relative, et éclairée. La raison qui fonde la conviction est une raison critique, qui perçoit ses tenants et aboutissants. La relativité qui la caractérise est celle de la relation, du caractère dynamique et ex-tatique de la raison, il ne s'agit pas de la relativité qui supposerait que tout se vaut. Enfin, une raison éclairée suppose que l'on soit conscient de ce qui meut l'homme.
Croire donc naïvement, qu'un jour ou l'autre, l'on se rendra, n'importe qui, n'importe quel groupe humain, à la raison universelle de tolérance, est une utopie qui débouche tôt ou tard sur la violence en sacrifiant les tolérants eux-mêmes. La position juste serait plutôt en amont dans la critique raisonnée de la nature humaine d'une part, et d'autre part, des opinions qui l'agitent; car tout homme n'est pas naturellement bon, et toutes les idées ne se valent pas.

mercredi 8 septembre 2010

A chacun son bouddhisme.

Si le Bouddhisme, comme n'importe quelle philosophie religieuse, comporte des valeurs, et nombres d'éléments hautement admirables, il est a regretter que l'engouement occidental pour cette "religion" soit accompagné, tout d'abord d'un flot d'erreurs, et ensuite, d'une attitude de libre-examen caractéristique de notre époque, je veux dire par là que le quidam se prétendant bouddhiste aura pris soin de ne retenir que les éléments qui, dans cette philosophie le séduisent, laissant tout le reste.

Quel est le but ultime de cette philosophie ? Atteindre le Nirvana. Qu'est-ce que le Nirvana? C'est l'extinction du soi. Soi dont le dynamisme fondamental est le désir.Désir personnel  qui est la source de toutes les souffrances et de tous les maux dans cette vie. Atteignant le Nirvana, le bodhisattva ( l'éveillé) échappe au cycle des réincarnations, le samsara. Si au terme d'une de ses existences, un individu n'a pas atteint l'éveil et le nirvana, son principe spirituel - à ne pas confondre avec une "âme" - se "réincarne". La "réincarnation"  n'est donc pas, dans le bouddhisme, le but ultime, c'est pour ainsi dire une nécessité tant que le principe spirituel, seul élément individualisé - et au final appelé à disparaître -  n'a pas atteint l'éveil. Le samsara serait ainsi une espèce de purgatoire, voire un cauchemar duquel il faut se réveiller. Suivant le karma, la renaissance de ce qui est "ni le même ni un autre", d'après la philosophie bouddhiste, ne se fait pas forcément d'ailleurs, elle est parfois en attente, et quant elle se fait elle n'a pas forcément lieu sous la forme humaine, elle peut être aussi avoir lieu sous la forme animale ou végétale.

On voit déjà la grande différence d'avec le bouddhisme de supermarché auquel beaucoup adhèrent de ce côté-ci du monde. Un bouddhisme de jouisseurs, qui espèrent une vie supplémentaire pour jouir plus encore, et une autre encore, et ne jamais mourir enfin. La belle affaire ! Cette conception des choses est aux antipodes du bouddhisme réel, et de la sagesse respectable qu'il représente.


D'autres encore, en mal de sagesse, se convertissent, vite fait bien fait, à cette spiritualité, y découvrant subitement la quintessence du spirituel, séduits qu'ils sont, pas l'aura du Dalaï Lama, ou par ce qu'ils croient, à tord, être l'individualisme et l'anti-dogmatisme du bouddhisme. Certains viennent de l'athéisme, d'autre de l'islam, d'autres encore, les plus nombreux, d'une tradition chrétienne. Il est a regretter que, la plus part du temps, ils ignoraient que leur propres traditions religieuses comportaient des éléments tout aussi respectables et spirituels que ceux du bouddhisme, et parfois assez proches (cfr saint Jean de la Croix, souvent évoqué par le Dalaï Lama). Pour ce qui est de l'anti-dogmatisme du bouddhisme, on repassera, car comme toute philosophie religieuse d'essence ascétique, ce qu'il est, il possède des préceptes et des obligations d'observances, ainsi qu'un corpus de doctrine.Le bouddhisme propose une vision du monde fondée sur la prise de conscience que celui-ci est une illusion, que tout est changeant et que nous souffrons, que la cause de cette souffrance c'est le désir, qui est un attachement viscéral à l'illusion du monde, il faut donc pour le bouddhisme éteindre le désir, et sortir de l'illusion du samsara par une pratique. Atteindre le réel pour le bouddhisme c'est atteindre le nirvana, croire que le monde est le réel c'est une illusion néfaste.

