vendredi 26 novembre 2010

Ce que l'on doit au christianisme

- Une autre vision du corps, ni platonicienne, ni purement matérialiste.
- Un approche positive de la matière, conséquence du dogme de la création, et de celui de l'Incarnation.
- Des élaborations notionnelles spécifiques, comme par exemple la notion de "personne".
- Une égalité du genre humain, pour saint Paul " Il n'y a plus de juif ou de grec, d'esclave ou d'homme libre, d'homme ou de femme" puisque dans le Christ le genre humain est un.
- Le christianisme a posé les bases qui rendront possible les droits de l'homme.
- Un sensibilisation à l'innocence, et au statut de victime.
- Une sensibilisation aux plus pauvres.
- Une certaine idée du droit.
- Une relativisation de la notion de religion et l'avènement d'un regard rationnel en matière religieuse.
- La poursuite et l'aboutissement d'un regard scientifique dont le principe reste la distinction entre le profane et le sacré.

Une critique du christianisme est toujours possible - et notamment du christianisme historique - mais cette critique ne saurait être pertinente sans d'abord attribuer au christianisme ce qui lui revient, à commencer par l'attitude critique elle-même.
Renoncer au christianisme comme fondement culturel, c'est se condamner à ne plus comprendre des pans entiers de notre mémoire artistique, intellectuelle, voire scientifique. Il faudra dès lors renoncer, à toute la littérature patristique, non seulement pour le fond, mais aussi pour la forme, renoncer à saint Augustin, renoncer, à saint Bernard, renoncer, à toute la philosophie médiévale, renoncer à toute la poésie et aux hymnes d'inspiration directement chrétienne, renoncer aux chansons de geste, à l'épopée du Roi Arthur, renoncer à tout le témoignage de l'expérience mystique. Bien plus, liquider le christianisme, c'est liquider notre rapport au corps, notre image du corps, notre rapport à l'image, c'est renoncer à l'image telle que nous l'avons élaborée, c'est renoncer à des siècles de peinture, de sculpture : à Fra Angelico, aux cathédrales  romanes et gothiques, à Michel Ange, au Bernin, à Caravage, Rubens, Giotto, Greco, etc. C'est renoncer à la musique aussi : à Bach, Gluck, Haendel, Purcell, Jean Gilles, Mozart, etc.
Renoncer au christianisme c'est renoncer au verbe, et à la littérature : à Claudel, Peguy, Châteaubriand, Lacordaire, Bernanos, et encore Dante, Pétrarqe, Bossuet, mais aussi Thérèse d'Avila et Jean de la Croix, inventeurs de l'espagnol moderne, Antonio Vieira au Portugal, dont la langue n'a d'égale que la personnalité pétrie, en raison même de son christianisme, de tolérance et d'humanisme. Citons encore, Kierkegaard, Kant, et Nietzsche lui-même qui sans le christianisme ne serait pas. Perdre tout cela, et le reste, ne serait pas petite perte, et que sous d'autres latitudes il y aurait aussi à citer auteurs et œuvres pour défendre des causes étrangères au christianisme. On aura raison certes, car aussi bien il est ailleurs des choses belles et bonnes, mais qu'aurait-on à vouloir défendre celles-ci sans défendre aussi celles-là? Qu'aurait-on à exalter les choses d'ailleurs si c'est pour mépriser celles qui nous sont propres? Que vaut la manie xénophile qui consiste à défendre, par exemple, les productions artistiques émanant de l'islam ou de l'hindouisme, et dédaigner celles, considérables, issues du christianisme? Je défends, quant à moi, les unes et les autres; celle d'ailleurs comme étant celles des autres, et celles venant du christianisme comme étant mon héritage propre, et possédant ces dernières, je suis d'autant plus ouvert, je suis ouvert en connaissance de cause, à celles qui ne sont pas de ma culture indigène. L'idéologie xénophile veut que l'on se pâme devant l'étranger en raison même de sa différence, et que l'on s'afflige de ce que nous sommes, de nous ressembler trop pour ainsi dire. La xénophilie s'accompagne - mais pourquoi donc?- d'égophobie ; il me semble que l'on peut aimer tout  ensemble, et autre et soi-même, l'autre parce qu'il n'est pas moi, et moi par souci de raison.

Une certaine haine du christianisme est une haine de soi, une haine de soi par défaut de mémoire, une haine du soi collectif. Faire une liste des choses que l'on liquiderait en liquidant le christianisme n'émeut personne ou presque, parce que ses choses-là sont méconnues. Les références culturelles ont changé, faire une liste ressemble beaucoup à un mémorial, et l'accélération générale du temps n'arrange rien. Une référence culturelle tue la précédente aussi vite qu'elle est elle-même tuée par celle qui survient. Ce mouvement fou, que nous détestons en réalité, mais au quel nous ne savons ni ne pouvons nous soustraire, nous nous fait prendre en grippe. Nous nous regardons dans le miroir de nos jeux technologiques, dans la mécanisation à outrance de nos vies, et dans le dégoût de nous-mêmes, nous tournons nos yeux fatigués vers des modes de vies qui nous semblent, alors, plus "sains", plus conformes, plus idéaux... et, en rêve presque, nous aimons, les cultures où le temps paraît figé, où l'homme, semble-t-il, est ami pour l'homme, où le soi est en communion avec lui... L'illusion est grande, car elle prend sa source dans la haine de soi; et comment en serait-il autrement dès lors que ce "soi" européen, ce "soi" occidental s'est coupé, volontairement en partie, et en partie de manière inconsciente, de sa mémoire, celle que le christianisme lui offrait, celle, en tout cas, qu'avec le christianisme, il aurait pu avoir. Et on aura beau jeu d'invoquer ici les péchés du christianisme et d'exhiber son livre noir : massacre de juif, inquisition, massacre des cathares, croisades, etc. Certes tout cela à été marqué du sceau de la Croix et tout cela a fai,t et fait, un tord considérable au christianisme, mais, et c'est unique, les textes fondateurs eux-mêmes, et le fondateur lui-même, condamnent par leur existence même les dérives et les abus injustement qualifiés de chrétiens. Jésus n'est point parti sur un cheval au galop le glaive au poing et hurlant "Tuez-les tous", mais bien en mourant sur la croix, lui même victime, entre deux voleurs, et avec le pardon sur les lèvres. C'est de là qu'il faut voir le christianisme et le juger, et c'est de là aussi qu'il faut juger toute l'histoire chrétienne. Le reste c'est de la poussière balayée par le vent..

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire