jeudi 16 décembre 2010

Les érections du Christ

Revenons, une nouvelle fois, au phallus dont il avait été question il y a quelques jours.
A coup sûr, le christianisme a rompu avec la représentation phallique et surtout avec son culte. Le christianisme a horreur des fétiches et des fétichismes. A l'origine du mot, il y a le portugais "feitiço", ensorcellement, qui lui vient de "feiticeiro" jeteur de sorts. Le fétiche est un objet, naturel ou façonné, considéré comme le support ou l'incarnation de puissances supra-humaines et, en tant que tel, doué de pouvoirs magiques dans certaines religions primitives. Le fétichisme est donc la croyance au pouvoir magique d'un objet ou d'une chose de la nature. Cette croyance crée une dépendance, le fétichiste est en quelque sorte ensorcelé, envoûté. 
Le christianisme dans son entreprise de libération de l'humain, rejette toute forme de dépendance à un quelconque fétiche ou à un quelconque jeteur de sort. La relation fondamentale dans le christianisme n'est pas celle de l'esclave, mais celle de "fils". On ne saurait penser, en régime chrétien, la relation au religieux qu'en terme de filiation, de partage de la même nature, du même héritage. Dieu n 'est pas un fétiche, la divinité est Père, et elle instaure un lien de liberté et non pas d'aliénation. Dans un tel contexte, la représentation du phallus, ne veut strictement rien dire. Elle ne renverrait qu'à une partie de la personne humaine et non plus à toute la personne, une partie que l'on va exalter aux dépens du reste, une partie que l'on va hypostasier et vénérer pour elle seule. 

Le phallus évoque la puissance et la fécondité, il en est le symbole. Les religions primitives, mais aussi la romaine, lui vouait un culte fétichiste. Le christianisme rejette cela, cependant, par un détour, qui est chez lui une habitude, il récupère le symbole phallique, mais défétichisé. 

Le Christ Ressuscité est le nouveau phallus, non plus dans la représentation réaliste de son membre viril dressé, mais dans toute sa personne érigée, debout, au sortir du tombeau. La "surrection"  de l'homme crucifiée est la réalisation chrétienne du phallus : ce n'est plus le membre masculin qui est signifiant, mais toute la personne humaine, passée de mort à vie, qui désormais signifie la puissance et la fécondité.

"Quand je serai élevé de terre j'attirerai tout à moi". Cette phrase de l'évangile de Jean, récapitule bien les choses. L'élévation christique est le mouvement qui commence à la crucifixion qui passe par la résurrection et qui s'achève par l'ascension. Trois érections donc, chacune ayant sa symbolique propre, et toutes ensembles composant une chaîne signifiante. Les érections christiques sont - osons le dire- une profonde mutation de la représentation phallique et de sa signification. Cette mutation, anti-fétichiste, a des conséquences sur la manière d'envisager la chair et la sexualité. L'une et l'autre seront débarrassées de tout fantasme de puissance, ramenées à leur réalité de déréliction et simultanément exaltées comme capax dei.

C'est ce que nous donne à penser la chair crucifiée et la chair ressuscitée du Christ. 


En résumé donc, le phallus n'a pas disparu du christianisme il a été réintégré à la totalité de la personne, et c'est désormais toute la personne qui est phallique. Le phallus est à la fois signe de faiblesse et de puissance de vie. Le phallus n'est plus aliénant mais un est le Fils qui libère et qui détourne de lui.


Ce qui ouvre des perspectives aux femmes qui ne sont plus sous l'emprise phallique dans laquelle les maintenait le culte fétichiste du phallus. Tout culte phallique est une exclusion des femmes, la représentation réaliste du phallus, organe masculin, exclus d'office les femmes, dans leur anatomie d'abord, dans leur existence ensuite. La révolution chrétienne est aussi une libération de la femme.

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