Le bouddhisme est l'un des plus haute philosophie religieuse qui soit - on peut difficilement parler de religion de manière unilatérale en ce qui le concerne - il est dommage que nous le réduisions par opportunisme, par ignorance et par mode, à une vague idéologie fleur bleue, "sympa" et "cool", il mérite mieux que ça.

La tartufferie politique ou tous les chemins mènent aux Roms.

Simone Weil, la philosophe, préconisait une politique sans partis. En effet, selon elle, la politique des partis, était toujours, et quels que soient les partis, partisane, et cela faussait toute la politique, qui perdait du coup toute éthique pour tomber dans une guerre idéologique. Hélas, à moins d'une dictature, on ne voit pas comment la politique pourrait se passer des partis.
A moins d'une dictature, où alors d'un renversement totale de ce que serait la politique. Mais il semble fort que ce "renversement" soit une utopie. En attendant, nous sommes bien obligés d'admettre l'existence des partis et, ce qui  lui est corrélatif, leur jeu. Puisque, cela étant, la politique n'est qu'un jeu, un jeu cynique la plus part du temps, où la morale est celle de Tartuffe, et ce sans qu'il soit nécessaire d'agité de pieuses pensées.

La tartuferie politique s'accommode de tout, et une idée humanitaire peut très bien faire l'affaire de son jeu. La règle du jeu est simple, faire croire à ce que l'on dit ou défend, à des gens qui savent que cela est faux, non pas de la fausseté contraire à la vérité, mais de la fausseté contraire à l'opinion; la vérité n'étant pas une notion politique, ni contemporaine d'ailleurs. Donc, le jeu politique consiste en ceci : faire croire à ma sincérité à des gens qui savent qu'elle n'est pas vraie. Le jeu politique déteint sur le reste des relations sociétales, toujours à la remorque de l'opinion dominante. La "doxa", pour reprendre la notion platonicienne, est ainsi aujourd'hui la règle, une "doxa" cynique, créée de toute pièce et largement investie mimétiquement, grâce aux médias. Une doxa plus une autres forment ainsi un corpus au quel nous sommes tenus d'adhérer, à défaut on passe pour un ringard, un réactionnaire, voire un facho.

En ce moment, la doxa nous oblige de défendre la cause des Roms. Cause déclarée légitime sans même que soit avancé des arguments sensés justifiant cette légitimité. Et chacun y va de son refrain humanitaire ou humaniste : d'une comparaison - critiquée par les concernés- aux rafles de juifs, à l'invitation à l'amour fraternel universel.
Bien sûr, nous sommes pour l'amour universel et fraternel, nous sommes aussi pour l'amitié des peuples, nous sommes surtout et avant tout pour la dignité de la personne humaine, partout et toujours. Voilà, selon nous, la pierre fondamentale, de toute politique, le respect de la dignité de la personne humaine, toujours et partout.
Expulser des Roms, ou tout autre population, n'est pas en soit illégitime. A moins de défendre, un monde sans frontières : une utopie; celui qui défend un monde sans frontière, commence donc par appliquer cela à lui-même et fait de son domicile un non-lieu, un lieu absolument ouvert. La notion de frontière est indispensable à la vie humaine, à condition de ne pas l'absolutiser.  Expulser, n'est pas en soit illégitime, encore faut-il que les formes de l'expulsion respectent les personnes, et soient non violentes. Recevoir chez soi l'étranger n'est pas toujours, de soi, une valeur. Ainsi quand cet étranger doit se contenter des miettes qui tombent de notre table, on peut se demander si c'est vraiment digne d'une personne humaine.
La première chose à faire serait d'améliorer les conditions de vie de n'importe quelle population là où elle est à l'origine enracinée. Ainsi pour les Roms, de transformer la population roumaine. L'émigration n'est pas toujours un bien, loin de là, surtout quand elle est économique ou sociale.
Les Roms, ou n'importe qui d'ailleurs, valent mieux que de faire les pions des politiques, de droites ou de gauches, ils valent beaucoup mieux que de servir de cheval de bataille, car quand le jeu sera fini, gagné ou perdu, il est fort à craindre que le sort des Roms, n'aura pas changé et que nous votions UMP, PS, Verts, nous serons toujours indifférents à la main tendue, agacé par le son de l'accordéon dans le métro. Messieurs, Mesdames, les nouveaux Tartuffes, songez-y.

lundi 6 septembre 2010

L'histoire, le cinéma et la tempête.

Il fut un temps - lointain déjà - où l'on faisait de l'histoire sans images. Et comment aurait-il pu en être autrement? Nous n'avions aucune archive photographique des conquêtes d'Alexandre, rien à propos de la guerre de Trente ans, pas plus sur la dynastie des Tudors, et rien sur la conquête des Amériques par les Espagnols. Nous devions nous en tenir aux textes, à la lettre, dans une ascèse de l'imagination, un jeûne bénéfique des images.
Depuis, l'histoire se fait, pour le grand nombre, avec abondance d'images. Le cinéma supplée au manque cruel, le jeûne est rompu. Nous sommes, pour ainsi dire, contemporains de la prise d'Orléans, de l'assassinat de César, de l'expulsion des juifs d'Alexandrie, du mariage de la reine Margot. Non seulement contemporains, mais intimes, presque plus intimes que les acteurs réels des événements, puisque nous savons tout, voyons tout, la scène et les coulisses.
L'on dit que nous ne sommes pas assez idiots pour confondre œuvre de fiction et histoire, c'est à voir. N'empêche que le cinéma, en matière historique, nous impose des images, qui habitent notre esprit et notre imagination, et désormais, devant leur flot puissant, nous ne pouvons plus faire de l'histoire sans peu ou prou faire marcher la machine à images. L'ennui c'est que les images colportées par le cinéma sont des artefacts doublement mensongers. Une première fois par nature, et une seconde fois par intention. Le cinéma est partial, il donne une interprétation subjective et bien souvent nourrie d'idéologie, mais la force et l'impact de l'image, font presque insensiblement abdiquer notre sens critique. Nous considérons pour vrai ce qui nous est montré. La littérature romanesque a emboîté le pas et l'on écrit aujourd'hui comme l'on fait du cinéma, une écriture imaginale, toute influencée par le septième art. Nous ne savons plus très bien, si le cinéma s'inspire de la littérature ou si c'est lui qui l'inspire. Quoi qu'il en soit, c'est l'Histoire qui en prend pour son grade.



Ce matin à la radio,  Guy Carlier, lamentable, nous parlait, de son ton larmoyant, de la tempête récente et de ses victimes . Et de nous tracer le tableau mi-moqueur mi-compatissant, d'un air supérieur, les victimes n'étant, aux termes de ce qu'il disait, que des gens possédant " des photos sous cadres provenant des galeries lafayette", et je ne sais quels autres "souvenirs de voyages avec le comité d'entreprise". Et alors? Les choses auraient été différentes si les malheureuses personnes avaient été des chroniqueurs de canal plus, ou des stars de la télé ou des journalistes, cette classe supérieure? Il n'y a aucune honte à aller acheter des cadres aux galeries lafayette, pas plus que d'avoir des souvenirs de vacances. En revanche, il y en a à mépriser tout cela.
Et pour faire montre d'un esprit lumineux et libre, Carlier, de se demander, invoquant Freud et Lacan, "si Dieu n'avait pas besoin d'une psychotérapie". Voilà encore un esprit fort préoccupé par l'implication d'un dieu, sensé ne pas exister, dans les catastrophes naturelles. Mais si faute il y a à la Faute sur Mer, c'est d'abord, celle de la cupidité, du goût démesuré du profit, de l'avidité, de l'idiotie, de l'incurie et de l'envie. Les éléments naturels sont sans intelligence, même pas aveugles; ils n'ont ni cœur ni yeux. Et Dieu n'était pas dans les molécules des flots déchaînés, pas plus que dans celles du vent de tempête, et les morts pas plus coupables que les vivants. Mais bon, Dieu est pratique dans certains cas, il permet d'évacuer les problèmes moraux et de les remplacer par une pseudo interrogation métaphysique, d'un autre âge.

vendredi 3 septembre 2010

Du Hamburger Hallal.

