mardi 18 octobre 2011

Eco, éco es-tu là?

Les mots dont le préfixe est "éco" sont d'une réelle complexité. Nous connaissons tous les deux plus fameux "économie" et "écologie". Il ne sont d'ailleurs pas sans un rapport l'un avec l'autre, et pas forcément là où on s'y attendrait spontanément. Nous allons y revenir.
La racine "éco" en grec, puisque aussi bien elle est grecque, veut dire la maison et par extension tout ce qui y renvoie.
L'économie est composé de "éco", le domestique, et "nomos", la loi, le droit, mais aussi la coutume au sens où elle fait loi, voire la culture. Au sens strict, l'économie est donc l'ensemble des dispositions ayant force de loi qui gèrent le domestique. On voit bien qu'il n'est nullement question d'argent tout d'abord. Il s'agit de gestion au sens large. Par ailleurs, le mot "économie", utilisé, par exemple depuis les débuts en théologie, signalait les dispositions effectives que Dieu usa pour" gérer", accomplir le salut, et plus largement, le dispositif général du salut. C'est par exemple au nom de l'économie, que le culte des icônes fut admis et même encouragé, puisque l'icône renvoie à l'incarnation qui elle est un fait majeur de l'économie.
Voilà de quoi redonner du souffle à ce mot si utilisé, si usé, donc le nerf et l'âme se sont, pour le premier, ramolli, et pour la seconde, carrément, perdue.

"Ecologie". Nous retrouvons ici le domestique associé au suffixe "logos", discours. Mais bien plus que discours, "Logos" est la raison interne, le sens des choses, leur "logique" profonde, ce n'est pas seulement une parole, le logos n'est pas parole insensée ou bavarde. Le logos est un verbe de génie, l'esprit qui s'articule. Voilà ce qu'est le logos. L'écologie est donc un discours sensé, articulé, spirituel, qui dit, révèle, le domestique. Le sens du mot "écologie" est aujourd'hui restreint au soin que l'on a de la nature et du milieu ambiant, nature et milieu considérés comme notre maison commune, notre domestique le plus spontané, le plus basique. Mais le domestique peut être appliqué à beaucoup d'autres réalités.
On ne saurait réduire l'écologie au triage des déchets et à la culture du persil sur un balcon, fut-elle faite au crottin de cheval. L'écologie suppose une économie. Et l'économie suppose elle même une écologie. On ne saurait dire ce qui du discours ou de la loi est premier, car si par "discours" on entend sens, alors oui l'écologie est première, mais si par "discours" on entend parole articulée, résultat donc, d'une réflexion, alors l'économie est première. Quoiqu'il en soit les deux sont intimement liées, non pas tant en raison de gros sous, ou de gestion financière, mais pour la raison première et fondamentale qu'elles participent de la vie de l'esprit; car l'une et l'autre sont des applications concrètes, des dispositions pratiques, d'un ordre spirituel. On ne saurait en conséquence, faire de l'économie sans esprit, ni, pareillement de l'écologie. Toute deux réclament les qualités de l'esprit : justesse, justice, vérité, probité, rectitude, modestie, simplicité et patience. Toute économie, et partant toute écologie, qui ne seraient pas cela ne sont pas humaines, seront nécessairement contre l'homme.

Alors des boutons me viennent quand j'entends des mots comme "éco-citoyen", "éco-quartier", "éco-militant", "éco-responsable", et que sais-je du même tonneau. Outre que l'on cède à une certaine facilité lexicale, tous ses mots, sont en propre, des barbarismes, puisque la règle veut que l'on n'associe pas préfixes et suffixes venant de langues différentes; ce qui est le cas ici. On comprend bien ce que ces mots dans la tendance veulent signifier, là n'est pas le problème. Le problème c'est qu'en rigueur de termes il ne veulent rien dire du tout. Ils ne veulent rien dire, car, a priori, on ne sait pas à quoi renvoie cet "éco" préfixé? A économie, ou écologie ? Bien sûr, nous savons qu'il s'agit d'écologie, mais nous le savons par contagion de la mode; l'écologie étant beaucoup plus dans le vent que l'économie. Et l'on voit ainsi fleurir chaque jour de nouveau "éco" quelque chose : éco -geste, éco-déplacement, éco-gastronomie, et pourquoi pas une éco-économie. Le suffixe "éco" ne désignant que le domestique, s'il n'est pas uni à "-logie" on lui retire l'esprit, et c'est l'insensé qui nous tombe sur le coin de la figure; si on l'uni pas à "-nomie" on lui retire la dynamique fondatrice, et c'est le n'importe quoi qui nous advient. Les mots sont des signes et comme chaque signes c'est au sens qu'ils renvoient ou ne renvoient pas, c'est selon.

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