samedi 25 septembre 2010

La triste beauté des jours anciens

Comme ils sont beaux les jours où j'inventais Chopin, Beethoven, et Brahms, où, me semblait-il, la musique n'avait été créée que pour moi seul. Dans l'arrière cuisine d'une maison aux allures de cottage anglais, sous les verrières translucides, dans l'assiette une compote de courgette, et quelque chose d'aussi trivial que des saucisses en leur jus, la voix du piano emplissait la clarté trouble, et moi, aussi apeuré presque par tant de solennité, découvrais un visage de la beauté. Ses traits étaient austères, pleins, et cependant quelque chose de la joie immarcescible, j'en avais la certitude, était contenu dans le développement fugace de la musique.
Comme ils étaient beaux les jours, où enfant, j'associais le chocolat à la tristesse de la musique, où dans la pénombre boisée d'un vestibule, sentant la cire -celle que ma mère passait et lustrait-, éclairé parcimonieusement par les tâches colorées des tableaux - des ciels belges, ah la vaste et pleine mélancolique des ciels du Nord !- j'attendais muet et timide la musique, et fasciné je posais, parfois, mes mains sur le blanc et le noir de ce piano qui était capable de me faire pleurer.

La nostalgie de ses jours-là ! Qu'ils étaient pauvres, qu'ils étaient riches, et que je les ai aimés. L'on m'offrit ensuite des disques racontant la vie des musiciens célèbres : Bach, Vivaldi, Beethoven, Chopin, Haydn, Haendel,  Mozart. Avant d'avoir connu les saints ce sont ceux-là qui m'ont édifié. Qu'en ai-je fait? Où sont-ils donc passés? Qu'on me les rende.

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