Au delà du symbole culturel, assez absurde d'ailleurs - une espèce de grand écart gastronomico-social - qui consiste à faire la paix entre les USA et le monde musulman, autour de la bouffe, ce qui est rare tout de même, et qui vaut la peine d'être signalé, c'est, plus sérieusement, de la liberté de chacun qu'il s'agit.
Si les musulmans on le droit plein et entier de manger comme bon leur semble, et selon leurs croyances, les autres, les non musulmans, qui ne croient pas aux vertus spirituelles ou religieuses de la viande hallal, ni même à sa nécessité, qui pour des raisons d'indifférence, ou pour des raisons philosophiques, n'accordent aucune importance aux interdits alimentaires, ont eux aussi le droit de manger comme bon leur semble, et donc de ne pas manger hallal.
Manger hallal pour un musulman, kasher pour un juïf, sont des actes religieux, des actes pieux, en conscience ils sont tenus d'observer ses interdits alimentaires. Ce comportement religieux apparaît comme quelque chose de concret, de matériel, par l'exercice pragmatique de l'interdit alimentaire, le juïf aussi bien que le musulman, atteint quelque chose qui ressemble à une proximité avec Dieu.
Les interdits alimentaires ont disparu du christianisme et assez tôt. Le génie du christianisme estimant qu'un acte aussi trivial ne saurait avoir des conséquences bénéfiques ou maléfiques dans les rapports avec Dieu, autrement dit, Dieu n'est pas une question de bouche. La pratique du maigre les vendredi de carême est d'un autre ordre, symbolique, purement spirituel.
Voir se répandre le hallal - même si c'est surtout une raison commerciale qui y préside - est alarmant, car il s'agit d'un rapport de force.
Un chrétien - ne parlons pas ici des "athées" pour qui hallal ou pas hallal, cela ne change rien - peut tout à fait manger hallal, aucune importance, mais un musulman ne peut pas, lui, ne pas manger hallal. Partant de ce constat, on peut tout à fait se dire "et bien alors, mettons des restaurant hallal partout, puisque les uns s'en moquent et que  les autres y tiennent". Argument fallacieux. Ce n'est pas le fait que les restaurants soient hallal, mais c'est l'exclusive qui pose problème, l'exclusive et la visibilité. Afficher "Hallal" sur la devanture d'un restaurant, par nature destiné à tous, c'est afficher un message religieux, tout comme si pendant le carême certains restaurants ne servaient exclusivement que du poisson, et le faisait savoir en affichant " restaurant observant strictement le carême". Ce genre de signalétique ne passerait pas du tout. "Hallal" devient donc un signe de reconnaissance, qui se répand avec l'exclusive qui l'accompagne, et cela ne respecte pas le droit qu'on les non musulmans à manger une nourriture non symboliquement religieuse. Hélas, une des faces du problème c'est qu'en vis à vis de l'Islam, convaincu, pieux, religieux, il n'y a rien qui puisse soutenir la comparaison, sinon un grand vide spirituel, un néant religieux. Il n'est pas étonnant alors que l'Islam seul  - comme phénomène religieux - occupe le devant de la scène, à la télévision et dans notre quotidien.
L'Islam possède une tradition spirituelle, mystique - la plus part du temps considérée d'ailleurs comme hérétique, par l'orthodoxie musulmane, mais cela n'est pas le sujet ici - il est triste d'une part de le limiter à une question de hamburgers, et d'autre part de ne pas prendre conscience que le christianisme, et les cultures informées par lui, possède lui aussi une tradition spirituelle et mystique dont il n'a pas à rougir.
Voir les choses par ce bout-là permettrait d'élever le débat.

