mercredi 11 avril 2012

Démocratie vertueuse

La démocratie a été inventée, il semblerait, par les Athéniens. Soit, laissons-là le cliché. Cette "invention" - qu'il faudrait comprendre, à la limite, au sens traditionnel, de "trouver" - a eu une généalogie mouvementée. La démocratie arrive jusqu'à nous à la fois ancienne et neuve, vigoureuse et déjà usée. Aujourd'hui, il n'est question que de la promouvoir, de la défendre, de la consolider.On la vante comme le système politique idéal, comme celui qui ne présenterait aucun défaut, celui qui n'a d'ennemis qu'extérieurs. Le pouvoir de tous - tous en tant que peuple, en tant que communauté - n'est en vérité que le pouvoir d'une majorité, aujourd'hui celle-ci et demain celle-là. Ce qui, en soit, ne l'invalide pas. Si la démocratie est, dans le monde occidentalisé, le régime le plus plébiscité, il est aussi celui qui requiert le plus de vertu. Une vertu individuelle et collective. Individuelle, puisque n'importe qui peut prendre part directement au gouvernement de la chose publique; collective, puisque chacun est partie prenante d'une communauté qui gouverne. La démocratie est dès lors de tous les régimes le plus exigeant. Son exigence se manifeste à tous les niveaux de la vie publique et, avant que de délivrer des droits, elle impose des devoirs. Devoirs d'autant plus impérieux que les droits qu'elle octroie sont grands. 
A vrai dire, on ne saurait, tout d'abord, concevoir la démocratie comme un régime émanant, déjà formé, d'en-haut ou, d'ailleurs, puisque, par définition, elle est le pouvoir du peuple, le pouvoir de tous en tant que peuple. Elle ne se réfère dès lors à aucune transcendance, elle ne subsiste pas sans ce "tous"; et celui-ci n'est jamais un donné absolu, mais toujours en train de se constituer comme "tous" précisément, comme communauté. La démocratie est donc un régime qui toujours advient et n'est jamais. La concevoir comme une entité a-priori et à laquelle on devrait adhérer, revient à faire de la démocratie, ni plus ni moins, qu'une tyrannie déguisée. Il n'y a pas une démocratie qui serait révélée et à laquelle on devrait donner son assentiment mus par je ne sais que quelle vertu de foi. Il y a une communauté en devenir, une communauté en théorie suffisamment vertueuse pour se gouverner seule, dans une espèce d'immanence politique.

La démocratie naît donc de ce qu'elle se fait. Cet avènement requiert une vigilance particulière, parce que la démocratie est menacée dès lors qu'elle advient. Et sa première menace et la plus constante, c'est le manque de vertu. Ce défaut perverti la démocratie n'en faisant qu'un régime de l'opinion majoritaire. L'absence de vertu nuit à l'apparition de la démocratie et à son maintient. 

Reste à définir la vertu.

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