jeudi 26 août 2010

Etre et ne pas être.

Comme on le sait Descartes, dans son poêle, faisait découler l'existence de la pensée. Son "je suis" n'étant pas tant une suite logique de son "je pense" qu'une étape successive dans les préliminaires qui président à l'élaboration de sa méthode. Le "cogito" cartésien n'étant pas non plus n'importe quelle pensée, mais une pensée déjà toute tremblotante du doute, traversée de part en part par lui, et paradoxalement, pour un instant, du moins, assurée par ce même doute. Un instant, l'instant suffisant pour délivrer son "ergo sum", comme dans un souffle, presque, avant l'apparition du malin génie, qui pourrait tout remettre en cause.
Cogito ergo sum, traduit en français par "Je pense donc je suis", traduction qui écrase tout le ressort métaphysique de la maxime. Entre le "je pense" et le "je suis" il se trouve ce "donc" qui pose problème, qui raccourci les rapports, qui dénature presque les deux propositions. Toutefois, il y a bien un lien entre "penser" et "être", et chez le philosophe de la méthode, l'être suit le penser. On a beaucoup glosé sur la question, je ne vais pas ajouter des lignes inutiles aux commentaires déjà pléthoriques, mais voici que nous étions à Lisbonne, et que dans la nuit surgit soudain, quelque chose qui ressemblait à l'inversion de la maxime cartésienne : je pense mais je n'existe pas. Seulement voilà, être et exister ce n'est pas la même chose exactement, car si pour exister il faut être, être n'entraîne pas forcément l'existence. De plus, la maxime lisbonnine faisait une lecture trop logique de la cartésienne, même en l'inversant.  N'empêche, dans la nuit, apparut en lettres noires, ce je pense mais je n'existe pas, qui par son absurdité était, de ce côté-là, du moins, l'antithèse de la philosophie méthodique de Descartes. Je pense mais je n'existe pas. Qui pourrait soutenir cela? Comment penser sans exister, et comment dire tout simplement "je" sans d'abord exister. A la limite, Dieu seul pourrait dans son être subsistant, et simplement pur, dire cela "Je pense mais je n'existe pas", puisque nous savons depuis Maître Eckhart que Dieu n'existe pas, et pourtant Eckhart, était dominicain, prêtre, grand croyant et mystique indubitablement, ayant la foi autant que la raison. Voilà, donc dans la nuit de Lisbonne, que Dieu parle sur les murs, pour nous asséner "Je pense mais je n'existe pas". Si on tient que seul un Absolu peut dire cela, et que pour nous ça serait là pure folie, si l'on soutient que l'absurdité de cette phrase disparait si seul un Esprit Absolu la prononce, alors le comique de l'inscription disparaît. Et la main, maligne, qui traça les lettres se trouva être l'instrument d'une Pensée qu'elle même ignorait. Tel est pris qui croyait prendre. Et Dieu rit sans doute.

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