De toute manière Quick hallal ou pas c'est de la m..... le mieux encore - et c'est sans doute l'acte le plus religieux qui soit- c'est de s'en abstenir purement et simplement. C'est ce que je vais faire.

Tordre le cou au "judéo-christianisme".

L'expression "tradition (ou culture) judéo-chrétienne", souvent associée d'ailleurs, à la notion de culpabilité, celle-ci étant, cela va de soi, l'héritière de celle-là, étant bien entendu qu'il n'existe pas la moindre psychologie de la culpabilité dans d'autres sphères culturelles; cette expression donc, si courante, est une pure fiction notionnelle.
Car je voudrais que les doctes, les vrais et les pseudos, qui parlent de judéo-christianisme, ou de tradition judéo-chrétienne, me disent ce que sont l'un et l'autre.
Considérer le judaïsme et le christianisme comme un ensemble homogène est une vue de l'esprit et partant une illusion intellectuelle.
Si la notion de judéo-christianisme désigne bien quelque chose, il s'agit de ce courant du proto-christianisme, qui était encore fortement lié à sa matrice juive et qui se distinguait du courant chrétien issu du paganisme, elle ne saurait désigné autre chose, et surtout pas la fiction religieuse qui mettrait le judaïsme et le christianisme dans le même sac, car s'il y a continuité entre les deux, il y a aussi rupture.




Aujourd'hui, on assiste également avec la généralisation de ce terme de "tradition judéo-chrétienne" au remplacement pur et simple de l'ancienne expression "tradition gréco-latine" qui prévalait depuis la Renaissance. Ce remplacement, n'est pas sans arrière pensée idéologique. Lorsqu'on parle de "tradition judéo-chrétienne" l'on entend parler de ses méfaits, cela va de soi, à tel point que bien souvent la notion de "judéo-christianisme" est péjorative.
Or, ce "judéo-christianisme" n'existe tout simplement pas, et en rigueur de termes, il n'existe pas de tradition judéo-chrétienne. Parler de culture judéo-chrétienne, revient à parler d'un vide, à désigner par une notion, péjorativement chargée, un néant culturel.

En réalité, la notion est utilisée, la plus part du temps, pour désigner le christianisme seul. Ainsi donc, lorsque "tradition judéo-chrétienne" est utilisée, il faut comprendre "tradition chrétienne". D'où l'usage erroné de cette notion tire-t-il son origine? Je ne sais pas. Mais nul doute que l'extension de son utilisation est due au mimétisme qui nous possède. Il suffit que nous l'ayons entendu une fois à la radio, ou à la télévision, utilisée par un savant monsieur, péremptoire, pour qu'aussitôt, entre deux gorgées de vin, ou deux bouchées de fromage, nous l'usions à notre tour, dans l'espoir de paraître au mieux, intelligent, au pire, renseigné, en tout cas au courant et non dupe de ce qui fait notre lourd héritage culturel.

Cette expression ressemble fort à un pet de l'esprit : du vent, du bruit et puis une impression désagréable.

De l'Italie

On revient d'Italie et l'on se demande encore comme tant d'humanité peut être aussi concentrée.
Car l'ordonnance des villes et des paysages, l'explosion artistique, et un je ne sais quoi qui se dégage de cette terre-là, sont bien de l'humanité.
Et l'on se prend à rêver au "grand tour", ce que cela pouvait être, et comment cela changeait à tout jamais une vie.

Nous qui n'avons vu de l'Italie que des parcelles, envahies par des touristes en tongues, traînant leur appareil photo et leurs yeux de manière distraite, la plus part sans comprendre ce qu'ils foulaient, ce qu'il voyaient, important seulement de "faire l'Italie" ou de "faire la Toscane" dans ce concours perpétuel qu'est le tourisme, nous donc qui n'avons vu que cela, et qui sommes déjà éblouis, qu'en était-il lorsque après des jours de voyage, recouverts de poussière, on arrivait dans ce pays, découvrant la splendeur des fresques, l'éclat des pierres vierges encore, les routes, les plis du paysage, et les villes imperturbables?





Comment ne pas être soulevé par un élan de mystique, confiant en tout et surtout en cette humanité qui a produit tant de beauté pleine?
On part en Italie, on en revient meilleur c'est sûr... à moins d'être un aveugle aux yeux ouverts, la pire espèce qui soit !

Eugenio d'Ors disait dans son "du baroque" qu'il n'existait que deux entités culturelles pures en Europe, la Grèce antique et le Portugal. Sans doute a-t-il raison, bien qu'il reste à définir la notion, cependant l'Italie dans le mélange qu'elle offre, atteint au sublime autant que la simplicité des choses pures.

Je reviens d'Italie et j'y découvre le Portugal, un Portugal plus estompé moins épique; et lorsque je suis au Portugal, je rêve d'Italie, celle des fous, celle des peintres, celle des saints.

jeudi 2 septembre 2010

Se connaître pour quoi faire?

γνῶθι σεαυτόν ( gnôti seautov). Connais-toi toi-même. Socrate reprend cette adage delphique - inscrit au fronton du temple d'Apollon à Delphe donc. Il semble que les temps qui courent, et ils courent vite - comme les morts, selon le préambule à Dracula de Bram Stocker- soient pris de la fureur de la connaissance de soi. Mais il est fort à parier qu'il y a entre la maxime delphique, et socratique, et celle que professe nos temps rapides une différence de taille. Une chose commune cependant : le bonheur.
L'adage grec est le préambule au bonheur, ou mieux à la vie bienheureuse. L'adage contemporain se présente lui aussi comme la porte d'entrée au bonheur. Mais différence : si dans les deux cas, on parle de "bonheur", la notion n'est pas équivalente. Le bonheur, là, est la vie bienheureuse et, ici, une vie comblée. Là, la vertu est requise, ici, elle est ce qu'on évite.
La vie bienheureuse socratique va de paire, avec une recherche de la vertu, et donc avec une éthique, une morale. La connaissance de soi, est donc la pierre de fondation d'un processus éthique. Ce dynamisme commence par une relativisation du moi précisément. La connaissance de soi socratique est une relativisation du moi, chose qui n'a rien de morbide, il s'agit, simplement d'une mise en perspective : se connaître c'est se connaître comme relatif, et fini, et soumis à la morale. La connaissance de soi n'est donc pas une infatuation du moi, comme elle l'est pour beaucoup de courants aujourd'hui. Il ne s'agit pas non plus d'une manie de l'introspection, un nombrilisme, morbide celui-là, qui irait de soi à soi.
Il est d'ailleurs à noter que l'adage originel est inscrit sur le fronton d'un temple et du temple d'Apollon, le dieu des arts et de la lumière. L'adage est donc religieux. Il se trouve que notre siècle évacue le religieux, et ce pour différentes raisons : peur, indifférence, haine, ressentiment, ignorance, colère.
Le connais-toi toi-même se trouve ainsi vidé de sa substance transcendante, de sa portée spirituelle et philosophique. Il ne devient aujourd'hui qu'un exercice purement psychologique qui, en soi, peut avoir son importance mais qui, en définitive, ne mène à presque rien. Un peu comme un maison qui n'aurait jamais de toit, ni de porte, ni de fenêtres.



Car la plus part des tenants contemporains d'un "connais-toi toi-même", ramené dans les limites d'une interprétation laïque et psychologique, tiennent aussi à une vie humaine bornée entre naissance et mort. Dans cette perspective profondément a-religieuse, où la vie n'est qu'un serpent qui se mort la queue, on peut se demander à quoi donc servirait de se connaître, si ce n'est à patienter, à s'occuper en attendant le grand noir, et le point final à toute cette énergie. Car, il faut bien le reconnaître, ça me fait une belle jambe de me connaître si après tout, cette connaissance et moi, finiront dans un trou couvert de terre. Je préfère alors occuper le temps qui me reste à autre chose qu'à connaître ce "cadavre ajourné", comme dirait Fernando Pessoa.