lundi 21 novembre 2011

Les saints et les héros de l'envie.(publié en son temps sur FB.)

Traduttore traditore. L'adage disait donc ceci que le traducteur était sans doute un traître. Puisque passant d'une langue à l'autre, les mots, fourbes, changeaient de sens. L'adage est périmé aujourd'hui. Parce que les chiffres ont remplacés les lettres, semble-t-il, et que le traîtrise conséquente n'est plus de ce côté là non plus. Au goût du jour d'aujourd'hui, et de l'heure de cette heure - n'ayons pas peur de la redondance - le traître c'est le traider, ou le traideur, ou plus français encore, le courtier. Mais laissons "courtier" au cimetière des mots avec la regrettée "canneberge" et les autres chers disparus. Et le traître à un nom : K. Monsieur K. a écrit un livre. Tiens les chiffres ont besoin des lettres ? Ce livre je ne l'ai pas lu, il y a plus urgent à lire. Mais, en quatrième de couv', comme on dit dans le jargon des éditeurs, on y apprend que K. a fait gagner à la S.G. plus d'un milliard et demi d'euros.
La chose y est présentée comme un exploit digne d'être célébré aux temps sans fin. Un exploit comme ceux d'Hercule ou d'Ulysse. Car M. K., le traider traïtre, est devenu, un héros, un héros comme notre époque les aime, sonnants et trébuchants. Et pour ce qui est de trébucher, M.K., l'a hélas fait, et c'est précisément son "trébuchement qui l'a propulsé dans l'empyrée des héros, aux côtés des starlettes chantantes ou des monstres du cinéma. Voilà le nouvel Olympe, dans lequel le nouveau Zeus-Pater, s'appelle Argent. Ce nouvel héroïsme n'a rien de l'ancien. Celui-ci délivrait, sous le mythe, des vérités assimilables par l'esprit et, d'un certaine façon, invitait à la vertu. Celui-là, crée de manière expéditive le mythe ou le "culte", un mythe manquant cruellement d'esprit, et n'ayant de la vertu que la petitesse.


Les dieux grecs ou latins étaient des masques de notre âme et de ses paradoxes. Les dieux contemporains, les pantins adulés de notre envie. Images de nos images, virtualités de nos virtualité, miroirs de nos multiples miroirs, ils sont ce que nous avons fait de pire, nous-même poussés à la caricature. Il n'y a pas que Rome qui béatifie et canonise, il y a aussi ce courant, fondamental, lourd, pressant, qui porte au pinacle un tel ou une telle, parce qu'elle chante, parce qu'il frappe du pied dans un ballon, parce qu'il brille devant une caméra, mais surtout parce qu'il coule avec lui l'odeur excellente du fric, et celle, qui lui est souvent proche, de la luxure. Je ne parle pas ici du sexe joyeux et, après tout, innocent, mais de ce sexe cynique, obscène, clinquant et scandaleux comme scandaleux est tout le processus de déification moderne. (Le scandalon en grec est la pierre qui fait trébucher et tomber, le scandale c'est l'obstacle sur le chemin). La religion n'est pas toujours où l'on croit.

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