jeudi 12 avril 2012

Vertueuse démocratie

Si la démocratie est le régime - ou devrait l'être - de la vertu. Il faut que l'on s'entende sur ce que serait la vertu en démocratie. En elle-même, la démocratie n'est pas la vertu. Ainsi on peut concevoir des démocraties d'exclusion, ce qui était le cas chez les Grecs. L'exclusion peut être fondée d'ailleurs sur divers critères, plus ou moins moraux. La vertu requise par la démocratie ne lui est pas consubstantielle. 

L'on pourrait croire que cette fameuse vertu serait, tout d'abord, politique. Or il n'en est rien. La vertu qui fait la démocratie est d'abord personnelle. Elle demande de chacun la liberté, l'autonomie, requiert l'effort de libération nécessaire à une vraie indépendance d'esprit. Cet effort est vertu au sens étymologique du terme, car il ne va pas de soi et suppose une force constante. L'indépendance d'esprit, l'autonomie dans la décision et le choix, ne sont pas choses données en-soi, surtout dans une société soumise au formatage perpétuel des opinions, au flot ininterrompu de la désinformation - comme appeler l'information livrée en "20 minutes", qui forcément ne peut, ni ne veut, entrer dans des nuances, qui dépassent tout le monde, ennuient, et qui pourtant seraient nécessaires et salutaires. 

L'autonomie de choix suppose, au préalable, une autre autonomie encore plus difficile : celle du désir. On le sait, la psychanalyse n'a cessé de louanger le "désir", un désir toujours perçu - pratiquement, en tout cas- comme autonome a priori, comme presque inné. Or, cette perception relève d'une mythologie : il n'est de désir que médiatisé, il n'est de désir que mimétique, il n'est de désir que de truchement. Dès lors, chercher une autonomie du désir, revient à mettre en cause ses modèles, la médiation elle-même, le jeu -violent- du mimétisme. Cette remise en cause ne peut se faire sans une prise de conscience, sans l'expérience charnelle, incarnée, de mon implication dans le jeu mimétique. La prise de conscience n'est ni évidente, ni aisée, et encore moins dans une société mimétique en diable où, par exemple, sur les murs s'étalent ce message publicitaire "Be different" ! 



Qu'est-ce donc cette injonction à la différence qui, si on la suivait, nous ramènerait à une similitude universelle? Comment peut-on dire, à tout le monde ,d'être différent en acquérant le même objet? C'est forcément les signes préfigurant la guerre; soit l'objet est courant et tout le monde aura le sien, mais alors cet objet, en définitive, ne vaut rien, et donc l'injonction "be different" est un ordre, qui pourrait, dans d'autres circonstances, être cruellement signifié, soit l'objet est rare, et donc c'est la bataille pour l'obtenir. 
On ne peut être différent qu'ailleurs, que dans l'acceptation de l'identité non-différente. Vanter la différence pour mieux renforcer la similitude, c'est de la violence sous le velours.

La première vertu démocratique est d'abord la critique  personnelle de la similitude et, de manière concomitante, de l'injonction à être différent. Autrement dit, il s'agit de quitter une fois pour toutes l'injonction paradoxale délivrée par le jeu sociétal du désir mimétique.

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