jeudi 2 décembre 2010

L'amour encore l'amour

Quelques précisions supplémentaires sont nécessaires à ce qui a été dit sur l'érotique, sur l'érôs. La notion peut prêter à confusion.

Trois niveaux, il me semble, sont à distinguer lorsque l'on parle d'érotique, je ne dis pas d'érotisme, mais d'érotique. Le premier niveau est celui développé chez Platon : l'éros céleste, cet amour hautement moral, et mystique, qui, donc, procède par un mouvement ascendant, où l'âme cherche à rejoindre son milieu naturel. Il n'est absolument pas question ici de passion amoureuse, ni de mouvement lascifs, ni rien de charnel au demeurant, au contraire, l'érotique céleste est une tentative de sortir du charnel précisément.

Un deuxième niveau est celui, opposé au premier, que les anciens appelait l'éros vulgaire, l'éros d'en-haut. Il est ici question de mouvement charnel, de désir poussant à jouir du corps de l'autre, voire d'indécence. Le mouvement n'est pas ascendant, mais pas descendant non plus, il est purement vertical, l'âme restant engluée dans la matérialité de la chair.

Un troisième niveau enfin, comme tel ignoré par la philosophie antique, mais inauguré par des mouvement religieux, notamment les rites à mystères, et la gnose hérétique chrétienne, est constitué par une compréhension de l'érotique comme mouvement, qui de la chair, de la prise en compte de la chair, veut s'élever vers le haut, vers le monde spirituel. Dans ce mouvement, la chair n'est pas forcément perçue comme positive, elle est considérée comme indifférente, et comme indifférents ses mouvements, persuadé que sont ceux qui adhérent à cette perception, qu'ils sont de nature essentiellement pneumatique, spirituelle, et que, pour eux, la chair et ses passions, ne saurait aucunement les atteindre. Nous sommes ici dans une position élitiste. C'est la postérité de ce niveau, qui va donner naissance à l'érotisme, au sens moderne du mot : défini comme "carnalité" spiritualiste, car contrairement à la pornographie, l'érotisme, tacitement, conserve un motion spirituelle, non pas au sens de la religion, mais au sens, de primat de l'esprit. L'érotisme est ainsi une tension entre une expression charnelle et une primauté de l'esprit, une tension contenue toute entière dans la visée que l'on se fait précisément de la chair. La tension n'est pas entre le corps et l'esprit, positionnement facile et habituel, mais entre la chair et l'esprit, la chair n'étant pas adéquatement le corps.


Il serait intéressant de faire le point sur la notion de "chair" justement, mais ceci est une autre histoire.

En conclusion, lorsque l'on parle d'érotique et d'érotisme, il faut savoir à quoi précisément l'on fait référence. Le christianisme n'a pas fait de l'érôs sont mobile central - celui-ci appartenant à la philosophie grecque- mais néanmoins il a dû, au long de son histoire, composé avec ce mobile érotique, et, pour une part, l'adopter. Reprocher au christianisme de ne pas être érotique, c'est lui faire un mauvais procès, comme si on reprochait aux poules de ne point voler.

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