lundi 30 août 2010

Du christianisme et de la vraie religion.

Lacan titre une de ses interventions, en Belgique, je crois, La vraie Religion, en parlant du christianisme. Le titre est à double sens, c'est Lacan ! Il s'agit, ne nous y trompons pas, d'une critique psychanalytique de la religion. Le christianisme serait donc le vrai du religieux en tant qu'il peut et doit être critiqué par la théorie psychanalytique.
On peut se demander, si Lacan avait bien compris ce qu'était le christianisme comme phénomène religieux, et on préfère la lecture de René Girard qui semble plus proche de ce qu'est le christianisme dans sa substance.
Le christianisme est à lire et envisager dans la continuité du judaïsme dont il est, pour une herméneutique chrétienne, l'accomplissement, le point d'aboutissement. Il s'agit donc d'une nouveauté inscrite dans un phénomène plus ancien. Cette nouveauté est critique. En effet, aussi bien dans les Evangiles, que dans les autres livres du Nouveau Testament, la pensée chrétienne critique la pensée juive. Aussi, le christianisme n'est pas à lire uniquement en termes de continuité, mais aussi en termes de rupture. Et c'est précisément là la nouveauté radicale. Le christianisme propose une critique radicale du religieux. Les dogmes centraux de l'Incarnation et de la Résurrection, qui lui sont spécifiques, en font une philosophie religieuse à part, dont un des ressorts est de critiquer la religion. Par l'Incarnation, il place Dieu sur le même rapport que l'homme, et par celui de la Résurrection, il pose l'opération inverse à savoir diviniser l'homme. Les repères traditionnels du religieux sont donc critiqués. On se trompe quand on veut ramener le christianisme à la "vraie religion" entendue au sens de Lacan, il serait même tout le contraire, à savoir la première tentative de sortir du religieux, du sacré pour entre dans le saint.
Une originalité supplémentaire du christianisme - et c'est son génie - est de personnaliser cette critique. Il ne s'agit pas d'une critique théorique, intellectuelle, philosophie, mais concrètement d'une personne qui incarne le renversement des valeurs, d'une personne qui signifie et réalise les opérations critiques. Le Christ est l'occasion historique de la critique, c'est lui qui par son Incarnation et par sa Résurrection opère la sortie du sacré, et pour la première fois dans l'histoire du phénomène religieux permet une attitude religieuse critique. La foi au Christ est une critique du religieux ou n'est rien, mais étant cela elle ne se dissout pas dans un préathéisme - bien qu'elle ait quelque chose à voir avec lui - précisément parce que le Christ est la pierre angulaire qui réunit en lui Dieu et l'Homme. Avec lui et avec le christianisme la question religieuse est déplacée : il ne s'agit plus d'un Dieu au ciel et d'hommes dans le monde sublunaire, mais de Divinité et Humanité réunie dans sa personne unique. L'écart fondamental entre Dieu et l'Homme, est ainsi comblé dans sa Personne.
Bien évidemment, il s'agit ici de la vision chrétienne. Mais que l'on y donne sa foi ou pas, voilà le discours chrétien, discours qui a présidé à l'avènement de nos cultures occidentales. Sans ce discours-là, nous ne serions pas les mêmes.

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